Genre : nœuds aux cerveaux
Histoire
Lucie Hennebelle, lieutenante de police à Lille, est confrontée à une affaire étrange : l'un de ses ex-petits amis perd la vue en visionnant un court métrage.
Franck Sharko, commissaire à Nanterre, accepte de s'occuper de la découverte de cinq corps d'hommes impossibles à identifier.
Un vieil homme est retrouvé pendu et le ventre ouvert et rempli de pellicule.
Cinq cadavres atrocement mutilés, le crâne scié, le cerveau et les yeux enlevés.
Deux enquêtes glauques qui ne tarderont pas à se croiser, point de rencontre entre Franck Sharko et Lucie Henebelle, les deux héros de Franck Thilliez.
Impressions
Un polar qui m'a vraiment beaucoup plu.
Comme dans les autres ouvrage de Franck Thilliez, il ne faut pas chercher de la grande littérature, ni une écriture ciselée. Et ne pas s'attendre à vibrer sur le plan sentimental, avec l'histoire entre Franck et Lucie qu'on sent venir gros comme une maison.
Mais c'est captivant.
La construction est habile, le rythme est nerveux, et comme pour ses autres romans, le scénario mêle intrigue avec des faits historiques et des études scientifiques.
Voyage dans le monde de la psychiatrie et jusque dans certaines manipulations mentales opérées par les services secrets à l'époque de la guerre froide.
Le syndrome E selon le Pr Itzhak Fried expliquerait la transformation de citoyens ordinaires en tortionnaires et bourreaux de victimes sans défense.
Et surtout excursion géographique -du Nord de la France à la Belgique , du Caire au Canada- et dans l'histoire des Orphelins de Duplessis, faits réels peu connus en Europe.
Nom donné à des milliers d'enfants orphelins qui ont faussement été déclarés malades mentaux par le gouvernement du Québec et confinés dans des institutions psychiatriques entre les années 1940 et 1960.
On considère que c'est le cas le plus important de maltraitance d'enfants dans l'histoire du Canada mise à part les écoles résidentielles autochtones. Tous ces orphelins seront baptisés orphelins de Duplessis car cela coïncide avec l'époque où Maurice Duplessis était premier ministre du Québec. À plusieurs reprises, des enfants enlevés à leur mère célibataire ont été battus, agressés sexuellement et même tués, à la suite d'un massacre.
Ils étaient plus de 3000 enfants illégitimes placés dans des institutions religieuses qui allaient profiter de leur travail et encaisser les subventions accordées par le gouvernement pour la garde d’enfants déclarés « déficients mentaux ». Beaucoup subiront des sévices sexuels et se retrouveront, adultes, sans scolarité, dans une société inhospitalière et insensible. Ils choisiront leur désignation : « Les orphelins de Duplessis ». En 2002, le gouvernement Landry leur accordait réparation.
L’un des trois dortoirs de l’orphelinat le Patronage Saint-Charles, à Trois-Rivières, en octobre 1959
Et Franck Thilliez va jusqu'à intégrer le nom d'une véritable victime de cet épisode noir du Québec. La jeune Alice Quinton a déjà été attachée à son lit pour s’être moquée d’une religieuse. Elle témoigne :
"J’en ai connu qui ont eu une camisole de force, une autre des électrochocs. Une autre était laissée assise sur une chaise d’aisance à longueur de journée. Et on ne parle pas des claques par la tête…"
Très bon polar où Franck et Lucie se rencontrent pour la première fois.
Pour plus d'informaton
Le syndrome E, ou quand le cerveau devient tueur
Itzhak Fried est un des grands noms de la neurologie. Il est célèbre pour ses travaux sur les neurones des concepts: il a notamment découvert que certains neurones dans notre cerveau réagissent à un visage en particulier, ainsi qu'au nom de la personne. Mais il a aussi proposé dans le journal Lancet une analyse novatrice des phénomènes de contagion de la violence dans les génocides, pour expliquer comment des populations peuvent sortir subitement de leurs villages, armées de machettes et de planches à clous, pour aller exterminer tout ce qui ressemble à un ennemi tribal, ou quel qu'il soit, désigné par le pouvoir.
Fried qualifie ce phénomène de syndrome E. Le syndrome E comporte une série de signes distinctifs tels qu'une perte d'affect, des idées obsessionnelles, une excitation temporaire due aux actes violents suivie d'une habituation où la violence devient banale, un effet de compartementalisation (les bourreaux peuvent exterminer le matin, et vivre une vie de famille rangée le soir) et un effet de contagion du groupe.