240: "Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants" de Mathias Enard

Genre : un maître au pays de Ste Sophie

Histoire

En 1506, à l'invitation du Sultan Bajazet, Michel-Ange part à Constantinople pour dessiner un pont enjambant la Corne d'Or.

Impressions

Récit romancé inspiré d'un fait historique: Michel-Ange a réellement dessiné des esquisses de pont mais n'est peut-être jamais venu sur les rives du Bosphore. Dessinera-t-il ou pas un pont destiné à être construit, finalement peu importe. C'est l'atmosphère ouatée, mystérieuse, parfumée d'odeurs orientales qui nous enivrent. C'est l'amour qui guide les pas de l'artiste qui se perd dans cette ville labyrinthique et cosmopolite, trait d'union entre deux mondes. L'amour charnel également avec cette danseuse andalouse androgyne envoûtante et attirante. L'amour de la poésie aussi avec cette relation ambigüe entre le sculpteur et le poète de la cour Mesihi.

Cela commence par des proportions. L'architecture est l'art de l'équilibre ; tout comme le corps est régi par des lois précises, longueur des bras, des jambes, position des muscles, un édifice obéit à des règles qui en garantissent l'harmonie. L'ordonnancement est la clé d'une façade, la beauté d'un temple provient de l'ordre, de l'articulation des éléments entre eux. Un pont, ce sera la cadence des arches, leur courbe, l'élégance des piles, des ailes, du tablier. Des niches, des gorges, des ornements pour les transitions, certes, mais déjà, dans le rapport entre voûtes et piliers, tout sera dit

Très beau conte, servi par une plume particulièrement savoureuse, ciselée, brillante et fluide. Coup de cœur surtout pour l'amour de la belle écriture.
Prix Goncourt des lycéens 2010.

Le titre est extrait du livre de Rudyard Kipling Au hasard de la vie (1891) : « Puisque ce sont des enfants, parle-leur de batailles et de rois, de chevaux, de diables, d’éléphants et d’anges, mais n’omets pas de leur parler d’amour et de choses semblables. »

239: 'Pan' de Knut Hamsun

Genre : Monsieur "pan-pan" dans le monde de Pan

Histoire

Le lieutenant Thomas Glahn vit de sa chasse avec son chien Esope dans une cabane de la forêt du Nordland. Il s'éprend d'une jeune fille étrange, Edvarda, qui fait irruption dans la bourgade côtière.

Impressions

Récit bien déconcertant.
Le style est assez désuet, écrit en 1894 il faut préciser.
Apparemment un des plus célèbres romans de Knut Hamsen, prix Nobel de littérature en 1920.

Le portrait de Thomas est complexe; sa personnalité est assez insaisissable, sa tendance 'torturé des sentiments' m'a évoqué des similitudes avec le héros de Crime et Châtiment. Ses humeurs oscillent de manière imprévisible, entre des élans passionnels pour Edvarda et un repli boudeur, entre le besoin de fréquenter -maladroitement- la société et celui de vivre en ermite dans la forêt. Personnage au final plutôt antipathique, comme celui de la jeune fille manipulatrice. Seule Eva, la femme du forgeron, aimant simplement et sincèrement ce chasseur, est attachante et c'est elle qui connait le destin le plus funeste...

"Pan" est surtout une ode fantasque à la nature.
De nombreuses pages de ce roman sont consacrées à la peinture de cette région sauvage de Scandinavie, descriptions lyriques et poétiques qui ont sonné plutôt de manière désuète à mes oreilles.

Récit surprenant, assez désuet écrite par un romancier nobélisé en 1920. Une curiosité contournable comme la biographie teintée de nazisme du M. Hamsun.