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Liste par auteurs & titres dans Kronik list

samedi 24 décembre 2011

85: "Les enfants de cendres" de Kristina Ohlsson

Genre : frissons suédois


Histoire

Lors d'un arrêt en gare ferroviaire, une mère descend pour téléphoner et ne monte pas à temps alors que le train part, laissant sa petite fille seule. Malgré la surveillance par les contrôleurs, seuls sont retrouvées au terminus à Stockholm les chaussures de la fillette...
La police est chargée de l’affaire, assistée par l’enquêtrice Fredrika Bergman, l'héroïne récurrente de l'auteure...



Impressions

Un polar-thriller avec une première partie d'enquête en impasse. Je ne dévoile pas l'intrigue puisque c'est le titre de ce chapitre: "Fausses pistes".
Ce début est décevant, le suspens étant évidemment anéanti quand on suit les efforts des policiers qui s'embourbent alors que l'héroïne, simple analyste de la Police, a parfaitement saisi les indices à explorer...
La lecture devient plus prenante quand enfin, après des découvertes macabres, l'investigation est mis sur les bons rails à la poursuite d'un psychopathe. L'intrigue est portée en particulier par les chapitres courts et rythmés.

Malgré une volonté claire d'apporter de l'épaisseur aux différents protagonistes à travers la description de leur vie privée et leurs états d'âme, je n'ai pas ressenti d'empathie pour ces personnages.

Un polar bof, bof, et pourtant prix du meilleur thriller suédois de l'année 2009.
Très loin d'un Millénium.

A déconseiller aux lecteurs sensibles.

mardi 13 décembre 2011

84: "Courlande" de Jean-Paul Kauffmann

Genre : récit de voyage poétique dans l'une des quatre provinces de la Lettonie à la recherche d'un souvenir impalpable.



Histoire

"La Courlande est le pays de la désolation heureuse. Ces forêts, ces châteaux, des prés constituent un vide d'une espèce un peu particulière.C'est une vacance dans l'expectative, lourde de promesses et d'embûches."

Impressions

Comment ne pas faire le parallèle avec deux de mes lectures déjà chroniquées.

D'abord à "le gout des pépins de pomme", où se retrouve un rythme lent, nourri de nombreuses descriptions, le jardin et la maison d'Iris en écho à la campagne, la mer et les châteaux de la Courlande. En commun aussi, un voyage dans l'histoire avec un petit et un grand "H", à travers 3 générations de famille en Allemagne d'un côté, l'histoire d'une région peu connue de cet Etat balte de l'autre.

Cette narration sans heurt surprend par cette répétition presque enivrante de visites de châteaux, cette succession de rencontres fortuites (un rocker polytonal, un professeur allemand en design...) et surtout cette course au chat et à la souris avec le Résurrecteur, un allemand à la recherche des tombes des soldats de la Wermacht qui m'a inévitablement évoqué le "Général de l'armée morte".

Roman énigmatique et poétique où s'entremêlent données historiques et impressions personnelles.
Des événements remarquables se sont déroulés dans cette région d'Europe, comme le départ d'une escadre russe qui sera défaite par les Japonais à Tsouchima en 1904. Des personnages illustres y ont séjourné (Louis XVIII en exil) ou en sont partis (Crododile Dundee !!).
L'auteur et son épouse qui l'accompagne dans ce voyage éprouvent de la difficulté à se familiariser au premier abord avec les lieux et ses habitants, mais finissent par être envoutés par un charme mélancolique au point de prolonger leur séjour.

Un roman très bien écrit, reposant, séduisant.
A déconseiller aux lecteurs vite découragés par des descriptions historiques. Mais loin de l'indigestion d'éruditions démonstratives des Diamants de la guillotine.

Un roman conseillé -et prêté- par Professeur Jean-Louis que je salue bien bas !!

vendredi 9 décembre 2011

83: "La place aux autres" de Philippe Mouche

Genre : multigenre, i.e "Genre 1327 petit pois" OU "Genre GlobalWatch is watching you" OU "Genre courir tout nu à travers la Place aux Autres"


Histoire

Après avoir claqué la porte à son parti politique d'opposition au maire, Tristan Kassal achète une "boîte de petits pois", précisons "Une boîte de 400 grammes, pour célibataire" dans un supermarché, trahissant sa fidélité à "Aliment Debout", un réseau de "3 épiceries coopératives dans la ville, proposant nourriture biologique, produits équitables et horaires décalés."
Il percute alors un caddy conduit par une "Cascade de cheveux noirs, iris bleu profond, lèvres fines, corps invisible sous la blouse informe, jean taché." Et après avoir demandé à Tristan combien une boîte comporte de petits pois cette belle inconnue disparaît.

Tandis que Tristan s’évertue à retrouver l’inconnue, une énigmatique voix contacte Tristan pour rendre public un scandale politique…

Impressions

Roman déjanté, aux multiples facettes où de nombreux thèmes sont abordés, comme l’art, la politique, l’écologie, l’amour..

Histoire résolument urbaine, dans une ville qui n’est pas sans évoquer Grenoble, la ville de l’auteur (du roman …et du blog !!!), avec son "Jardin de Ville », son Grand Stade…



Roman d’anticipation orwellien, où "GlobalWatch, leader de la télésurveillance a investi plusieurs hectares en pleine Nanozone..." . Cette télésurveillance n’est pas sans rappeler « 1984 » décliné en version 21ème siècle… La 'tablette' de type iPad ® est devenue une 'ardoise', le Web est supplanté par le Nuage, mais à regarder de près, on est déjà proche de cette situation…
"Au temps du Net, on pouvait déjà visualiser ses rues. Avec le nuage, on saura tout de ses habitants." […] "Les personnes cibles seront géo-localisées et suivies par des programmes capables de recouper vidéos de surveillance, photos satellitaires, émissions des ardoises et des cartes de transport, données des sites communautaires, messages du Nuage."

Peinture d’une société moderne où les courants et les modes actuels constituent des mouvements sociaux, comme les "Terriens-Démocrates", les Nurbains dont chacun "aux fesses rebondies et vêtu d'un masque de faune glisse sur sa patinette.", les Pirates "revendiquant un rôle historique dans l'invention du Nuage, poursuivant leur combat pour la gratuité d'à peu près tout et passant de temps en temps quelques jours en prison." "

L'humour est très présent, avec en particulier séances chez le psy qu'enchaîne Paul Nadaillac de Rouge, où souvent il dort...
"Vous vous êtes endormi.
- Et vous m'avez laissé dormir jusqu'à la fin de séance."



Un livre donc que j’ai adoré, mais qui risque de déplaire aux lecteurs par sa construction assez complexe et déjantée.
2ième lecture du concours interCE de cette année et vraiment une excellente surprise !


En surfant sur le Web, pardon le Nuage, j’ai appris un nouveau terme : « dystopie »
Cf. Wikipedia, c’est un récit de fiction peignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'elle empêche ses membres d'atteindre le bonheur et contre l'avènement de laquelle l'auteur entend mettre en garde le lecteur.
Cette forme littéraire a été popularisée par Le Meilleur des mondes (1932) d'Aldous Huxley, La Kallocaïne de Karin Boye (1940), 1984 (1948) de George Orwell, Limbo (1952) de Bernard Wolfe, Fahrenheit 451 (1953) de Ray Bradbury, La Planète des singes (1963) de Pierre Boulle et Nous autres (1920) de Ievgueni Zamiatine.

J'aime donc les dystopies...

dimanche 20 novembre 2011

82: 'Le Paradoxe du Cerf-Volant', de Philippe Georget

Genre : Polar noir ne manquant pas de punch


Histoire
Est-ce que 27 ans doit être l’âge de la retraite des rings pour Pierre, meurtri par une défaite douloureuse? Doit-il désormais se contenter de son métier (le seul rémunérateur) de barman ? Ou est-ce que Pierre doit se reconvertir dans le "gros bras" pour prêteur sur gages ?
Le présent aura tôt fait de plonger Pierre dans une histoire criminelle embrouillée sur fond d’Histoire des Balkans, une série noire d'événements qui mettra à mal sa seule amitié.
Son passé difficile refera surface et il faudra à cet anti-héro une bonne dose de punch pour se dépêtrer du sac de nœuds et de vipères qui le manipulent…
Mais pour quel futur ?...



Impressions

Premier livre du cru 2011-2012 concours Alyce inter-CE. Le polar du concours.
L’intrigue est très bien ficelée, rondement menée, avec de nombreux rebondissements. L’auteur mêle habilement l’histoire personnelle du héros à des événements historiques.
L’univers de la boxe est extrêmement bien rendu, avec la sueur, le cuir, le sang et le bruit des coups qui claquent. (Les deux combats de boxe tiennent en haleine).
Ce récit illustre aussi la complexité du conflit Yougoslave, et en particulier relativise la notion de méchants souvent attribués aux serbes alors que des atrocités ont pu être commises de l’autre côté.

J’ai moins aimé le style, certes vivant, facile à lire, viril, réaliste, mais d’un niveau d’écriture assez inégal et sans poésie.

Un très bon thriller à la chute renversante…

mardi 15 novembre 2011

81: 'La Modification' de Michel Butor

Genre : changement d'aiguillage cérébral


(Votre) Histoire

Vous, le lecteur, êtes le narrateur, un directeur parisien de la firme italienne de machines à écrire Scabelli. Vous quittez Paris en train pour venir surprendre votre maîtresse qui vit à Rome et lui annoncer que vous vous installerez en couple à Paris. Mais pendant les 21 heures que durera ce trajet à huis clos ferroviaire, votre esprit va vagabonder; vous penserez à l'avenir, vous vous remémorerez les instants passés avec votre famille, avec votre maîtresse, vous observerez les autres passagers, le décor intérieur, le paysage qui défile, vous analyserez, disséquerez vos sentiments, vos peurs, vos projets, et petit à petit vos convictions se dilueront, les rêves vous envahiront et vos réflexions perdront en rigueur...

Impressions

Interview de Michel Butor sur site INA:
« Je voudrai que quelque chose soit modifiée dans la façon qu’a le lecteur de voir ce qui l’entoure »

C'est sûr je ne considérerai plus de la même manière les heures qui défilent lors d'un trajet en train. J'observerai les miettes de pain qui roulent au pieds des voyageurs, je prêterai aux autres voyageurs un nom, un métier, des préoccupations, guettant le moindre indice dévoilé...
Surtout, il m'arrivera sans doute de sourire en constatant le fil de mes pensées évoluer au fur et à mesure du voyage qui s'écoule.

Un roman hors norme, exigeant (il ne faut pas perdre le fil pour en profiter) et donc plutôt cérébral. Une expérimentation inédite sur l'écriture revendiquée par le mouvement "Nouveau Roman", et pour moi, incontestablement une expérimentation inédite de lecture.


Quelques infos glanées sur le Net:

-Le Nouveau roman est un mouvement littéraire des années 1953-1970, regroupant quelques écrivains appartenant principalement aux Éditions de Minuit. Repoussant les conventions du roman traditionnel, il se veut un art conscient de lui-même.

-Michel Butor a été professeur de langue française à l'étranger et professeur de philosophie à l'Ecole Internationale de Genève dans les années 1950 après l'obtention de l' agrégation de philosophie. Il fut ensuite professeur de littérature, tout d'abord aux États-Unis, puis en France à l'université de Nice et finalement à l'université de Genève jusqu'à sa retraite en 1991.

-Ce roman est souvent un sujet proposé au baccalauréat...

samedi 29 octobre 2011

80: “Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates” de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows

Genre : échanges épistolaires après-guerre


Histoire
Juliet Ashton, romancière londonienne, découvre un cercle de lecture assez incongru qui s'était formé dans l'île de Guernesey pendant la seconde guerre mondiale : "Le cercle des amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates de Guernesey".
Pour enquêter sur ce petit groupe de lecteurs, commence alors une correspondance épistolaire nourrie entre Juliet et les membres du Cercle qui va petit à petit créer des liens d'amitié.

Impressions

Roman 'à la mode' écrit par 2 auteures américaines, qui remporte un enthousiasme assez général.

En effet, comment, en tenant à jour un modeste blog littéraire ne pas être séduit par un roman qui plébiscite la lecture comme vecteur d'évasion face aux difficultés quotidiennes en temps de guerre, comme moyen de se préserver des occupants ? C'est donc d'abord un merveilleux hymne à la lecture.

C'est aussi un roman à la fois drôle et triste, humoristique et parfois tragique, surtout à travers le personnage héroïque clef d'Elisabeth (que je vous laisse découvrir).
Derrière l'excentricité du groupe littéraire et du comportement chaotique amoureux de Juliet, ce roman est empreint d'une profonde humanité, du respect entre êtres humains (même parfois avec l'ennemi), du courage face au fascisme.

Un très beau livre écrit par Mary Ann Shaffer et sa nièce. A lire !!

Mary a été bibliothécaire et libraire et ce roman aura été son premier et malheureusement dernier. Elle est décédée en 2008, après avoir appris que son livre serait publié.

79: "Le goût des pépins de pomme" de Katharina Hagena

Genre : roman au féminin sur le souvenir

Histoire

En Allemagne du Nord, trois générations de femmes:
1- la grand-mère Bertha et sa soeur Anna, partie trop jeune.
2- les trois filles de Bertha et de Hinnerk Lünschen, Inga, Harriet et Christa,
3- Iris, la fille de Christa et aussi la narratrice.
        Bertha a légué sa maison à sa petite-fille. Après l'enterrement, Iris a décidé de rester le temps de régler la succession, mais bien peu s'en faut pour qu'elle prolonge son séjour...

Impressions

    Roman très délicat, où la narratrice plonge dans ses souvenirs comme elle plonge dans le lac proche de cette maison qui est désormais sienne.

    Le fil du passé se dénoue, avec ses instants de tendresse, de bonheur mais aussi de cruauté et de disparitions des êtres chers. Ces récits de tranches de vie se nourrissent de l'exploration des pièces de la maison et du jardin, que l'auteure excelle à décrire: on savoure les odeurs du verger ou frissonne, assis sur les dalles froides du perron.

    Livre qui mérite sa place actuelle au top des ventes. Mélancolique et tendre mais pas à l'eau de rose, riche en scènes humoristiques comme lors des moments vécus avec Max, l'avoué en charge de la succession.

Pas un chef d'œuvre mais un très beau roman.

vendredi 28 octobre 2011

78: "La Maldonne des Sleepings" de Tonino Benacquista

Genre : pour insomniaques en voyage ferroviaire


Histoire
Antoine, un "couchettiste" (à traduire, un responsable d'un wagon couchette en 2ième classe) du Paris - Venise se retrouve encombré d'un clandestin qui attire la convoitise et les ennuis.

Impressions
Un polar qui se lit facilement, sans prétention. De l'humour, un héros bourru aux coups de gueule et des situations abracadabrantes attestent de la signature de Tonino Benacquista.
L'auteur a effectivement été "couchettiste", d'où l'aspect très documenté de ce récit ferroviaire.

Un livre pour se détendre mais beaucoup moins captivant que "Saga". A lire sur le Paris-Venise, mais méfiez-vous des faux médecins...

La suite des tribulations d'Antoine, "Trois carrés rouges sur fond noir" a été primée en 1990 (notamment pas les Galeries Lafayette). A suivre.

jeudi 27 octobre 2011

77: "Le Général de l'armée morte" d'Ismaïl Kadaré

Genre : rapatriement d'ossements à déterrer dans une Albanie pluvieuse et boueuse


Histoire

Un général italien accompagné d'un prêtre ont pour mission de ramener les cadavres de leurs compatriotes morts en Albanie lors de la deuxième guerre mondiale.

Pour replacer le contexte historique qui m'était personnellement flou.
L'Albanie a été envahie par l'Italie fasciste en avril 1939. En 1943, l'Allemagne occupera à son tour le pays.
Grâce à la résistance menée par le communiste Enver Hodja contre l'occupation italienne puis allemande, l'Albanie s’est libérée par ses propres moyens dès 1944. Après des élections remportées par le Front démocratique, mouvement où les communistes sont dominants, l’Assemblée constituante déclare la République populaire d’Albanie en janvier 1946. Ce roman prend place environ vingt ans après la guerre.

Impressions

Cohabitent plusieurs formes littéraires, comme les dialogues (savoureux), les journaux intimes et les contes. La narration est rigoureuse, épurée.

Ambiance lugubre, accentuée par une météo hivernale, de pluie, de boue, de froid, comme si ce pays ne bénéficiait pas du climat méditerranéen. Des listes sans fin de noms à cocher. Un énigmatique colonel Z hante les récits les plus cruels. L'absurde de cette quête se traduit par des mésaventures, de petites anicroches tragi-comiques, où se mêlent horreur et beauté, drame et humour. Des petites mésaventures qui feront progressivement perdre de sa superbe au général.

"[...] odieuse besogne"
"Tout le reste n'est qu'une chronique monotone".
"J'ai l'impression de m'être introduit dans le royaume du calcium".
"J'ai l'impression que nous errons dans ce pays comme une tumeur mobile. [...] Il y a dans notre travail quelque chose de bizarre et de maléfique."


Un exil pour ce général en mal de son pays, comme une suite à l'œuvre d'Albert Camus de ma chronique précédente...
De nombreuses critiques du Net mettent en avant dans ce roman la description avec force et une grande humanité de l'Albanie. J'avoue ne pas avoir été réceptif à cet aspect du récit. J'ai plus été happé par l'ambiance surréaliste, cet univers flottant et englué à la fois, sans repère temporel, une quête à la dérive.

Une lecture à ne pas conseiller si vous n'avez pas le moral.
Une narration lente, nécessaire au sujet, mais qui manque à mon goût de rythme.
Un grand roman mais dont la monotonie m'a quelque peu déçu.

Ce roman a été porté à l’écran par Luciano Tovoli en 1983, avec Marcello Mastroianni, Michel Piccoli, Anouk Aimée.

Un des 100 livres du XXième siècle recensés au printemps 1999 dans le cadre d'une opération organisée par la Fnac et Le Monde. J'enchaîne avec "La modification" de Michel Butor.

samedi 17 septembre 2011

76: "L'exil et le royaume" d'Albert Camus

Genre : 6 nouvelles sur l’homme face à sa solitude


Histoire
Bien que très différentes par leurs styles et leurs atmosphères, elles se rejoignent à travers le thème de la solitude, soit par l'éloignement de son pays, soit issue de l’incompréhension de l’entourage.

''La femme adultère''
En Afrique du Nord, un commerçant français, Marcel, doit surpasser l’inconfort des rapports entre les colons et les autochtones pour gagner sa vie. Le racisme est latent, traduit par des remarques dites sous un ton débonnaire
« Doucement le matin, et pas trop vite le soir », dit Marcel.

Sa femme l’accompagne dans la tournée des marchands arabes des hauts plateaux et du Sud. Elle le suit « voilà tout, contente de sentir que quelqu’un avait besoin d’elle. »
« Surtout, elle aimait être aimée, et il l’avait submergée d’assiduités. A lui faire sentir si souvent qu’elle existait pour lui, il la faisait exister réellement. »
« Elle attendait, mais elle ne savait pas quoi. Elle sentait seulement sa solitude, et le froid qui la pénétrait, et un poids plus lourd à l’endroit du cœur.
« Et son malaise, son besoin de départ augmentaient. »

Une histoire déroutante, inquiétante.

''Le renégat ou un esprit confus''
« Prisonnier de son royaume, la ville stérile sculptée dans une montagne de sel », le narrateur a renié son passé et sa culture pour se convertir à la religion cruelle et violente de ses maîtres. Accablé par la chaleur qui monte et le soleil qui « frappe comme un marteau sur toutes les pierres », à travers un monologue intérieur, il délire en attendant l'arrivée d'un missionnaire.
Déjà cette torpeur régnait dans la nouvelle précédente ; « Le plus dur était l’été où la chaleur tuait jusqu’à la douce sensation de l’ennui. »
Une nouvelle dure et cruelle.

''Les muets''
« Une grève de colère » dans un atelier de tonnellerie vient d’échouer, « la colère et l’impuissance font parfois si mal qu’on ne peut pas crier. »
Très humain et ... d'actualité.

''L’hôte''
Deux hommes progressent « lentement dans la neige, entre les pierres, sur l’immense étendue du haut plateau désert ».
Ils rejoignent l’instituteur Daru. L’un des 2 visiteurs part et Daru se voit encombré d’un hôte dont il est maître du destin.
Un dénouement terrible.

''Jonas''
« Gilbert Jonas, artiste peintre, croyait en son étoile. » Mais devant son succès artistique, jusqu’à quelles limites, supportera-t-il d’être envahi de visiteurs souvent intéressés ?
La nouvelle la plus légère mais que j'ai le moins appréciée.

''La pierre qui pousse''
Après le désert et les ateliers, le recueil s’achève dans la forêt brésilienne. Un ingénieur rejoint le village Iguape pour construire une digue qui protègera les bas quartiers des inondations. Il est loin de l’Europe, « Ici, l’exil ou la solitude, au milieu de ces fous languissants. ». Mais très vite accepté par les pauvres, il est invité à « la cérémonie de danses, dans les cases ».
Une rencontre très riche, forte en émotions. J'ai retrouvé l'atmosphère tropical de certains romans de Sepulveda.

Impressions

Dernière œuvre de Camus publiée de son vivant (1957).
Un sens extraordinaire de l’écriture, un recueil de petits bijoux ciselés, profonds.

Une analyse assez poussée sur ce lien

dimanche 21 août 2011

75: « La Délicatesse » de David Foenkinos

Genre : carte du Tendre chez Ikea


Histoire
Une femme perd l'être aimé et recherche à reconquérir le bonheur.

Où en est mon ego ? (en référence à la dernière chronique...)
Bien que je ne vive pas aux confins de la Chartreuse dans le Vercors, ce roman est le premier de cet auteur que je lis, auteur semble-t-il à la mode et d’actualité: 'La Délicatesse' est adapté au cinéma en cette fin 2011 (réalisation par David Foenkinos lui-même et de son frère), avec à l'affiche Audrey Tautou et François Damiens, et son dernier ouvrage 'Les Souvenirs', est présenté à la rentrée littéraire par Gallimard. Cela chauffe pour cet auteur.



Selon le site « Evene », l'écrivain est apprécié pour ses textes empreints de légèreté et d'humour.
En effet ce sont là les qualités que je retiendrai de cette lecture, un agréable moment, porté par une écriture simple, rythmée, et en effet légère et humoristique (qui repose de l’ambiance noire et mortifère des ‘Oliviers du Négus ‘’). Ainsi j'ai par exemple apprécié ces chapitres "digression" où surgissent une liste d'actions ou une recette de cuisine. D’où semble-t-il un engouement contemporain pour ce roman (et ce romancier).
Y chercher plus expose le lecteur à la déception (à l'image de quelques critiques acerbes lues sur le Net). La tournure de cette histoire avec ce vilain canard made in IKEA est difficilement crédible. Pas de leçons profondes à retenir et à méditer sur les rapports humains et amoureux. Mais ce roman parvient à faire sourire et réfléchir sur l'amour avec des dialogues et des situations savoureuse et délicates.

74: « Tout à l’ego » de Tonino Benaquista

Genre : Recueil de 10 nouvelles à l’ego mis en question




Histoire
Ces dix nouvelles mettent en scène des personnages bien ordinaires, confrontés à des situations inattendues et souvent embarrassantes. Ainsi :

- Comment régir si un événement fortuit vous ouvre la boîte noire de l’inconscient, ce tout-à-l’égout de notre égo ?
« J’ai relu "Les Portes de La Perception" d’Aldous Huxley. Ce type-là devait être accro à la boîte noire, comme moi. »
« L’opium ne m’a procuré strictement aucun effet, la relecture de "Tintin et le lotus bleu" aurait été plus efficace. »

- Que faire quand Tonton casse sa pipe en léguant à son neveu une dernière volonté énigmatique : il veut être "enterré près de la volière. " ? Alors le neveu enquête…
« Et il répondait : « Vous savez bien que le vendredi c’est le jour de la volière. » Il devait être colombophile ou un truc comme ça, y a des amateurs, ça devait s’envoyer des messages dans les pattes des pigeons, allez savoir. »

- Et si un jour votre épouse que vous connaissez mieux qu’elle même depuis 12 ans (et que vous trompez …), se mettait à vous surprendre et à mettre en doute votre moral au point de vous pousser à faire une psychothérapie ? Un tel transfert de personnalité entraîne nécessairement des bouleversements majeurs au sein du couple… La chute est croustillante.

- Qui soupçonne les répercussions que peut engendrer une cassette coincée dans un magnétoscope ?
« C’est cette maudite cassette qui est à l’origine de tous nos malheurs. ».
(Voilà un thème qui certes vieillira mal dans les générations à venir qui devront consulter les archéologues pour savoir ce qu’est une cassette vidéo…)
Bobinages est un récit savoureux.

- Le long titre de la nouvelle Si par un jour d’été un sédentaire cache une courte histoire de jeu de chat et souris entre une call-girl et un paparazzo. Surprenant, surtout le cruel dénouement !

- Opportune est une nouvelle flash (10 pages) et efficace sur l’infidélité maladive…



Qu'en pense mon ego ?

Les événements qui viennent détraquer le quotidien des "héros" conduisent à une remise en question de soi, que les concernés gèrent le plus souvent maladroitement, et ainsi empirent leur position.

Certaines nouvelles sont inégales, et j’ai ainsi moins aimé La Pétition qui est une farce rocambolesque, au rythme –trop- échevelé, trop décousue. C’est justement une des plus longues.
Mais pour l'ensemble de ce recueil, l’écriture efficace favorise une lecture fluide et réjouissante.
Ces récits sont rythmés, légers, parfois burlesques, et souvent parsemés d’humour.

En quatrième page de couverture,
« On a beau être notre pire ennemi, on se préfère, c’est toute l’histoire. »

lundi 8 août 2011

73: "La ballade de l'impossible" de Haruki Murakami

Genre : amours possibles et impossibles

Histoire

Avoir vingt ans en 1968 au Japon. Watanabe, étudiant à Kyoto croise Naoki, l’ancienne petite amie de Kizuki. Kizuki était aussi le meilleur ami de Watanabe avant de se suicider à 18 ans. Une histoire d’amour est-elle possible entre ces 2 adolescents alors que Naoki semble encore très fragilisée par la disparition de Kizuki ?

Impressions

Écriture aérienne, fluide, souvent poétique, parfois érotique. (Cette année, ce roman s’est vu retiré de la liste de lecture d’été du lycée de Williamston dans l’Etat du New Jersey aux USA, après que plusieurs parents se soient plaints de l’érotisme de l’histoire...)

Le temps s’écoule, coule, les personnages évoluent comme en apesanteur, détachés du réel quotidien, étrangers aux événements tels que les agitations estudiantines de ces années.

A l’image de Watanabe, étrange héros, qui étudie la dramaturgie sans semble-t-il être vraiment intéressé, et qui se réfugie dans la lecture et la solitude. L’environnement, le décor importe finalement peu, c’est plus dans la caverne des sentiments et de l’intellect, dans les profondeurs de soi que se déroule cette « ballade ».
        L’amitié, les blessures émotionnelles, la difficulté de vivre en société, l'impossible ou non communication entre les hommes, la fragilité mentale et la notion de normalité, la question de l’impasse de la vie qui conduirait au suicide… Une grande variété de thèmes est abordée. Une ballade initiatique, où se côtoient la mort et l’espoir, l’amour et la passion.

        Un roman déstabilisant, où le mal-être est là, sous-jacent, qui guette. Une atmosphère singulière règne, ambiance qui peut rebuter certains lecteurs.

Je me suis personnellement laissé entièrement entraîner par Murakami dans son univers singulier, teinté d’une mélancolie poignante, comme la chanson des Beatles « Norwegian song » (titre original). 

Un roman qu’un libraire de Vienne (en Isère, pas en Autriche !) m’a conseillé : il m’avait prévenu que ce roman plaisait ou pas. J’ai personnellement été complètement séduit. Un roman marquant que j'ajouterai peut-être à ma liste de coups de cœur.

Pour informations, (issues du Web) - 
- Ce roman est paru en 1987 au Japon et a été vendu à plus de 4 millions et demi, et 8 millions si l’on compte les éditions poche, exemplaires, traduit dans 36 langues. 
 - Né à Kôbe en 1949, Haruki Murakami étudia la tragédie grecque, ouvrit un club de jazz à Tôkyô avant de se consacrer à l'écriture. Ne supportant pas le conformisme de la société japonaise, il s'expatrie en Grèce, en Italie, puis aux États-Unis. Traducteur de Scott Fitzgerald et Raymond Carver, il rencontre le succès dès son premier roman Ecoute le chant du vent (1979, non encore traduit en français). Aujourd'hui, il enseigne la littérature japonaise à Princeton.

72: "Les Oliviers du Negus" de Laurent Gaudé

Genre : 4 contes tragiques sur la rencontre avec la mort


Histoire
4 récits de personnages confrontés à la mort sous des formes diverses, quatre nouvelles aux racines puisées dans des faits historiques.
- Zio Negus, un ancien combattant du corps expéditionnaire italien en Ethiopie hanté par le souvenir de Frédéric II meurt oublié des siens. On retrouve la région des Pouilles, cadre aride du "Soleil des Scorta". Frédéric II gouverna au XIIIe siècle le Saint-Empire romain-germanique dont cette région fait partie.
- Un légionnaire romain pourtant méritant envoyé aux confins de l’empire romain dans un fort du mur d’Hadrien.
- Pendant la « drôle de guerre », un paysan Artois terrorisé par un secret terrible lié à la souffrance de la terre, éventrée par les obus et la mitraille.
- Le jugé anti-mafia Paolo Borsellino égrenant le compte à rebours de son inéluctable destin.



Impressions
Ambiances pesantes, noires, lourdes des horreurs de la guerre, et teintées de fantastique, de magie.
Une écriture puissante, poétique, nuancée, profonde, qui vous enivre, vous emporte.

Une œuvre brève et pourtant grandiose, écrasante. Laurent Gaudé est décidément un conteur formidable.

dimanche 17 juillet 2011

71: "La Mort du Roi Tsongor" de Laurent Gaudé

Genre : Tragédie et conte initiatique africains


Histoire
Le cadre : une Afrique sans lieu précis, une époque intemporelle.
Pour tenter de calmer la rivalité des prétendants à la main de sa fille la belle Samilia, le roi Tsongor accepte la mort donnée par son fidèle porteur de tabouret d'or, Katabolonga. Erreur de jugement : la mort du roi va au contraire créer le chaos au sein du royaume de Massaba. Le chaos au sein de sa famille. La guerre entre les tribus de son empire. La destruction de son héritage pendant que son cadet, Souba, traverse les vastes étendues du royaume, chargé du lourd fardeau de la mission que son père lui a confiée avant cette nuit fatidique.

Impressions
L’intrigue de ce roman est simple, voire trop prévisible selon certains blogueurs.
Mais quel plaisir de lecture ! Quelle écriture remarquable, magistrale, fluide, puissante, claire, ciselée. Et quelle capacité de renouveau montre cet auteur, qui nous fait parcourir les continents et les époques à chacun de ses ouvrages.
Ce roman rassemble 2 faces.
D’abord un drame digne des tragédies grecques, un carnage sanglant, fou et vain, qui se joue au pied des murailles de Massaba. Un drame joué par des acteurs somptueux, poussés par leur orgueil à se battre sans fin, d’affronter la mort et la souffrance. Jusqu’à l’horreur. Jusqu’à l’absurde, propre de la vanité et de la guerre.
En écho à ce drame antique, le lecteur suit le périple initiatique de Souba, un récit magique. Le lecteur se transforme alors en auditeur, transporté par la voix d'un conteur, qu'on imagine accroupi sous un arbre à palabres. L’apprentissage de la nature des hommes, de la condition humaine, découvrant en lui-même ses qualités et ses faiblesses, au rythme lent de la mule de Souba.
Et enfin, loin du vacarme de la guerre et de l’errance de Souba, l’âme éplorée de Tsongor converse avec son fidèle Katabolonga. Jusqu’à pouvoir rejoindre le monde des morts, honteux.

Un roman remarquable. Moins marquant qu'"Eldorado" cependant.

Selon un blog littéraire, un roman à rapprocher de « Salambô » de Flaubert, « Désert » de Le Clézio, « L’exil et le Royaume » de Camus, ou « L’aleph » de Borges. Prochaines lectures en perspective.
Prix Goncourt des lycéens en 2002

dimanche 12 juin 2011

70ième: "L'alchimiste" de Paulo Coelho

Genre : conte initiatique du petit prince des moutons.

Histoire 
..
Un petit berger qui lit, qui parle à ses moutons.
"Je ne savais pas que les bergers pouvaient lire des livres"
[…]
Santiago, ce jeune berger andalou, part à la recherche d'un trésor enfoui au pied des Pyramides. Lorsqu'il rencontre l'Alchimiste dans le désert, celui-ci lui apprend à écouter son cœur, à lire les signes du destin et, par-dessus tout, à aller au bout de son rêve.

Impressions
Roman qui se veut philosophique

L’écriture est simple. Le lecteur assiste à l’évolution du personnage principal, et découvre en même temps que celui-ci des leçons de vie, pour le moins profondes. Le récit a l’intention de partager quelques clés du bonheur
«Il n’y a qu’une chose qui puisse rendre un rêve impossible : c’est la peur d’échouer. »
«si un animal vous dit qu'il peut parler, il ment probablement. » .

Mais finalement un roman où je me suis ennuyé.
Et après quelques temps je n'en ai aucun souvenir...

dimanche 5 juin 2011

69: "Bonheur Fantôme" d'Anne Percin

Genre : amour au masculin entre P. & R.


Histoire
Pierre, P., est brocanteur, ex-mannequin, a les sentiments à fleur de peau.
P. a quitté R. pour une raison que le roman va progressivement dévoiler.
P. s'est retiré à la campagne, dans la Sarthe, près de la Flèche.

R. est photographe reporter, souvent en vadrouilles à travers le monde.
R. vit à Paris.

Fantôme: P. a l'esprit hanté de pensées morbides, en particulier du souvenir de son frère, brutalement décédé lors d'un accident.

Bonheur: Comme Rosa Bonheur, une peintre du 19ième siècle (apparemment aussi connue de son vivant que Picasso au 20ième siècle), une femme qui a assumé son goût pour la peinture animale (elle a aménagé dans son château de By un parc pour abriter moutons, cerfs, isards, chevaux, et même deux jeunes lions !!), pour les havanes, pour le port du pantalon, et pour ... les femmes. Excentrique, elle est cependant la première femme artiste à avoir été nommée Chevalier de la Légion d'honneur (1865), prix reçu des mains mêmes de l'impératrice Eugénie.



Impressions
Une fuite avec le poids de la déchirure sentimentale, la douleur d'une cassure.
Une retraite pour se reconstruire, voire reconstruire l'amour perdu.

La Sarthe pour Anne Percin, comme la Normandie ou Venise chez Claudie Gallay.
Beaucoup de similitudes dans l'écriture et la construction du roman, et je suis un aficionado de Claudie Gallay...

Le quotidien campagnard du narrateur, cet écorché sentimental, est ponctué des visites attendues mais souvent impromptues de R., le chevalier fantôme sur sa moto.
C'est juste, complexe, rythmé, poétique, délicat, sensible mais jamais mielleux, toujours subtil, rempli de personnages attachants et chaleureux.

Et que dire de ce clin d'œil relatif à cette histoire d'amour entre 2 hommes où une femme fait parler Pierre...
« Je me disais: quel droit est-ce que j'ai, moi, d'écrire sur une femme ? De mettre à sa place, de la laisser parler, revivre et respirer dans un livre écrit d'une main d'homme, avec des pensées d'homme, un désir d'homme ? Quelle légitimité ? »

Vous l'avez compris, j'ai été séduit par ce roman. Avec "Saint Denis bout du monde" de Samuel ZAOUI, mes favoris du concours Alice de cette année,.

vendredi 20 mai 2011

68ième: "La Ville des Prodiges" d'Eduardo Mendoza

Wikipédia, "picaresque": Un roman picaresque se compose d'un récit sur le mode autobiographique de l’histoire de héros miséreux [...]

Histoire
En 1888, Onofre Bouvila, jeune paysan de treize ans, quitte son village natal catalan et son père criblé de dettes: direction Barcelone avec l'intention de faire fortune.
« L'une te rendra heureuse. L'une te rendra riche, l'autre te portera au sommet, la dernière te rendra heureux. Celle qui te rendra heureux te rendra malheureux; celle qui te portera au sommet te fera esclave; celle qui te rendra riche te maudira. Des trois, cette dernière est la plus dangereuse, parce que c'est une sainte, une sainte fameuse. »


Genre : roman picaresque pittoresque à Barcelone

Mais dans une Barcelone en pleine effervescence de préparation de sa première Exposition universelle, il est difficile de gagner sa vie. Pour atteindre son objectif ambitieux, Onofre va enchaîner une multitude de métiers en recourant à son intelligence mais aussi à une absence totale de scrupules. S'accumulent fraudes, complots, trahisons et assassinats, le tribut à payer pour devenir l'homme le plus riche et le plus influent d'une société catalane décadente.

Impressions
Son ascension sociale connaît de multiples rebondissements souvent rocambolesques et drôles, qui apportent du mouvement à ce gros pavé (plus de 400 pages).

« Il y aura violence et mort. [...] Mais n'aie pas peur. Les dragons sont vantards, mais tout fout le camp en rugissements et flammes par la bouche. Crains la chèvre, qui est le symbole de la perfidie et de la tromperie. »

De nombreuses descriptions historiques de Barcelone et de l'Espagne entre 1888 et 1929 demandent parfois au lecteur de s'accrocher. Mais elles participent à la mise en situation des tribulations d'Onofre qui croise de nombreux personnages connus (Antonio Gaudi, le dictateur général Primo de Rivera,...) et permettent de mieux comprendre l'évolution urbanistique de cette ville (par exemple l'"Eixample', l'extension de Barcelone hors des remparts). Ayant débuté cette lecture lors d'un séjour touristique de 4 jours dans cette cité, cela explique sans doute pourquoi ces descriptions ne m'ont pas ennuyé (à la différence d'autres lecteurs blogueurs).

« Devant les yeux de sa conscience, comme s'il feuilletait un album de portraits, défilaient les visages accusateurs d'Odon Mostoza, de don Alexandre Canals i Formiga et de son fils, de [...] toutes ces personnes [...] ils les avaient sacrifiées à son ambition et à sa vésanie [...] »

Onofre héros ou anti-héros ? Certes pas une biographie qui prodigue de leçons de morale, au contraire. Mais c'est incontestablement un roman qui dénonce la dictature et les mouvements extrémistes ainsi qu'une haute société hypocrite et cruelle.

Repéré dans une liste de livres conseillés du Routard 'Barcelone', c'est en effet une excellente mise en bouche pour une visite dans cette ville sympathique.

Pour en savoir plus, une très intéressante analyse du sens de ce roman.
http://www.ecoles.cfwb.be/arizel/Robin/Biblizel/ville2.htm

"Fidèle à son habitude, Eduardo Mendoza réutilise la matière narrative de plusieurs genres romanesques."

"Si on n'y prend pas garde, on lit la première page du roman comme un simple résumé de l'Histoire de Barcelone de sa fondation à la fin du 19ème siècle. Cependant, en y regardant de plus près, on constate qu'il s'agit en réalité d'un pastiche du récit d'Histoire parce qu'il regroupe, dans de saisissants raccourcis, tous les dangers qui guettent l'historien (interprétations fallacieuses des sources, anachronismes, généralisations abusives, historicisme, subjectivisme, etc.)."

67ième: "L'iguifou" de Scholastique Mukasonga

Genre : témoignage touchant d'une rescapée Tutsie

Histoire
    Cinq courtes nouvelles qui témoignent du drame des Tutsis, des fléaux que cette population a du et doit endurer pour survivre.
  1. La faim d'abord, l'iguifou, qui tenaille les enfants Tutsis d'un village pauvre du Rwanda avant l'exil.
  2. La peur des exilés ensuite, omniprésente, jusque dans les cours d'école.
  3. La nostalgie des anciennes coutumes et richesses, cristallisée à travers ce souvenir des vaches et de leur lait à déguster cérémonieusement.
  4. Le sort terrible des femmes tutsies à la beauté fatale qui les amènera à côtoyer les puissants avant de connaître la déchéance.
  5. Et enfin le deuil impossible à faire par les expatriés qui ont échappé au génocide...
Impressions
    Certes, à l'image du roman "Ru" (boat-people vietnamiens) le génocide ethnique du Rwanda en 1994 (selon l'ONU, de l'ordre de 800 000 victimes, majoritairement Tutsis) constitue un cadre pesant et douloureux pour ce recueil de nouvelles. Heureusement les mots simples, pudiques (pas d'effusion de sang) et sereins apportent un peu d'air à ces histoires empreintes de tristesse et de cruauté.

    Un roman pour faire le deuil des douleurs de son peuple ? Pour laisser uns trace écrite, une sépulture aux victimes de ces terribles événements ? L'auteure Scholastique MUKASONGA fait partie de ces rescapés puisqu'elle a elle-même perdu sa mère, son père et trente-sept membres de sa famille en 1994.

    Souvent peu enthousiasmé par le format "nouvelles", ce recueil m'a projeté des images d'une Afrique noire que je ne connais pas, un témoignage que j'imagine non déformé par les préjugés et les fantasmes des occidentaux. Mon plaisir de lecture est allé en croissant avec les nouvelles, et j'ai été ému par la dernière, "Le Deuil".
 
La tradition veut qu'on pleure sur les corps de ses morts...
« On laissait partir le défunt vers sa dernière demeure. On le transportait dans l’ingobyi, une grande civière oblongue faite de lattes de bambou. […] L'ingobyi servait aussi de palanquin pour la jeune épousée le jour de son mariage. […] L’ingobyi exigeait toujours son lot de larmes. »
Mais pour notre rescapée, les morts sont trop loin. Aussi la narratrice tente de faire son deuil en s'immisçant au sein des enterrements de son environnement Français. Cette quête et le dénouement de cette nouvelle m'ont particulièrement touché.

Court recueil de nouvelles apportant un témoignage touchant de la vie et de l'histoire des Tutsis.
Pour en savoir plus, le blog de l'auteure: http://www.scholastiquemukasonga.com/ Photographies prises par Christine au Bénin en 1995...

mercredi 4 mai 2011

66: "Numéro Six" de Véronique Olmi

Genre : monologue douloureux et silencieux d'un amour filial absolu


Histoire
6ième enfant d'un couple "catholique et riche", 'venue sur le tard', Fannny a 50 ans quand son père fête ses cent ans. Fanny reprend alors le cours de sa vie, une vie guidée par le besoin profond voire pathologique d'être reconnue par son père.

Impressions
Court roman très synthétique (103 pages chez Actes Sud) à l'écriture elliptique.
Les souvenirs se succèdent de manière plus ou moins chronologique, et la tristesse de Fanny nous contamine progressivement. Confession exutoire d'un manque de reconnaissance dans cette famille catholique bien-pensante.
Cet amour qui va au-delà de ses désaccords profonds avec de nombreuses opinions du père donne le vertige, voire fait peur.
"Je t'aime réactionnaire. Même antipathique. Je trouve une excuse à tout: le milieu, la génération, l'époque... Tout est bon pour que tu sois digne de mon amour."

Dépouillé, un roman sous la forme d'un monologue assez triste et touchant.

dimanche 24 avril 2011

65: "Saint Denis bout du monde" de Samuel ZAOUI

Genre : crise identitaire d’un modèle d’intégration


Histoire
Son père est parti au bled et Souhad est en détresse. Ce départ a dérouté cette brillante agrégée en lettres modernes, ce modèle d’intégration de la population arabe immigrée. Depuis, elle a quitté son appartement, erre dans la maison paternelle et gamberge dans un parc de Saint-Denis. La rencontre de trois petits vieux Arabes l’embarque dans un périple initiatique qui l'aidera peut-être à reconstruire son identité.

Impressions
Le roman commence doucement, d’une manière énigmatique et astucieuse. Le sujet de narration rebondit d’un personnage à l’autre au hasard de leur rencontre fortuite dans St-Denis. Jusqu’à ce qu’une troupe bigarrée et improbable se forme et parte au ’’Bout du Monde’’ à bord d’une camionnette (volée ?). Une écriture en forme de fable "odysséenne".

Le thème des immigrés et de leur (im- ?)probable intégration est très habilement et originalement traité, à travers cette confrontation entre l’éduquée et moderne Souhad et ces petits vieux débarqués dans les années 1950. Voyage - machine à remonter le temps des histoires personnelles de ces 3 Arabes, souvent émouvantes, attachantes par leurs faiblesses. Alternent colères, tristesses, souffrances, mensonges, mais aussi beaucoup d’humour qui évite d’être inondé de pathos (le personnage d'Idriss, ce grand noir taciturne qui se contente de ses ‘ui’, est savoureux).

- C’est trop tard, ma fille. C’était au début qu’il fallait faire les choses. Au début, à la seconde où tu mets le pied sur le sol. Au moment où tu descends du bateau… Tu descends, la terre est dure, tu sais pas comment marcher dessus, dans quel sens, tu sais pas. Même un trottoir tu sais pas ce que c’est. […]
L’histoire, c’est pour tous la même chose, pareil et pas pareil. […] Il y a le papier avec l’adresse marquée dessus en français. […]
Et puis tu arrives devant la maison. L’adresse est bonne mais l’immeuble est pourri. […]
L’escalier sent la pisse. Tu frappes à une porte. Elle s’ouvre sur une chambre petite, minuscule, noire. Le cousin est là mais il ne sourit pas. Il te fait entrer en silence. Il ne peut plus rien cacher maintenant. Ni raconter des histoires. […]
Tu comprends tout, d’un coup. Les mensonges. Cette misère pour faire vivre les autres là-bas. Tout.


Incontestablement, mon roman favori de la sélection du concours Alice de cette année (avec pour bémol qu'il m'en reste 2 à lire.)
Premier roman remarquable de Samuel Zaoui, un enseignant-sociologue lui-même issu de l'immigration.

samedi 23 avril 2011

64ième: "Mon couronnement" de Véronique Bizot

Genre : couronné à l'insu de son plein gré

Histoire
« Une observation, à ce que j’ai compris, que j’aurais autrefois faite à mon laboratoire de physique, et qui trouverait aujourd’hui son terrain d’application, une partie de l’espèce humaine se voyant du coup par moi soulagée de l’un de ses maux. »
Un vieux chercheur à la retraite apprend en effet qu'il sera décoré d'un prix scientifique pour une découverte qu'il a totalement oubliée. Journalistes, admirateurs, son frère, affluent dans son appartement parisien, rue St Lazare.
    Voilà qui perturbe cet homme vieillissant dans le désordre de sa retraite, habitué à la seule compagnie de Mme Ambrunaz, sa femme de ménage – ange gardien. Tandis qu’il faut se préparer à la cérémonie, les souvenirs refluent à la mémoire, la dernière invitation à un dîner, sa sœur Alice et son obsession du ménage, sa sœur Louise disparue depuis 40 ans, les reproche de son fils, sa femme et son ancienne maison de Picardie Et force est de constater que les personnages décrits par l’auteure ne manquent pas de cocasseries.
« Ma sœur s’est entichée, un veuf, directeur dune entreprise spécialisée dans le curage d’égouts, de mares et de fosses septiques, et par ailleurs collectionneur d’objets en régule. »
Son autre sœur Louise qui s’est enfuie convoler avec un évêque...

Impressions
Un regard lucide, souvent amer, sur la recherche scientifique...
« l’une de ces impasses fantaisistes dans lesquelles nous autres chercheurs en recherche fondamentale nous fourvoyons constamment… » 
« Avancer vers quoi, vers quel futur supposé meilleur, … un monde de circuits imprimés, … de légumes lustrés, distributeurs de croquettes et désodorisants d’ambiance, de touches ok et de grille-pain parlants, le tout peuplé d’effets secondaires dont chacun aurait ensuite, ainsi que de ses nostalgies, à se débrouiller. »

    sur la vieillesse... 
« vieillir, me disais-je, c’est chercher ses lunettes, s’irriter de les chercher, s’irriter de la nécessité des lunettes… »

    sur la société moderne 
« Car ce que j’entends aujourd’hui, en fait de modernité, c’est bien la rumeur des milliards qui s’échangent sans relâche d’un bout à l’autre de la planète, … et la nuit, la même insomnie pour tout le monde, car ce que l’on perçoit en prêtant l’oreille au silence de la nuit, c’est la vibration de l’argent qui ne dort jamais. » 

     A cette amertume se mêle de nombreux passages teintés d’humour 
« Voilà qu’on m’invite en Chine. … Là-bas, vous rencontrerez un tas de Chinois, me dit mme Ambrunaz qui ne manque pas de clairvoyance. »

    Joli texte, au style léger et fluide, souvent humoristique. L'évocation de la vieillesse, âge de lucidité quant à l'absurdité de notre monde et à la solitude des êtres.
« Ce vieillard à sa fenêtre habité du sentiment que quelque chose est allé de travers. » 

Savoureux. Peut-être mon roman préféré du concours Alice de cette année.

vendredi 22 avril 2011

63ième: "Cet été-là" de Véronique Olmi

Genre : feu des artifices du 14 juillet


Histoire

Tous les week-ends du 14 juillet, 3 couples se réunissent en Normandie chez Denis et Delphine: "Coutainville avait un temps appartenu à Delphine et Denis […] avait été le rendez-vous annuel et sacré de leurs amis et de leurs enfants."

C'est l'été, la chaleur règne sur la plage, tout invite à peindre "Une jolie carte postale pleine de rires et de vin,et au revoir..."
"Chacun était heureux de retrouver ses marques, les habitudes des étés précédents, avec cette rassurance de savoir que le lendemain le temps serait beau ... la nature, le village et le jardin offriraient à tous un espace et une respiration personnelle."


"C'était une grand repos que de se retrouver inchangés, nécessaires et connus les uns des autres, et pourtant. Au fond de chacun d'eux, et ils avaient beau la repousser avec force, s'allumait la fine lumière de la peur, par intervalles, comme un ampoule prête à claquer. Un signal, presque rien, pour prévenir du danger."

Le danger de la fuite des années, des enfants qui grandissent et s'émancipent, des sentiments amoureux qui s'érodent, de la lassitude pour les lubies de jeunesse ?

Impressions

Sur la page du site Allociné décrivant les "Petits Mouchoirs" (oct 2010) de Guillaume Canet:
" A la suite d'un événement bouleversant, une bande de copains décide, malgré tout, de partir en vacances au bord de la mer comme chaque année. Leur amitié, leurs certitudes, leur culpabilité, leurs amours en seront ébranlées. Ils vont enfin devoir lever les "petits mouchoirs" qu'ils ont posés sur leurs secrets et leurs mensonges."

Ressemblance troublante, si ce n'est qu'aucun événement grave n'est à déplorer dans "Cet été-là".

L'auteure peine parfois à donner du relief à ce récit de vacances assez banales (on mange et boit, fait les courses, se baigne, papote, joue au tennis...).
Mais heureusement, par petites touches, les sentiments des uns et des autres se dévoilent le plus souvent lors de discussions intimes en aparté. A travers une écriture simple et pudique, Véronique Olmi parvient à distiller la vérité des plaies et des détresses derrière l'apparente insouciance de ce petite monde qui profite de cette parenthèse estivale. Des personnages aux parcours plus doux, moins heurtés que ceux des romans de Claudie Gallay. Une écriture moins poétique aussi.

Un agréable moment de lecture (sûrement à lire sur la chaise longue de la p(l)age de couverture !), la découverte plaisante d'une auteure que je ne connaissais.

samedi 16 avril 2011

62ième: "La spirale de Jacob" de Jean-Marc Legrand

Genre : spirale existentialiste


Histoire

Jacob, c'est Jacob Bernoulli (1654-1705) un grand mathématicien suisse, connu pour de nombreux travaux et en particulier la spirale logarithmique dotée de propriétés d'invariance. C'est cette propriété du renouvellement infini qui joue le rôle de fil conducteur -pas évident à déchiffrer - des 3 nouvelles successives closes par un épilogue titré "Eadem mutata resurgo", l'épitaphe du mathématicien.

3 histoires d'amour : l'amour possessif, l'amour qui s'étiole et s'évade, l'amour brisé inconsolable.
Autres lieux, autres acteurs, autres coeurs, quelle est la clé commune du mystère ?

Impressions

Séduit par la chute de la première nouvelle, une seconde partie plutôt téléphonée et un dernier volet surprenant.
Je n'ai hélas pas été emporté par la spirale de ces 3 récits où la continuité repose sur quelques indices ténus. Rétrospectivement ce lien mystérieux annoncé en quatrième de couverture est ressentie plus comme un prétexte qu'une réalité. Cette "spira mirabilis" qui aurait pu apporter un voile conducteur de mystère voire de diablerie est sans doute desservie par une écriture trop simple et directe, sans la brume d'un Carlos Ruis Zafon.

Un autre des livres du concours de lecture de cette année, qui a le mérite d'être édité via la société du Web "www.thebookedition.com" par son auteur.

samedi 9 avril 2011

61ième: "Du givre sur les épaules" de Lorenzio Mediano

Genre : tragédie rustique à Biescas de Obago


Historia
L'action se situe dans un village des Pyrénées espagnoles pendant les années 30 peu avant la guerre civile. Sous le prétexte de donner la vraie version d'un drame local chroniqué dans les faits divers d'un journal, l'instituteur du village raconte l'histoire d'amour entre Ramon et Alba. Cette passion entre un berger désargenté et l'unique héritière d'une casa opulente contrarie les règles sociales du village.
Peut-on impunément défier les puissants ?


Sensaciones
Impressions mitigées.

Peinture épique de ce monde rural des montagnes, 'carte du tendre' vraiment pas tendre pour Ramon qui sera poussé jusqu'à ses limites physiques lors de ses traversées hivernales des cols pyrénéens (mais je ne vous dis pas pourquoi...).
L'atmosphère tendue qui règne dans le village surtout entre les nantis et les autres est saisissante, voire oppressante. L'espoir de pouvoir briser les codes sociaux court dans les coeurs et les esprits des mal-nés.
Cette tension qui croît au fur et à mesure du récit apporte un souffle (froid comme le givre) à ce roman.

En revanche, j'ai eu un peu de difficultés à entrer dans le roman, pas emporté par l'écriture (qualité de la traduction ?) et un peu rebuté par le rythme lent du début. J'ai aimé le dénouement...
Un des livres du concours de lecture de cette année. Pas mon cheval gagnant.

Lorenzo Mediano, écrivain né à Saragosse en 1959, est aussi médecin, instructeur de survie, conteur.
Prix « Vivre Livre » des lecteurs de Val d'Isère 2009. (En 2004, 'Sous le soleil des Scorta', en 2006, 'L'élégance du Hérisson' de Muriel Barbery.)

vendredi 8 avril 2011

60-ième: "Ulysse from Bagdad" d'Eric Emmanuel Schmitt

Genre : Odyssée d'un clandestin Première lecture de ce romancier à la mode qui a son blog officiel (http://www.eric-emmanuel-schmitt.com/Actualites.html).

Épopée d'un jeune irakien qui fuit son pays après les morts brutales et successive de ses proches dans un Bagdad en plein chaos engendré par la chute de Saddam Hussein. Saad veut rejoindre l'Europe et plus particulièrement rêve d'Angleterre. Il va devoir affronter la turpitude et la violence des gens, l'inconsistance des lois, la perte de ses compagnons d'infortune, les 'Lothophages', ...
Odyssée en négatif: contrairement à Ulysse qui veut rentrer chez lui, Saad quitte son foyer pour fuir la pénurie, la faim, les privations, l'insécurité. Il sympathisera avec d'autres clandestins, sera hébergé comme un ami, comme un amant par certain(e)s, mais il poursuivra souvent seul son épopée.
Cette solitude sera souvent soulagée par les conversations avec un fantôme, mais je vous en laisse la primeur.
Ce roman se lit facilement et avec plaisir, les personnages sont savoureux, l'écriture est fluide, les péripéties s'enchaînent avec rythme. Plus qu'une analyse sur l'immigration, c'est un roman d'aventure, humoristique, plutôt léger, souvent émouvant. Les échanges souvent drôles entre Saad et son fantôme ouvrent le champ à des considérations sur la condition de l'homme, sur son identité.
Cela m'a laissé un peu sur ma faim, car je m'attendais à une écriture plus profonde, surtout en provenance d'un philosophe. Certes, certains concepts 'philosophiques' sont abordés, mais j'ai trouvé le scénario facile et je n'ai pas été séduit par l'écriture. Très en-deçà du roman 'Eldorado' de Laurent Gaudé qui lui-aussi tisse sa trame autour du thème de l'immigration clandestine. Un roman sublime que j'ai lu récemment mais antérieurement à 'Ulyssse from Bagdad'. Vite une chronique sur ce livre incontournable et ô combien (hélas...) d'actualité.

PS : et une bloggueuse qui aussi "retrouve dans Ulysse from Bagdad un goût de l'Eldorado de Laurent Gaudé, en moins bon, en moins suave, moins poétique, moins humain".
http://vanillabricot.canalblog.com/archives/2009/01/02/11952111.html

59ième: 'Seule Venise' de Claudie Gallay

Genre : retraite vénitienne pour guérir d'un chagrin d'amour

Ce n’est pas une Venise resplendissante, clinquante, estivale.
« è l’inverno. »
C’est une Venise mystérieuse où l’héroïne déambule, « une île fantôme », « Venise, l’opaque », le froid invite à prendre un chocolat chaud au Florian, la brume brouille les pistes, il pleut.
Un séjour improvisé à Venise exutoire de la souffrance de la rupture d’avec Trevor, une séance de « lavomatiques » pour ne plus « avoir dans la bouche et déglutir » la mort.

L’eau, élément omniprésent dans ce roman. C’est l’acqua alta, « l’eau suinte entre les pierres, autour, partout. » « Contre les murs, les traces de l’eau qui suinte. » « je me fais couler un bain. »

Un séjour dans une pension Barbaria delle Tolle, un ancien palais des Bragadin, agrémenté d’un jardin, tenue par Luigi, un veuf bedonnant qui élève dix-huit chats et attend toujours la visite de fille. Peut-être pour Noël ?
Autres résidents de la pension : un jeune couple amoureux, Carla et Valentino, et un vieux russe en fauteuil roulant qui ne « supporte pas le retard. »
« La tapisserie est décollée. » Mais cela convient à l’héroïne qui doit recoller avec le goût de la vie. Miroir italien de la Normandie des Déferlantes, le portrait d’une femme blessée qui se reconstruit en croisant d’autres destinées meurtries peintes au couteau, par touches impressionnistes.

Phrases courtes, silences.
Pudique, enivrant, dépouillé, sensuel, poétique.
Et puis qu’ajouter à la chronique d’un roman dont un des personnages, le libraire Dino, prescrit la lecture comme remède à la peine de cœur…


A nouveau une pépite romanesque, un voyage à la découverte de personnages attachants, au trait épais, et une immersion dans un lieu magique – pour moi, une cité exceptionnelle, unique, dont je suis profondément amoureux et où chaque nouveau séjour est enchanteur.

(Pour info, le peintre Zoran Music présenté par Dino à la narratrice a réellement existé (peintures terribles et terrifiantes...), il a connu l’enfer de Dachau et est mort en 2005 … à Venise)

lundi 7 mars 2011

58ième: "Les poissons ne connaissent pas l'adultère" de Carl Aderhold

Genre : Levée de masques à la Vaudeville dans le Paris-Toulouse Synopsis
Un cadeau offert à Julia par ses copines pour ses 40 ans l'emporte dans un élan de rupture d'avec sa vie monotone de femme mariée caissière dans un supermarché. Elle saute dans le premier Paris-Toulouse et...
"[...] elle veut juste s'amuser et envoyer valser toute cette fatalité, ce mélodrame à deux balles dans lequel la maintiennent Djamel, Laura, Martine, [...]"
Et alors débute un chassé-croisé des passagers, de la vieille Colette éternelle amoureuse, du contrôleur Germinal anarchiste et d'autres encore riches en couleur comme le mendiant pseudo sourd-muet et roumain qui n'a pas pu descendre du train
"[...] Je suis grec. Je suis venu en France pour chanter. [...] Mais pas marché. Alors j'ai fait la manche. Muet, c'est bien pour faire la manche. Et Roumain. Ici, Roumain ça paye. Tout le monde habitué. Plus généreux..." Je ne suis pas certain que Roumain ça paye ces temps-ci...

Mes impressions
Un roman au premier abord léger, "vaudevillesque", très agréable à lire. Les scènes cocasses prêtent à rire, et cet ouragan de ruptures avec son propre quotidien contamine petit à petit l'ensemble des passagers: ils se libèrent, rompent avec leurs carcans. Et le rythme de ces "pétages de câbles" va en s'accélérant dans ce roman.
L'autre attrait de ce roman, un peu moins léger (mais loin de la thèse de sociologie), est cette peinture de la société française, et en particulier ses 'castes' sociales à l'image des premières et secondes classes du TGV...
"Il pressentait chez elle ce travers naïf si répandu dans les milieux les plus défavorisés, qui n'ont, pour toute volonté de s'en sortir, que le rêve du prince charmant ou celui du ticket gagnant de loto."...
"[...] C'est une pauvre fille. Une barbare ! Tu comprends ? Au sens grec du terme ! Elle ne parle même pas la même langue que nous, elle n'a rien de commun avec nous. Il n'y a qu'à voir comment elle se fringue..."

C'est drôle, enlevé, un bon moment de lecture, un ouvrage plus subtil qu'un simple roman de gare.

jeudi 3 mars 2011

57ième: "Corps" de Fabienne Jacob

Genre : portraits de femmes

Synopsis
Monika n'est pas de Suède, mais grâce à son nom connait "bien la Suède sans jamais y être allée". Ce qu'elle connaît surtout, ce sont les corps de ses clientes de son institut de beauté. "Le corps est la dernière chose qui nous reste.Le corps est la première et la dernière chose, de la naissance à la mort on a le même." Et ses clientes ne se contentent pas de lui confier leur corps mais aussi leurs confidences. A travers ce défilé de clientes et de souvenirs, l'auteure brosse des portraits de femme, leur vie privée, leurs aventures anodines ou plus dures, leurs désillusions.

Mes impressions
Défilent des femmes de tout âge, de toutes couleurs de peau, "blanche et marbrée" grise, tavelée de taches brunes", de toutes formes , de toutes professions, de vécus tragiques (Adèle tondue pendant la guerre) ou banales...
"Des femmes qui traînent des vies lasses", "Celles qui se couchent aux côtés de maris qu'elles n'aiment plus"...
Un récit à la fois sous la forme d'un recueil de nouvelles indépendantes, et en même temps habité de deux fils conducteurs, l'enfance de Monika avec sa sœur Else, et Adèle qui sera tondue pour avoir vécu un amour pour un boche pendant la guerre. Cette fragmentation ne permet pas au roman d'acquérir un rythme qui m'ait emporté dans cette galerie de portraits.
Pas de dialogue avec les clientes mais un long monologue, souvent émaillé de réflexions pertinentes, de quelques scènes finement ciselées, mais un monologue qui a fini par me lasser, une écriture sans relief ni poésie. L'idée de construire un roman sur la base des confidences du corps et de l'esprit à l'esthéticienne est séduisante.
Mais force est de constater que je n'ai pas été enthousiasmé, pas séduit par ce roman avec lequel je n'ai pas fait corps.

dimanche 27 février 2011

56ième: "Ru" de Kim Thuy

Genre : autobiographie délicate de Nguyen An Tinh, boat people

Synopsis

Tranches de vie, depuis son enfance au Vietnam à sa nouvelle patrie canadienne, en passant par les épisodes douloureux de boat-people fuyant à 10 ans la répression communiste.

Mes impressions

Chaque chapitre peint par petites touches, avec sensibilité et sérénité, les multiples facettes de ce destin bouleversant. La première page annonce la couleur... "Ma naissance a eu pour mission de remplacer les vies perdues. Ma vie avait le devoir de continuer celle de ma mère." 
Les souvenirs affluent en désordre, comme emportés par le cours d’un ''ru'' qui ''berce'' le lecteur, puisque c’est là la signification de ru en vietnamien.
En dépit du tumulte et de la violence vécus ou aperçus lors de la fuite, dans le ventre de ce 'boat', au sein de l’enfer du camp de réfugiés en Malaisie surabondé, aucun apitoiement, aucune colère, aucune leçon de morale ne résonnent dans les rapides de ses souvenirs. 
Calmement, dans un Français dépouillé et maîtrisé, elle rassemble les morceaux de son destin de femme condamnée à n’être plus de nulle part mais à devoir se reconstruire dans ce pays "de rêve" où elle n'a "plus de points de repère, plus d'outils pour pouvoir rêver, [...] pour pouvoir vivre le présent, dans le présent."

Petite pépite de témoignage. Remarquable.

Les livres qui m'ont marqué... (pas tous chroniqués)

  • 'Beloved' & 'Jazz' de Toni Morrison
  • 'Charlotte' de David Foenkinos
  • 'Crime et châtiment' de Dostoievski
  • 'Kite runner' de Khaled Hosseini
  • 'La joueuse de go" de Shan Sa
  • 'Le quatrième mur' 'Profession du père' de Sorj Chalandon
  • 'Les enfants de Minuit' de Salman Rushdie
  • 'Sombre dimanche' & "L'art de perdre" d'Alice Zeniter
  • 'Sous le soleil des Scorta' et 'Eldorado' de Laurent Gaudé
  • "1984" de George Orwell
  • "Au Zénith" de Dong Thuong Huong
  • "Candide" de Voltaire
  • "En attendant Godot" de Samuel Beckett
  • "Fanrenheit 451" de Bradbury
  • "L'écume des jours" de Boris Vian
  • "L'insoutenable légéreté de l'être", de Milan Kundera
  • "L'œuvre au noir" de Marguerite Yourcenar
  • "L'ombre du vent" de Carlos Ruis Zafon
  • "La métamorphose" de Kafka
  • "La vie devant soi" de Romain Gary
  • "Le Hussard sur le toit" et "Les âmes fortes" de Jean Giono
  • "Le parfum" de Patrick Suskind
  • "Le Portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde
  • "Le rouge et le noir" de Stendhal
  • "Les Cavaliers" de Joseph Kessel
  • "Les Déferlantes" de Claudie Gallay
  • "Les Raisins de la Colère" de John Steinbeck
  • "Malevil" de Robert Merle
  • "Mr Vertigo" de Paul Auster
  • "Sur la route" de Jack Kerouac
  • à suivre
  • L'univers de Haruki Murakami
  • Les contes d'Alessandra Barrico
  • Les polars de Fréd Vargas
  • Les romans de Sepulveda
  • Les romans de Yasunari Kawabata

Grand Canyon

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