New !!

Liste par auteurs & titres dans Kronik list

vendredi 30 décembre 2022

517: 'Un jour ce sera vide' de Hugo Lindenberg

Genre : méduses et enfants échoués

Histoire
Le narrateur, un enfant de dix ans, passe l'été sur la côte normande avec sa grand-mère. Pour tromper son désœuvrement, il va sur la plage et observe les familles, les vraies familles; ce qui l'intéresse c'est de voir des parents avec leurs enfants. Mais, un jour, alors qu'il ausculte une méduse à l'aide d'un bâton, il est abordé par un autre garçon, Baptiste.


Impressions
Etonnant écho entre la BD empruntée par hasard 'Le poids des héros" et ce premier roman d'un auteur glané au petit bonheur parmi une sélection de livres faite par les bibliothécaires.

En premier abord ce petit récit présente une allure insignifiante : il décrit les vacances d'été d'un petit garçon à la plage (ne pas s'attendre à des événements mouvementés, on se lave, on mange, on se baigne, on joue...).
Et puis, petit à petit, l'auteur distille les secrets de cette famille démembrée, soulève le voile sur certains traumatismes de l'Histoire.
La grand-mère parle avec un fort accent évoquant ses origines polonaises que complètent des allusions aux drames causés par la folie nazie.
La disparition de la mère, dans un probable accident.

Ecriture ciselée pour aborder dans chaque court chapitre un micro-sujet - les fourmis, la tante, la plage...- et laisser cours à la description du tumulte intérieur qui bouillonne dans la tête et le corps du jeune garçon. 

Mon bémol: je n'ai pas compris la fin du roman, soit elle est ratée - à tout le moins expédiée. Les ultimes pages m'ont paru flottantes, et le dernier chapitre m'a laissé le bec dans l'eau.


Une grande délicatesse et un tact remarquable pour un premier roman.

Prix du Livre Inter 2021.

jeudi 29 décembre 2022

516: 'Le poids des héros' de David Sala - BD

Genre : festival de couleurs pour un passage de relais écrasant

Histoire
Récit à travers les yeux de David des passés écrasants de ses grands-pères, héros de guerre et de la résistance.

En convoquant son point de vue de petit garçon, il nous plonge dans une majestueuse et foisonnante exploration de l'enfance et de l'adolescence.



Impressions
C'est un passé pesant dont hérite le petit garçon qui n'est autre que David Sala.
Le poids de l'héritage familial qu'il faut apprendre à porter, en tant que petit fils de ses grands pères. Evidemment un sujet qui me touche personnellement.

Côté maternel, Antonio Soto de Torrado, né à Oliva de la Frontera, au sud de l'Espagne, a survécu à la guerre d'Espagne et au camp de concentration de Mauthausen.
Son autre grand-père, Josep Soca, était espagnol aussi et tout comme le grand-père maternel il fut un héros de la guerre et de la résistance.

Fuite de la barbarie et à la mort, déracinement en France, mais aussi l'amour et la transmission de leurs engagements politiques.


L'auteur adoucit la rudesse de ces événements par un graphisme somptueux, chatoyant, des gerbes de fleurs, des pastels poétiques et lumineuses. 
Le décor des appartements flashe par ses motifs et coloris des années soixante-dix.
Des planches colorées nous plongent dans l'imaginaire onirique du petit garçon.


Certaines planches sont beaucoup plus sombres, représentant par exemple le petit garçon qui traverse des forêts de branches épineuses et blessantes...

Les couleurs rythment les histoires des deux héros. La scène où son grand-père paternel parvient à échapper aux SS est une course effrénée qui commence dans le vert de la forêt, puis le rouge des ronces pour se terminer, la page tout juste tournée, par une claque de bleu, le bleu de la liberté ! 

 "Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde."
Derniers mots d'une farce tragique de Bertolt Brecht, « La Résistible Ascension d'Arturo Ui » - pièce rédigée dès 1941, mais célèbre bien plus tard, qui met en scène un Hitler maffieux, mâtiné d'Al Capone. 

Formidable récit, bijou graphique, alliant luminosité et sombre profondeur pour témoigner d'un passé douloureux et d'hommes résistants. Enorme coup de cœur !

mercredi 21 décembre 2022

515: 'Azincourt par temps de pluie' de Jean Teulé

Genre : raclée dans l'Artois

Histoire
25 Octobre 1415.
Azincourt, commune française située dans le département du Pas-de-Calais.

Sous une pluie battante, 8500 Anglais attendent d'être massacrés par 12000 à 15000 Français. Les troupes d'Henri V d'Angleterre ont pris position au sud, au sommet de la côte. Les troupes françaises de Charles d'Albret, connétable de France, elles, leur font face au nord, à 900 mètres à peine.


Jean Teulé : « La bataille d'Azincourt est un festival de conneries »

Impressions
Récit court, efficace où action se conjugue avec humour.


Charles d'Albret, encore frais et paradant avant la bataille

Je ne vais pas spoiler la fin en disant que cela finit mal pour les Frenchies...

Jean Teulé décrit avec verve les différents épisodes de cette bataille absurde où les Français en surnombre ont accumulé les erreurs graves de stratégie -toujours gonflés des préceptes de combats qualifiés de chevaleresques-, de préparation -ils ont par exemple ripaillé toute la nuit, sans protéger les armes de la pluie,- et d'organisation.
Dans l'armée française où plus personne ne sait ni quoi faire ni à qui obéir et sans reste d'autorité pour réorganiser le combat en aboyant des ordres, c'est le bordel.

Alors que les Anglais sont fatigués, malades à cause de moules pas fraîches
— Les moules de la baie de Somme ont presque suffi à tous les tuer, alors nous..., pouffe le Danois. Ne pas parvenir à réaliser ce qu’ont pu faire des moules pas fraîches serait un comble !'


Et la boucherie a eu lieu, inexorable.

"Au premier rang, beaucoup de grands noms de l’aristocratie française ont péri. Ces morts ne bougent pas, ce qui est fréquent, mais quoique debout ils ne tombent pas non plus, ce qui est plus rare. Ils ne tombent pas car ils ne peuvent tomber. L’armure médiévale étant peu flexible, et parce qu’ils sont englués jusqu’aux genoux dans la gadoue qui les retient, leurs dépouilles ne parviennent à basculer ni en avant ni en arrière. Les nombreux succombés sans avoir combattu, entre d’autres Français qui étouffent dans leur armure, forment un vertical rempart. Ils ressemblent aux statues alignées de l’île de Pâques."

Le roi de France Charles VI, à la santé mentale fragile, ressort de cette défaite très affaibli et, de façon plus globale, c'est toute la stratégie militaire de l'époque qui est remise définitivement en question : la bataille d'Azincourt marque la fin de la chevalerie française dans un royaume au bord du gouffre.

Trop bloquée en ses immuables principes ancestraux, la fantastique chevalerie française paie cash sa vanité et son incapacité à s'adapter aux temps nouveaux.

Un roman jubilatoire sur une bataille inutile mais tellement chevaleresque !



Le roi de France Charles VI n'a joué aucun rôle dans la bataille d'Azincourt. Il faut dire que sa santé l'en rendait incapable. Couronné à seulement 11 ans, après le décès de son père Charles V, son règne a plutôt bien débuté. Le peuple apprécie ses efforts pour rétablir l'ordre et la sécurité et il est surnommé Charles le Bien-Aimé. Mais le 5 août 1392, alors qu'il voyage avec sa troupe il est pris d'un accès de folie et tue quatre hommes de son escorte. S'il se rétablit au bout de deux jours, ses accès de folie vont se répéter régulièrement jusqu'à son décès en 1422. À tel point qu'il est aujourd'hui connu sous le nom de Charles le Fou. 

Comme évoqué dans le roman,  en plus de souffrir de schizophrénie, Charles VI pensait que son corps était entièrement en verre
Il portait des cerceaux autour de son torse pour que, selon lui, son corps ne se brise pas en mille morceaux. Il était aussi sujet à des troubles de la mémoire. Effectivement, il oubliait qu’il était roi de France, mais aussi qu’il était marié et avait des enfants. Par ailleurs, ses sujets étaient dans l’obligation de recourir à la force pour le laver.

C'est son cousin et connétable de France Charles 1er d'Albret qui commande les troupes françaises à Azincourt.

samedi 10 décembre 2022

514: 'La décision' de Karine Tuil

Genre : tragédie du libre arbitre

Histoire
Alma Revel est juge d'instruction anti-terroriste

Impressions
Récit quotidien d’une femme, juge antiterroriste, maman, amie, amante.

Karine Tuil aime interroger les valeurs de la société. Après les ambiguïtés du mouvement #meetoo dans les Choses humaines, elle aborde ici le sujet du terrorisme islamique.

Les descriptions tant du monde judiciaire que des sentiments sont ciselées et précises.
La toile de fonds de ce récit est cette période terrible d'événements terroristes parisiens, Bataclan, Charly Hebdo, le décor est pesant. Doit-elle continuer à s'épuiser à gérer une charge de travail harassante, la peur de l’agression, la crainte d'une erreur, la douleur des familles de victimes ?
En 2015, elle a dû pénétrer au Bataclan : « Tu entres, entravée par ton histoire, ton identité sociale, politique ; tu sors et tu comprends que ton être a été déformé, contaminé. Tu ne seras plus jamais la même. »

La crise existentialiste vécue par la narratrice est décrite avec finesse. Entièrement dévouée à son métier qu’elle pratique comme un sacerdoce, elle a délaissé sa vie familiale, voit son couple se déliter inexorablement.

La construction est dynamique, avec l'alternance d'interrogatoires, de pages du quotidien et de l'enquête.

J'ai appris un nouveau mot, taqiya. Il s'agit de cette ruse suprême, la stratégie de dissimulation qui a permis à un certain nombre de terroristes d’endormir la surveillance, de passer sous les radars avant de mener leur œuvre de mort. 

C'est une lecture que j'ai vécue comme pesante.
D'abord évidemment de par le sujet du terrorisme et de sa barbarie, mais aussi du fait d'une tension croissante quant à l'issue des décisions -car Alma est confrontée à plusieurs décisions et non pas une (exercice : lister la liste des décisions d'Alma. 15 minutes...)
Et l'issue est hélas perceptible, et on s'impatiente à attendre le couperet tomber.

L'épilogue réconcilie un peu le lecteur, en apportant ne conclusion plus humaine.

Un roman qui marque, nous remémorant ces périodes noires des attentats de 2015 et peignant la face noire des humains.  Un roman qui parle des décisions à prendre dans sa vie, personnelles et professionnelles. Un roman coup de poing.

dimanche 4 décembre 2022

513: ' Oleg' de Frederik Peeters - BD

 Genre : mid-life crisis, autobiographique

Histoire
Oleg est dessinateur de bandes dessinées. Vivant avec sa femme et sa fille, ce quinquagénaire se pose de nombreuses questions sur son quotidien et son rapport à la société contemporaine.


Impressions
Humour, maladie, amour, Oleg c'est l'avatar de Frederik qui raconte son quotidien.

Histoire très personnelle et très touchante, surtout de par sa sincérité. Formidable déclaration d'amour pour ses proches.

"Si un homme vous explique qu'il aime, qu'il désire, et qu'il baise avec la même femme depuis dix-neuf ans, vous le prendrez pour un menteur...
... ou vous serez brièvement attendri, avant de le voir comme un pauvre innocent qui ne réalise pas à côté de quoi il passe. Vous le plaindrez un peu.
"Depuis le temps, il ne sait plus ce que c'est que le désir et l'amour, il se ment par lâcheté, par confort, parce qu'il n'a pas les couilles de changer ses habitudes."
Vous aurez peut-être raison.
Mais il ne se passe pas une semaine sans qu'Oleg ne mette sa vie à l'épreuve de toutes ces questions, et c'est toujours sa conclusion personnelle.
Il y a tout lieu de croire qu'il est honnête."
C'est en effet une histoire d'humour et d'amour où la maladie vient poser un peu de gravité mais aussi une réflexion sur l'art et l'artiste et sa place dans une société numérique et individualiste.

J'aime beaucoup son trait noir et blanc aiguisé et limpide.
Les dessins sont fouillés et rythmés, du grand art.

Magnifique récit autobiographique. Coup de cœur !

Prix Fnac & France Inter BD 2022

Les livres qui m'ont marqué... (pas tous chroniqués)

  • 'Beloved' & 'Jazz' de Toni Morrison
  • 'Charlotte' de David Foenkinos
  • 'Crime et châtiment' de Dostoievski
  • 'Kite runner' de Khaled Hosseini
  • 'La joueuse de go" de Shan Sa
  • 'Le quatrième mur' 'Profession du père' de Sorj Chalandon
  • 'Les enfants de Minuit' de Salman Rushdie
  • 'Sombre dimanche' & "L'art de perdre" d'Alice Zeniter
  • 'Sous le soleil des Scorta' et 'Eldorado' de Laurent Gaudé
  • "1984" de George Orwell
  • "Au Zénith" de Dong Thuong Huong
  • "Candide" de Voltaire
  • "En attendant Godot" de Samuel Beckett
  • "Fanrenheit 451" de Bradbury
  • "L'écume des jours" de Boris Vian
  • "L'insoutenable légéreté de l'être", de Milan Kundera
  • "L'œuvre au noir" de Marguerite Yourcenar
  • "L'ombre du vent" de Carlos Ruis Zafon
  • "La métamorphose" de Kafka
  • "La vie devant soi" de Romain Gary
  • "Le Hussard sur le toit" et "Les âmes fortes" de Jean Giono
  • "Le parfum" de Patrick Suskind
  • "Le Portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde
  • "Le rouge et le noir" de Stendhal
  • "Les Cavaliers" de Joseph Kessel
  • "Les Déferlantes" de Claudie Gallay
  • "Les Raisins de la Colère" de John Steinbeck
  • "Malevil" de Robert Merle
  • "Mr Vertigo" de Paul Auster
  • "Sur la route" de Jack Kerouac
  • à suivre
  • L'univers de Haruki Murakami
  • Les contes d'Alessandra Barrico
  • Les polars de Fréd Vargas
  • Les romans de Sepulveda
  • Les romans de Yasunari Kawabata

Grand Canyon

Grand Canyon