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Liste par auteurs & titres dans Kronik list

mercredi 28 septembre 2022

505: 'Le syndrone E' de Franck Thilliez

Genre : nœuds aux cerveaux

Histoire
Lucie Hennebelle, lieutenante de police à Lille,  est confrontée à une affaire étrange : l'un de ses ex-petits amis perd la vue en visionnant un court métrage. 
Franck Sharko, commissaire à Nanterre, accepte de s'occuper de la découverte de cinq corps d'hommes impossibles à identifier.
Un vieil homme est retrouvé pendu et le ventre ouvert et rempli de pellicule.
Cinq cadavres atrocement mutilés, le crâne scié, le cerveau et les yeux enlevés. 

Deux enquêtes glauques qui ne tarderont pas à se croiser, point de rencontre entre Franck Sharko et Lucie Henebelle, les deux héros de Franck Thilliez.

Impressions
Un polar qui m'a vraiment beaucoup plu.

Comme dans les autres ouvrage de Franck Thilliez, il ne faut pas chercher de la grande littérature, ni une écriture ciselée. Et ne pas s'attendre à vibrer sur le plan sentimental, avec l'histoire entre Franck et Lucie qu'on sent venir gros comme une maison.

Mais c'est captivant.
La construction est habile, le rythme est nerveux, et comme pour ses autres romans, le scénario mêle intrigue avec des faits historiques et des études scientifiques.

Voyage dans le monde de la psychiatrie et jusque dans certaines manipulations mentales opérées par les services secrets à l'époque de la guerre froide. 
Le syndrome E selon le Pr Itzhak Fried expliquerait la transformation de citoyens ordinaires en tortionnaires et bourreaux de victimes sans défense.

Et surtout excursion géographique -du Nord de la France à la Belgique , du Caire au Canada- et dans l'histoire des Orphelins de Duplessis, faits réels peu connus en Europe.

Nom donné à des milliers d'enfants orphelins qui ont faussement été déclarés malades mentaux par le gouvernement du Québec et confinés dans des institutions psychiatriques entre les années 1940 et 1960.

On considère que c'est le cas le plus important de maltraitance d'enfants dans l'histoire du Canada mise à part les écoles résidentielles autochtones. Tous ces orphelins seront baptisés orphelins de Duplessis car cela coïncide avec l'époque où Maurice Duplessis était premier ministre du Québec. À plusieurs reprises, des enfants enlevés à leur mère célibataire ont été battus, agressés sexuellement et même tués, à la suite d'un massacre.

Ils étaient plus de 3000 enfants illégitimes placés dans des institutions religieuses qui allaient profiter de leur travail et encaisser les subventions accordées par le gouvernement pour la garde d’enfants déclarés « déficients mentaux ». Beaucoup subiront des sévices sexuels et se retrouveront, adultes, sans scolarité, dans une société inhospitalière et insensible. Ils choisiront leur désignation : « Les orphelins de Duplessis ». En 2002, le gouvernement Landry leur accordait réparation.


L’un des trois dortoirs de l’orphelinat le Patronage Saint-Charles, à Trois-Rivières, en octobre 1959

Et Franck Thilliez va jusqu'à intégrer le nom d'une véritable victime de cet épisode noir du Québec. La jeune Alice Quinton a déjà été attachée à son lit pour s’être moquée d’une religieuse. Elle témoigne :
"J’en ai connu qui ont eu une camisole de force, une autre des électrochocs. Une autre était laissée assise sur une chaise d’aisance à longueur de journée. Et on ne parle pas des claques par la tête…"


Très bon polar où Franck et Lucie se rencontrent pour la première fois.


Pour plus d'informaton
Le syndrome E, ou quand le cerveau devient tueur
Itzhak Fried est un des grands noms de la neurologie. Il est célèbre pour ses travaux sur les neurones des concepts: il a notamment découvert que certains neurones dans notre cerveau réagissent à un visage en particulier, ainsi qu'au nom de la personne. Mais il a aussi proposé dans le journal Lancet une analyse novatrice des phénomènes de contagion de la violence dans les génocides, pour expliquer comment des populations peuvent sortir subitement de leurs villages, armées de machettes et de planches à clous, pour aller exterminer tout ce qui ressemble à un ennemi tribal, ou quel qu'il soit, désigné par le pouvoir.
Fried qualifie ce phénomène de syndrome E. Le syndrome E comporte une série de signes distinctifs tels qu'une perte d'affect, des idées obsessionnelles, une excitation temporaire due aux actes violents suivie d'une habituation où la violence devient banale, un effet de compartementalisation (les bourreaux peuvent exterminer le matin, et vivre une vie de famille rangée le soir) et un effet de contagion du groupe.

mercredi 14 septembre 2022

504: 'Florida' de Olivier Bourdeaut

Genre : "de mini-miss à maxi-monstre"

Histoire
Elisabeth Vernn, 20 ans, a le 'malheur' de gagner par hasard, à 7 ans, un concours de beauté pour mini-miss. Sa mère la transforme en bête à concours, assouvissant à travers elle ses propres rêves de gloire. Malgré les transformations en Lolita infantile imposées par sa mère, Elisabeth ne gagnera plus, finissant toujours deuxième : Et c'est ainsi que le cours de sa vie va prendre le chemin d'une autodestruction ...

Impressions
Ce roman parle d'abord du vice, de la folie furieuse, de la perversité de ces parents qui utilisent leurs enfants pour assouvir leur soif d'idéal.

"Ma mère s'emmerdait, elle m'a transformée en poupée. Elle a joué avec sa poupée pendant quelques années et la poupée en a eu assez. Elle s'est vengée.
Ma mère me disait que j'étais très belle et que je n'étais pas trop bête. L'ordre des compliments et important, la forme aussi. J'étais très belle, une affirmation. Je n'étais pas trop bête, une négation."

Il dénonce aussi le narcissisme de notre société qui prêche la beauté, le culte du corps au détriment de l'intelligence. Avec les déviances extrêmes du culturisme.

"La musculation est un sport particulier où la performance ne se mesure pas avec un chronomètre, un mètre, un nombre de buts ou de paniers, de revers ou de smashs, la performance se mesure dans ses yeux et ceux des autres, dans un miroir et sur une balance."

Comme dans "En attendant Bojangles", le récit se déroule au sein d'une famille dysfonctionnelle, qui flirte avec la folie. Mais ici point de tendresse, c'est cruel, violent.
Elisabeth assène sa haine, sa rage, son désespoir aussi.
Un Roman noir et dur, qui étouffe car sans arrivée d'oxygène qui nous guiderait vers une sortie, nous extrairait de cette spirale d'autodestruction nourrie par la narratrice.

Par exemple, la haine de sa mère est sans appel
"Il y a des gens comme ça qui, quand ils sont allés trop loin, au lieu de s’excuser, de revenir d’en arrière, se sentent obligés d’aller encore plus loin. C’est ce qu’a fait la Reine Mère.(...) Le problème avec les cons, lorsqu'une chose ne marche pas, c'est qu'au lieu d'abandonner, ils accélèrent."

Ou le dépit, le désamour
"Je me suis fait prendre tant mieux, même si c'est pour une conne, tant pis."
"Depuis le jour de mes sept ans, mon corps et moi faisons chambre à part."
"Je n’ai plus beaucoup d’amour pour le genre humain, et comme j’en fais partie, je n’ai pas beaucoup d’amour pour moi."

Elisabeth Vern se compare à deux comédiens américains, Macauley Culkin et Drew Barrymore qui ont tous les deux connu un succès très jeunes et ont ensuite plongé dans l'autodestruction.
Mais contrairement à ces deux célébrités, elle n'a pas connu la consécration...

La dernière partie du roman retrouve du rythme et du peps, en particulier grâce à des personnages très pittoresques, comme Agatha Christik ou le coach noir César.
"Je suis arrivé de Port-au-Prince la semaine où Tedy Bundy a été arrêté. [...] Quel beau pays, putain, les psychopathes ont l'air super gentils, dès qu'un père de famille blanc me souriait, je l'imaginais en train de me découper en morceaux [...] Et on nous traite de sauvages !"."

(De Teb Bundy, j'ai appris sur le web qu'il était décrit comme charmant, sociable et fort sympathique par son entourage. Il est pourtant devenu l’un des tueurs en série les plus tristement célèbres des États-Unis avec 36 assassinats (répertoriés) à son compteur...)


Histoire d'un corps malmené. Une Floride pas très ensoleillée mais plutôt noire.

mercredi 7 septembre 2022

503: 'Solanin' de ASANO Inio - BD manga

Genre : jeunesse japonaise

Histoire
Le couple constitué d'Inoue Meiko et Taneda Naruo et leurs amis vivent à Tokyo. Cette tranche de vie les suit dans leurs questionnements sur la vie et sur leurs perspectives d'avenir floues.

Impressions
Paru initialement entre le 30 juin 2005 et le 6 avril 2006 au sein du feu magazine hebdomadaire Young Sunday, Solanin est un manga en deux volumes qui a révélé Inio Asano au Japon d’abord mais aussi aux yeux du monde.
Fort de son succès, le manga est adapté en film par Takahiro Miko avec Aoi Miyazaki dans le rôle principal et le groupe Asian Kung-Fu Generation qui signe la bande-son. Il est sorti dans les salles obscures japonaises le 3 avril 2010.

Ce que j'ai apprécié dans ce manga est sa peinture de la société japonaise contemporaine, et en particulier de ces jeunes adultes qui s'interrogent sur le sens à donner à leur vie.
Faut-il accepter un emploi inintéressant mais qui nourrit, comme celui d'office lady pour Inoue ou d'illustrateur d'appoint pour Taneda. La première ne s"épanouit pas dans son travail et le second rêve de devenir musicien professionnel.

On se laisse envahir par la magie, la nostalgie, le charme et la cruauté de cette histoire de vie.
Le dessin mêlant réalisme -avec parfois des vraies photos de paysages et de  l'urbanisme - et des personnages très expressifs, est particulièrement réussi.


Histoire de la jeunesse japonaise, douce-amère, en douceur. Très belle découverte :)

mardi 6 septembre 2022

502: 'Mille femmes blanches' de Jim Fergus

Genre : journal d'une squaw blanche

Histoire
Nom de code : FBI, « Femmes Blanches pour les Indiens »

En 1874, à Washington, le président Grant accepte la proposition incroyable du chef indien Little Wolf : troquer mille femmes blanches contre chevaux et bisons pour favoriser l'intégration du peuple indien. Si quelques femmes se portent volontaires, la plupart viennent en réalité des pénitenciers et des asiles... 
Ce récit est le témoignage romancée de l'une d'elles, May Dodd.

Le chef des Cheyennes du nord 'Little Wolf'
Après la défaite de Morning Star (Dull Knife) par le colonel Ranald S. Mackenzie en novembre 1876, Little Wolf est amené de force dans une réserve amérindienne de l'Oklahoma. Vers 1878, lui et Dull Knife mènent presque 300 Cheyennes de la réserve près de Fort Reno (Oklahoma), à travers le Kansas, le Nebraska, le Territoire du Dakota, vers le Territoire du Montana, leur terre natale. Pendant le voyage, ils échappent à la cavalerie américaine qui essaye de les capturer. Les deux groupes se séparent après le Nebraska. Tandis que le groupe de Dull Knife est finalement forcé de se rendre près de Fort Robinson, celui de Little Wolf arrive finalement au Montana où on les autorise à rester.


Impressions
Jim Ferguson a connu un vif succès avec ce vibrant hommage à ce peuple humilié, méconnu,  et quasiment anéanti. Et c'est largement mérité.

Le fond d'histoire réelle est incroyable. Le récit de sa nouvelle vie de squaw, épouse du chef Little Wolf', nous plonge dans les les rites des Indiens et de la lente agonie de ce peuple:
-Combats violents avec les blancs mais aussi entre tribus
-Ravages provoqués par l'alcool. Aux côtés de femmes de toutes origines, elle assiste à l'agonie de son peuple d'adoption.
-Positionnement social des femmes indiennes qui impressionnent de par leur courage et leur abnégation.

May découvre un peuple généreux et respectueux, à opposé de l'image que s'en font alors les blancs 'dits civilisés".

Je dois également porter ceci au crédit des Indiens : c'est un peuple formidablement tolérant et, si certaines de nos manières ou de nos coutumes semblent perpétuellement les amuser, ils n'ont encore jamais fait mine de les condamner ou de nous censurer.

J’admets n’avoir jamais rencontré peuple plus généreux et altruiste.

La conception de la psychologie féminine par Jim Fergus est discutable, voire plus (ces femmes sont quand même peu réactives après avoir subi un viol...). Et le récit prend parfois quelques teintes romanesques un peu trop roses.
Mais ce sont les portraits des femmes (rassurez-vous le lecteur n'a pas à suivre 1000 portraits !) qui sont au mis en avant. Ces personnages sont très attachants et riches de par leur diversité, et largement au delà de May, avec les sœurs jumelles Kelly, Gertie la muletière, Phoemie, la sculpturale black, Gretchen, la formidable allemande, Martha, Helen..

Belle fresque d'un destin de femme moderne en 1874 basé sur des faits historiques

vendredi 2 septembre 2022

501: 'Sous les galets la plage' de Pascal Rabaté - BD

Genre : chronique sociale sex, drug et rock'n roll

Histoire
Années 60, Finistère.
Albert, Francis et Edouard, futurs étudiants destinés à des prestigieux destins, prolongent leurs vacances dans les maisons respectives de leurs familles alors que la station balnéaire se vide, et surtout que les autorités parentales sont parties. Plage, pinard, repos.
Ils font alors la connaissance d'Odette, une jeune et jolie femme peu farouche...



Impressions
Le climat bourgeois est bien établi avec ces 3 futurs diplômés de droit, de commerce et de St Cyr. Quand Odette souffle ce vent d'émancipation, les jours de liberté frisent avec l'illégalité. Un regard sans complaisance sur l’hypocrisie de la pensée bourgeoise, où la vie l’emporte sur la morale et la bonne éducation.


Dessin épuré, tons à l'économie, traits noirs rehaussés de couleurs pâles. Remarquable de justesse en regard de l'époque et du récit.

Bd douce-amère aux apparences trompeuses.

Les livres qui m'ont marqué... (pas tous chroniqués)

  • 'Beloved' & 'Jazz' de Toni Morrison
  • 'Charlotte' de David Foenkinos
  • 'Crime et châtiment' de Dostoievski
  • 'Kite runner' de Khaled Hosseini
  • 'La joueuse de go" de Shan Sa
  • 'Le quatrième mur' 'Profession du père' de Sorj Chalandon
  • 'Les enfants de Minuit' de Salman Rushdie
  • 'Sombre dimanche' & "L'art de perdre" d'Alice Zeniter
  • 'Sous le soleil des Scorta' et 'Eldorado' de Laurent Gaudé
  • "1984" de George Orwell
  • "Au Zénith" de Dong Thuong Huong
  • "Candide" de Voltaire
  • "En attendant Godot" de Samuel Beckett
  • "Fanrenheit 451" de Bradbury
  • "L'écume des jours" de Boris Vian
  • "L'insoutenable légéreté de l'être", de Milan Kundera
  • "L'œuvre au noir" de Marguerite Yourcenar
  • "L'ombre du vent" de Carlos Ruis Zafon
  • "La métamorphose" de Kafka
  • "La vie devant soi" de Romain Gary
  • "Le Hussard sur le toit" et "Les âmes fortes" de Jean Giono
  • "Le parfum" de Patrick Suskind
  • "Le Portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde
  • "Le rouge et le noir" de Stendhal
  • "Les Cavaliers" de Joseph Kessel
  • "Les Déferlantes" de Claudie Gallay
  • "Les Raisins de la Colère" de John Steinbeck
  • "Malevil" de Robert Merle
  • "Mr Vertigo" de Paul Auster
  • "Sur la route" de Jack Kerouac
  • à suivre
  • L'univers de Haruki Murakami
  • Les contes d'Alessandra Barrico
  • Les polars de Fréd Vargas
  • Les romans de Sepulveda
  • Les romans de Yasunari Kawabata

Grand Canyon

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