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samedi 17 avril 2021

448: 'Hokusai' de Shôtarô Ishi no Mori - BD

Genre : quête de la perfection par le 'Vieux fou de desin'

Histoire


Reconnu comme l'un des artistes les plus importants de l’Ukiyo-e (traduisible par « image du monde flottant »), Hokusai, le « Vieux fou de dessin » fut collaborateur d’écrivains, ami et illustrateur de poètes, visionnaire des grands paysages. Il puisa dans toutes écoles, étudiant même la peinture hollandaise, pour acquérir la meilleure maîtrise possible du pinceau.

 “Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens parole."
Postface aux Trente-Six Vues du mont Fuji, qu'on considère comme son testament.

Ce manga retrace la vie du peintre de 42 à 85 ans de manière assez libre mais à partir de faits historiques avérés.

Hokusai, L’Acteur Ôtani Hiroji dans le rôle du lutteur de sumô Nuregami no Chôgorô, 1789, estampe nishiki-e

Impressions

Manga de Hokusai

C'est donc un manga qui retrace la vie de cet artiste, un manga sur le créateur des mangas !
Manga, c’est étymologiquement « ga », dessin et « man », au gré de l’idée, au fil du pinceau ; ce qu’on pourrait traduire par "esquisses rapides".
Au début ce ne devait être qu’une série de croquis permettant à ses admirateurs de Nagoya de saisir sa technique de peinture. Au vu du succès du premier tome, les dessins s’accumulèrent pour aboutir à treize volumes de croquis, soit quatre milles planches retraçant le parcours pictural du maître Hokusai.

Mais ici c'est d'un manga moderne qu'il est question. A noter que le véritable père des ces ouvrages japonais est Osamu Tezuka, lui-même héritier du dessin animé européen et américain.

Osamu Tezuka

Le manga  'Hokusai' de Shôtarô Ishi no Mori interprète certaines zones d'ombre de la biographie de l'artiste. Il donne à voir l'appétit de vivre insatiable de cet artiste, éternel insatisfait de son travail. Et aussi son appétit pour les femmes !  C’est ainsi un homme amoureux de la bonne chaire que nous découvrons et dont les diverses péripéties amoureuses et conquêtes occupent une grande place. La longévité, cette quête incessante du trait graphique juste et cet appétit pour les femmes m'ont fait penser à Picasso, avec comme différence majeure, celle que Hokusai est mort dans la pauvreté.
Le récit du manga se suit pas une trame linéaire: il débute lorsque, à 42 ans, Hokusai qui se fit appeler Shunrō, puis Sōri, répudie son nom pour devenir Hokusai, en référence à la Grande Ourse (Hokutosei).

Il faut suivre, car ce diable d'artiste a signé sous plus d’une centaine de noms : Tokitarô à 3 ans, Tetsuzô à 9, Tatsumasa, Katsushika, et ainsi de suite jusqu’à l’un des derniers, et sûrement son favori, Gakyôjin Hokusai qui peut se traduire par le « fou de dessin ».

Dans ce manga, les prises de vues et les plans sont typiques des années 60-70, ainsi qu'un style d'encrage peu tramé qui faisait la véritable force des mangakas de cette époque.

Shotaro Ishinomori, l'auteur de ce superbe manga (1938-1998)

Shotaro Ishinomori parsème son récit de citations d'estampes d’Hokusaï, mais jamais en cherchant à en imiter les lignes et au contraire en demeurant fidèle aux canons d’efficacité et de lisibilité du manga. 
Shotaro Ishinomori a été récompensé du prix du manga Kōdansha et deux fois du prix Shōgakukan. Auteur prolifique, il est inscrit au Livre Guinness des records. Auteur emblématique, il reçoit à titre posthume l'ordre du Soleil levant et le prix culturel Osamu Tezuka pour l'ensemble de son œuvre.



Un manga superbe retraçant la vie d'un artiste exceptionnel, tant par ses œuvres que  par la vitalité de sa quête d'un idéal graphique.


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Les grandes phases créatives de la vie de Hokusai

Hokusai est né de parents inconnus le 31 octobre 1760 à Edo, l'ancien nom de Tokyo. À l'âge de 3 ou 4 ans, il est adopté par l'artisan en charge de la fabrication des miroirs à la cour du shogun. C'est à cette période qu'Hokusai s'intéresse précocement au dessin et à la peinture. 

Shunrô, « l’éclat du printemps »
1778-1794
Après avoir étudié la xylographie, il intègre, en 1778, l'atelier de Katsukawa Shunsho, un des maîtres reconnu de l’art de l’estampe, réputé pour ses portraits d’acteurs du kabuki et de belles femmes, les bijin. Là-bas, il fabrique des estampes ukiyo-e et produit différents dessins. 
Le jeune Shunrô débute modestement dans ce monde brillant : des estampes commerciales d’acteurs en bichromie, des illustrations de romans populaires, ces « livres à couverture jaune » ou kibyôshi, des cartes de voeux, qu’on appelle surimono.

Hokusai, Sifflet de la cerise d’hiver, série Sept Manies des jeunes femmes sans élégance, 1801-1804, estampe nishiki-e

Sôri et la nouvelle vision de la peinture
(1794-1805)
À la mort de son maître, Hokusai quitte l'atelier et connaît une période de grande pauvreté durant laquelle il continue d'étudier de nouvelles techniques. L'art néerlandais et l'étude de la perspective influencent son travail. 
Entre 1793 et 1795, l’artiste doit faire face à de grandes difficultés, tant sur le plan personnel – sa femme meurt, le laissant seul avec trois enfants en bas âge – que professionnel, produisant peu d’œuvres signées Kusamura Shunrô.
Mais, en 1795, Hokusai se voit proposer de prendre la direction de l’atelier de peinture de Tawaraya Sôri (actif entre 1760 et 1780). Il adopte le nom de Sôri II en hommage au maître.  Il se détourne du monde de l’ukiyo-e, bien décidé à prouver qu’il peut développer une carrière de « vrai » peintre. Il se rapproche des cercles littéraires de son temps, il compose des poèmes, écrit des récits et s’intéresse à l’édition d’estampes non commerciales. Apparaissent en effet, dans les années 1790, les kyôka surimono, poèmes accompagnés d’illustrations.
Hokusai, dont la notoriété s’étend, propose aux sociétés de poètes, tel le cercle Asakusa, d’inverser le procédé: il fournit des séries d’estampes sur lesquelles on composera kyôka ou haiku. Il en dessinera trente-deux entre 1799 et 1809.

Hokusai, Album de peintures, 1808-1809, un volume sur papier, signature : «Hokusai »

Hokusai, « atelier de l’étoile polaire »
(1805-1810)
1798 constitue un tournant dans sa carrière. Hokusai quitte l’atelier Tawaraya et fonde sa propre école.
À partir de 1800, Sôri signe désormais Hokusai, qui signifie « atelier de l’étoile polaire », un signe probable que le peintre aurait rallié la secte bouddhique de Nichiren, spécifiquement attirée par le culte du bodhisattva Myôken, incarnation de l’étoile polaire. Depuis quelques années déjà, l’artiste a choisi cet astre comme son symbole, et le montrera désormais à de nombreuses occasions tout au long de sa vie. À l’intérieur même de cette période, ses signatures vont néanmoins varier : il est, entre autres, Katsushika Hokusai pour les romans ou les estampes populaires, Hokusai Tatsumasa ou Gakyôjin Hokusai, « fou de peinture », pour les kyôka surimono.

Hokusai renoue brillamment avec les gravures bon marché et les livres populaires : plus de mille illustrations, entre 1804 et 1815, pour ces derniers, soit à peu près deux cent trente-cinq volumes ! En 1805, il travaille avec le grand écrivain Kyotukei Bakin (1767-1848) à une édition japonaise du grand classique chinois Contes au bord de l’eau, un projet qui fera date. 
    Dans une première période, de 1798 à 1804, Hokusai continue à exploiter le style des années Tawaraya: personnages féminins à l’expression douce et mélancolique, aux figures souples et allongées.
À partir de 1807, apparaissent les grandes lignes de recherche qu’il développera par la suite. Les expressions des visages, leurs émotions affleurent sous son pinceau et trouvent un écho dans le rendu des paysages, aussi délicats et éthérés que sont l’âme et l’esprit de ceux qui les traversent. Par ailleurs, Hokusai s’intéresse de plus en plus à la perspective occidentale.
En 1804, il réalise une véritable performance.
Muni d'un balai et d'un seau d'encre de Chine, il réalise un daruma (une figurine traditionnelle) géant de plus de 240 m2 dans la cour du temple d'Edo.

Daruma peint par Hokusai en 1817

En 1805, sa renommée de peintre égale celle de graveur. Il se lance, au temple Gokoku, proche d’Edo, dans un véritable « happening » public : un portrait de cent vingt tatami (21, 6 mètres sur 9) de Daruma, le fondateur du bouddhisme zen. Hokusai a tapissé une surface de 350 mètres carrés de papier et y a promené un énorme balai de bambou trempé dans une cuve d’encre. Ce n’est que lorsque le panneau a été dressé sur cadre que les spectateurs ébahis ont compris qu’il s’agissait du buste du patriarche porte-bonheur…


Taito, « étoile de la Petite Ourse »
(1810-1819)
En 1810, la célébrité de Hokusai est un fait établi.
Ne raconte-t-on pas que le shôgun Ienari l’a convié, en 1804, à un concours de peinture où il doit affronter un autre artiste renommé, Tani Bunchô (1763-1840)? Loin de se plier aux règles de la compétition, Hokusai a fait démonter une porte coulissante qu’il a balayée d’encre bleue, en lignes sinueuses. Puis il a fait venir un coq qu’il a incité à se promener sur la surface, après lui avoir trempé les pattes dans de la peinture rouge. Une fois le panneau remis en place, toute l’assemblée a reconnu la rivière Tatsuta, chargée de feuilles d’érables à l’automne…
C'est en 1814, pour transmettre son expérience, ses découvertes, les nouvelles voies d’exploration de la peinture, qu'il publie son célèbre ouvrage 'Hokusai Manga' regroupant croquis et dessins.
À la même époque, Taito s’attache avec une particulière virtuosité aux shunga, les « peintures de printemps » ou images érotiques, qui sont le fruit d’une longue tradition de l’art japonais.

Hokusai, Vent du sud, ciel clair (Le Fuji rouge), série Trente-Six Vues du mont Fuji, vers 1830-1834

Iitsu, une nouvelle vie
(1820-1834)
En 1820, Hokusai atteint l’âge de 60 ans.
Le thème du paysage est récurrent dans l’œuvre de Hokusai depuis ses débuts, par sa présence aussi bien dans les estampes commerciales que dans les surimono ou les illustrations de livres. 

Hokusai, Pont de bateaux de Funa dans la province de Kôzuke (vue ancienne), série Vues extraordinaires des ponts des diverses provinces, vers 1834, estampe nishiki-e, format ôban, 26,4 x 38,4 cm, signature : « Saki no Hokusai Iitsu hitsu », Tsuwano, Katsushika Hokusai Museum of Art.

Mais la manière dont il le traite à partir des années 1830 dans trois séries d’estampes, Trente-Six Vues du mont Fuji, Voyage au fil des cascades des différentes provinces et Vues extraordinaires des ponts des diverses provinces, constitue une véritable révolution dans le genre, en même temps qu’elles rendent soudain les Japonais curieux de leur archipel et de sa nature. Une des conséquences sera la multiplication des pèlerinages et des voyages destinés à admirer la beauté des sites célèbres. 

Et ce sont les Trente-six vues du mont Fuji (1831-1833) qui comptent en réalité 46 estampes qui constitueront les œuvres les plus connues de cet artiste fécond, avec l'emblématique "La Grande Vague de Kanagawa" (1831):


 Spectre d’Oiwa-san, série Cent Histoires de fantômes, vers 1831-1832, estampe nishiki-e, format chûban, 24,8 x 18,2 cm, signature : «Saki no Hokusai hitsu », Tsuwano, Katsushika Hokusai Museum of Art

Gakyô Rôjin Manji, le vieil homme fou de dessin
(1834-1849)
L'artiste choisit derechef un nouveau nom. Ce sera Manji, « dix mille ans », précédé de Gakyô Rôjin, littéralement « le Vieil Homme fou de dessin ».
Son prestige atteint l’Europe.
Même, en 1826, un épisode singulier a eu lieu. Une délégation du comptoir colonial hollandais de Deshima, cette enclave autorisée aux étrangers, se rend à Edo et, après avoir rencontré le shôgun, trois de ses membres demandent à connaître Hokusai. S’ensuivra un échange surprenant : Hokusai recevra du papier et des aquarelles hollandaises et répondra à la commande de plusieurs peintures, peut-être une quarantaine, de scènes de la vie japonaise et des vues d’Edo. Certaines se trouvent aujourd’hui au musée d’Ethnologie de Leyde, aux Pays-Bas.
La crise économique de la fin des années 1830 le réduit à la misère et le force, pour survivre, à vendre ses dessins dans la rue. Comble de malheur, un incendie détruit son atelier et la plupart de ses œuvres, en 1839. On dit que, réveillé en pleine nuit, l’artiste de 80 ans n’emporta rien d’autre que ses pinceaux, témoignant par là de sa foi en l’avenir. Une confiance qu’il entretient, en dessinant, chaque jour, entre 1842 et 1844, un lion chinois ou shishi, animal de légende porte-bonheur.
Il s’éteint le 18e jour du 4e mois de 1849. 


La biographie a été en partie tirée d'un excellent site: 
https://www.connaissancedesarts.com/arts-expositions/les-6-vies-dhokusai-le-fou-de-dessin-11145687/

jeudi 15 avril 2021

447: 'L'Œuvre au Noir' de Marguerite Yourcenar

Genre :  L'Œuvre 'Yource' au Noir


Histoire

En ce début de XVIe siècle, la Flandre est agitée par des querelles politiques internes auxquelles se mêlent étroitement les débats religieux. Ces derniers s’avèrent d’autant plus dangereux que des idées peu orthodoxes peuvent mener au bûcher.

Ce roman porte les réflexions sur la période charnière de transition entre Moyen-Âge et Renaissance. Une période où la culture et les découvertes scientifiques déstabilisent les assises d’un vieux monde porté par l’obscurantisme religieux et par l’amour du pouvoir et de la richesse.


Cette analyse est portée par la voix de Zénon, un esprit indépendant qui est à la fois médecin, philosophe,  alchimiste, et pauvre -volontairement.

Comme décrit par l'écrivaine:
"Zénon est pauvre, Zénon est en fuite la plupart du temps, Zénon s'arrange comme il peut, il se faufile à travers les difficultés, les drames, et les préjugés de son temps. Et il est, pour ainsi dire, d'avance vaincu."

"Ce qu'il vit se rapproche de ce que nous vivons.
D'abord, il vit dans une Europe coupée par un rideau de fer. C'est un rideau de fer Catholiques - Protestants.
[...]
C'est un homme qui se trouve pris entre des vues religieuses, métaphysiques, scientifiques différentes. On voit ces différentes théories, ces différents systèmes du Monde grandir et au contraire se faner comme nous le voyons de nos jours. Une théorie prend la place d'une autre. Et où tout est encore ouvert, jusqu'à un certain point.
Et enfin, c'est un homme qui fait face à un monde de plus en plus assombri."

Paroles extraites d'un interview par Bernard Pivot:
https://www.youtube.com/watch?v=UXv923PTlJU&t=50s



Impressions

Après 'Les mémoires d'Hadrien' parues en 1951 qui a définitivement établi la réputation d'écrivaine majeure de Marguerite Yourcenar, l'Œuvre au Noir qui paraît en 1968 fait figure de clé de voûte de l'œuvre de cette auteure. Un roman commencé dès 1923, c'est dire la longueur du processus de création dont il a bénéficié.



Le titre
Yourcenar commente ainsi à ce sujet :
« La formule « L'Œuvre au noir », donnée comme titre au présent livre, désigne dans les traités alchimiques la phase de séparation et de dissolution de la substance qui était, dit-on, la part la plus difficile du Grand Œuvre. On discute encore si cette expression s'appliquait à d'audacieuses expériences sur la matière elle-même ou s'entendait symboliquement des épreuves de l'esprit se libérant des routines et des préjugés. Sans doute a-t-elle signifié tour à tour ou à la fois l'un et l'autre. »

Le héros
Zénon est un « bâtard ». Abandonné par son père -Alberico de Numi, un ecclésiastique florentin de haut rang- et, par la suite, par sa mère -Hilzonde, sœur d’Henri-Juste Ligre, très riche bourgeois de Bruges- qui se remarie pour fonder une nouvelle généalogie.
Il transcende son époque et représente une position universelle et intemporelle, celle du héros socratique qui donne plus de prix à sa liberté qu'à sa vie et décide d'affronter la mort en face. Il incarne surtout celui qui est de passage, pour qui la quête de sens transite nécessairement par l'abîme.
Zénon apprend ainsi durant sa marche et ses découvertes que le savoir s’acquiert par l’aliénation du bonheur pour échapper aux fanatiques de tout poil 

Construction du récit

Il se compose de trois parties :

1. La vie errante

Le récit mélange temps immédiat et le retour sur des événements révolus.
Au début de cette partie se dessine le contraste entre Zénon et  Henri-Maximilien, deux visions inconciliables:
- l'un a fait le choix de la culture, prêt à aller la recueillir partout autour de la Méditerranée, et se désintéresse de la richesse matérielle et de l’opulence de la table à laquelle il s’assoit. 
- l'autre est en quête de richesse et de gloire. 

"A vingt ans, il s'était cru libéré des routines ou des préjugés qui paralysent nos actes et mettent à l'entendement des œillères, mais sa vie s'était passée ensuite à acquérir sou par sou cette liberté dont il avait cru d'emblée posséder la somme.

Zénon voyage : on le dit médecin en Languedoc, soignant les malades de la peste, ou bien au service du Sultan, en Orient, inventeur de machines de guerre d’une cruelle efficacité. Seule certitude: il a fait paraître un livre, un traité sur le fonctionnement du cœur et son anatomie. 

La mère de Zénon a épousé Simon Adriansen, un membre de la secte des Anabaptistes, qui remettent en cause les fondements même de la foi catholique. Le couple finit par se réfugier à Münster, où les Anabaptistes se sont regroupés. Après un long siège les assiégés sont tous assassinés.
Leur fille Martha, rescapée du massacre, est recueillie par  des banquiers richissimes de la famille Fugger. Touchés par la peste, le médecin Zénon intervient auprès de cette famille et rencontre donc sa sœur sans dévoiler son identité. Martha épouse le gras et paisible Philibert, second fils d’Henri-Juste Ligre et frère d’Henri-Maximilien.

J'ai aimé retrouver ce passage du roman où se retrouvent  le simple et hédoniste  Henri-Maximilien et le complexe et austère pour Zénon. En dépit de leurs aspirations opposée ils se rejoignent dans leur manière de procéder pour les réaliser -quitter la famille et le lieu natal pour aller vers l’ailleurs- et dans un constat amer sur leurs destins et la société.

2. La vie immobile

Zénon revient s'installer à Bruges sous le nom de Sébastien Théus. Il loge dans l’hospice qui jouxte le monastère des cordeliers que le prieur homme âgé et fatigué dirige. Là, Zénon soigne et soulage les indigents et mène une vie de dénuement.
Mais surtout cette nouvelle position est l'occasion de longs entretiens entre le prieur et Zénon sur la religion, Dieu et l’homme. Ces échanges sont teintés d'une grande finesse, tous deux abhorrant la souffrance délibérément administrée par un bourreau sous le prétexte de croyances superstitieuses ou dogmatiques mais ne pouvant aller au fond des choses, sous peine d’hérésie, un danger mortel.
Période de grande quiétude sous l'étiquette d'un anonymat qui s'étiole peu à peu.

3. La prison

Un épouvantable scandale éclate : la fille d’un riche notable de Bruges a participé à des rencontres charnelles avec des moinillons, en a conçu un enfant qu’elle a étranglé à la naissance.
Afin d’échapper à la torture, un des jeunes moines impliqués dénonce Sébastien Théus, et l’accuse des plus extravagantes choses. Zénon est tenté de fuir, mais préfère affronter sa destinée.
Arrêté, il se défend pied à pied face aux accusations qui négligent très vite les histoires charnelles pour se concentrer sur son hérésie. Cet esprit libre qui remet tout en cause et ne considère rien comme intangible, cet alchimiste de l’âme qui voudrait séparer et dissoudre la substance qu’est l’homme et en dissocier le corps et l’esprit, est condamné au bûcher. 
Il s'ouvre les veines pour échapper au supplice après avoir refusé de se rétracter.

"L'homme est une entreprise qui a contre elle le temps, la nécessité, la fortune, et l'imbécile et toujours croissante primauté du nombre. Les hommes tueront l'homme. 

Je me suis gardé de faire de la vérité une idole, préférant lui laisser son nom plus humble d'exactitude.

Les très nombreuses références historiques et religieuses assoient le cheminent initiatique du philosophe. Elles compliquent aussi parfois la lecture :)
C'est un roman exigeant. Mais quel bonheur !!

Œuvre magnifique. Profondeur des réflexions qui dénoncent les travers des hommes. Toujours d'actualité. 


Le 6 mars 1980, Marguerite Yourcenar est la première femme élue à l’Académie française

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Marguerite Yourcenar utilise un vocabulaire très riche et pour tenter illusoirement d'enrichir mon vocabulaire, j'ai relevé quelques mots de vocabulaire que je ne connaissais pas.
Les connaissez-vous ??
  1. 'Auner' 
  2. 'Pertuis'
  3. 'Casaquin'
  4. 'Cacochyme'
  5. 'Tartane'
  6. 'Hypocauste'
  7. 'Cucurbite'
  8. 'Cagot'
  9. 'Brimborion'
  10. 'Podagre'
  11. 'Bourdeau'
  12. 'Empan'
  13. 'Métempsycose'
  14. 'Horion'
  15. 'Guerêt'
  16. 'Coule'
  17. 'Haire'
  18. 'Connils'
  19. 'Béjaune'
  20. 'Maritorne'
  21. 'Pouille'




(1) Aune. Ancienne mesure de longueur française, utilisée surtout pour mesurer les étoffes, et qui valait, selon les régions, de 0,676 m à 1,118 m.
Règle de bois pour mesurer les longueurs, étalonnée différemment suivant les régions.

(2) Pertuis. Vieux. Passage étroit.

(3) Guimpe. Au xviiie s., vêtement de femme descendant un peu au-dessous des hanches.
(4) CacochymeVieux ou par plaisanterie. Qui a une constitution débile : Vieillard cacochyme.
(5) Tartane. Petit bâtiment de la Méditerranée, portant un grand mât avec voile sur antenne et un beaupré.
  
(6) Hypocauste. Inventé par les grecs au IVème siècle av. J.-C., l’hypocauste a ensuite été amélioré par les Romains. Ce système est l’ancêtre du chauffage central. Il comporte un foyer produisant de la chaleur, généralement maintenu à l’extérieur des demeures et des thermes, comme à Olympie ou Syracuse. L’air chaud circule sous le sol, ce dernier étant surélevé de 40 à 50 centimètres par des pilettes en briques.
Alambic. — A, cucurbite ; B, chapiteau ; C, serpentin ; D, entonnoir par lequel on verse de l’eau froide ; E, écoulement de l’eau chaude ; F, fourneau.

(7) Cucurbite. Partie inférieure de la chaudière de l'alambic, où l'on met les matières à distiller.
(8) Cagot. Littéraire. Faux dévot ; hypocrite. 
Au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime, personne mise à l'écart de la société. (Descendants présumés des lépreux, les cagots étaient placés sous la juridiction de l'Église et soumis à des mesures d'exception, qui furent abolies à la fin du xviie s.)

(9) Brimborion Familier
A.− [S'appliquant à un inanimé concr. ou abstr.]
1. Petit objet de peu de valeur. Synon. bibelot, babiole, colifichet.Un vendeur de brimborions (Taine, Voyage en Italie,1866, p. 297).
2. Fait sans importance. Appeler évènements des brimborions sans importance (...) ça fait pitié quand on y pense (G. Duhamel, Confession de minuit,1920, p. 19).
♦ Un brimborion de. Un brin, un morceau de. Un brimborion de peau (G. Duhamel, Confession de minuit,1920p. 13).J'avais pas une bribe, pas un brimborion d'honneur (Céline, Mort à crédit,1936, p. 340).
− [Avec une valeur coll.] Le brimborion. L'ensemble des éléments vulgaires et futiles. Prenons garde de tomber dans le brimborion (Flaubert, Correspondance,1857, p. 212).
B.− P. ext. [S'appliquant à un animé] Individu de petite taille, personne insignifiante. Qu'ils sont petits! Quels brimborions que les élèves d'une école maternelle! (Frapié, La Maternelle,1904, p. 15).

(10) Podragre. Se dit d'un malade souffrant de la goutte.

(11) Bourdeau. Bordel
(12) Empan. 
Distance comprise entre l'extrémité du pouce et celle du petit doigt très écartés (de 22 à 24 cm).
Longueur maximale d'une série d'éléments susceptibles d'être mémorisés après une seule présentation.

(13) Métempsycose
Réincarnation de l'âme après la mort dans un corps humain, ou dans celui d'un animal ou dans un végétal. (Certains peuples ont fait de la métempsycose une croyance fondamentale : les anciens Égyptiens, les Hindous.)

(14) Horion
Littéraire. Coup violent donné à quelqu'un.


(15) Guéret
Terre qui a été labourée en attendant les semailles d'automne.
Dans un champ en cours de labour, partie non encore labourée.

(16 ) Coule. 
Familier. Menus gaspillages causés dans une maison, dans une entreprise par la négligence ou la malhonnêteté ; coulage.

( 17) Haire
chemise, vêtement en poils de chèvre ou en crin.

(18) Connil
Vx, littér. Lapin.

(19) Béjaune
Littéraire. Jeune homme sot et inexpérimenté.

(20) Maritorne
nom féminin
(du nom de Maritorne, fille d'auberge laide dans Don Quichotte)
Littéraire. Fille laide, malpropre et acariâtre.

(21) pouille (nominal)
misère

446: 'Artemisia' de FERLUT Nathalie et BAUDOUIN Tamia - BD

 Genre : renaissance au féminin

Histoire
Artemisia Gentileschi (1593 – 1656) fait partie de ces femmes qui, au fil des siècles, ont osé se battre pour exister en tant qu’être humain à part entière. Devenue, à juste titre, une icône révérée par le mouvement féministe, sa seule demande était la possibilité de pouvoir vivre comme elle le désirait, un pinceau à la main.
Elle fut la première femme à avoir été acceptée à l'Académie de dessin de Florence


Autoportrait


Impressions

"Suzanne et les vieillards", première œuvre attribuée à Artemisia Gentileschi, qu'elle signe à l'âge de dix-sept ans,

Portrait biographique servi par une narration intelligente, et un dessin en douces nuances douces et au trait délicat, presque fragile.



Agostino et Artemisia

La pierre angulaire de la BD est celle de la vie de cette artiste: le terrible viol d'Artemisia par le peintre Agostino Tassi, un ami de son père qui devait lui enseigner les décors 


    Le père d'Artemisia avait porté l'affaire devant le tribunal papal, portant plainte près d'un an après le viol qui se serait déroulé le 9 mai 1611. L'instruction pour stupro violente (défloration par force) a duré neuf mois, de mars 1612 à novembre 1612.
On découvre dans la bande dessinée que durant le procès, Artemisia a subi le supplice des sibilli, au cours duquel le bourreau noue des cordelettes autour de ses doigts et les serre pour vérifier la véracité de ses accusations ; cette torture aurait pu mettre fin de façon brutale à sa carrière. Artemisia a tenu bon.
    Tassi a été condamné le 28 novembre 1612 à 5 ans d'exil des États pontificaux. Il a été reconnu pour avoir violé plusieurs femmes.
"Judith décapitant Holopherne", où la peintre a donné les traits d’Agostino Tassi à Holopherne, son violeur, et elle s’est peinte en Judith.

Un mois après la conclusion du procès, Orazio arrange pour Artemisia un mariage avec Pietro Antonio Stiattesi, modeste peintre florentin, qui permet à Artemisia, violentée, abusée et dénigrée, de retrouver un statut honorable.
Mais la famille Stiatessi rafle tout ce que rapportent les tableaux peints sans relâche par Artemisia.
Et Artemisia finira par accepter d'entrer dans l'Académie de dessin de Florence et d'ainsi gagner son indépendance. Elle gardera cette liberté au prix de la haine de son mari et au prix d'une vie bohémienne de Venise à Rome, Naples ou Florence.

Superbe hommage à une femme de la Renaissance hors du commun.

mardi 13 avril 2021

445: 'La diagonale du vide' de Pierre Péju

Genre : diagonale de solitude

Histoire

Marc Travenne décide brutalement de tout lâcher; il arrête du jour au lendemain sa vie agitée de designer à succès toujours en mouvement.

"Ne plus bouger. Ne plus partir. Surtout ne plus parler. Trouver au plus vite un endroit retiré. Avec du silence. De la lenteur. Peut-être un brin de tristesse. De préférence dans une région sauvage.

Retiré dans un gîte perdu du plateau ardéchois, il croise une randonneuse étrange, aux cheveux dorés, qui suit la 'diagonale du vide'.
"Le premier jour, je n'ai fait que contempler la fenêtre de ma chambre, rectangle blanc, couvert de buée, auquel je pouvais substituer, d'un mouvement tournant de la main dans l'humidité ruisselante, une aquarelle abstraite composée de plusieurs gris bleutés, de verts éteints, de bruns, de roux et de jaune paille que le givre décolorait encore."

Impressions

Quel plaisir de lecteur :)
L'écriture est précise, concise, vive, tranchante.
Pierre Péju décrit avec talent et grâce les grands espaces isolés.

'Pays perdu. Des pierres, beaucoup de pierres, dures et sombres que la pluie rend luisantes. Des maisons basses, très éloignées les unes des autres, dont certaines ne sont plus que ruines encombrées de ronces, de fougères, et faciles à confondre avec un amoncellement de roches. Partout, des blocs de basalte surgissent dans les déchirures d'un velours vert et râpé. De loin en loin, des bêtes humides, figées dans un vieux rêve. Les crinières des chevaux sont gorgées d'eau, comme est trempée la laine des moutons aux marques rouges ou violettes. Du cul des vaches tombent régulièrement des paquets de bouse chaude et les crottes des chèvres sont autant de billes noires disséminées entre les brins d'herbe.
Même par temps clair, les ondulations infinies de cette terre ne procurent pas un sentiment d'apaisement mais d'âpreté

Carte des densités par département en 2007, faisant apparaître la diagonale du vide en bleu
La « Diagonale du vide » est une large bande du territoire français allant de la Meuse aux Landes où les densités de population sont relativement faibles par rapport au reste de la France

"Dans le gîte d'Ardèche, elle avait pris le temps de m'expliquer ce que les géographes appellent, en France, la diagonale du vide, et je finissais par me demander s'il n'existait pas, dans ma vie comme dans celle de chaque individu, une diagonale analogue, large bande de solitude et d'abandon ou les sensations sont atténuées, les événements absents."

J'ai évidemment pensé au roman de Sylvain Tesson, "Sur les chemins noirs", cette étonnante et douloureuse traversée que l'écrivain a suivie pour se reconstruire après son grave accident.
Mais dans la "Diagonale du vide", ce cheminement prend fin à mi-parcours du roman, et se déplace en Afghanistan et à New York le 11 septembre. Contraste déstabilisant en regard de la nature sauvage de l'Ardèche ! Contraste aussi entre l'arrêt sur la vie de la première moitié du livre, et un enchaînement au rythme soutenu de rencontres, événements de la deuxième partie. Cette précipitation se traduit même par une scène de meurtre plutôt bancale et peu crédible. Dommage.
 
Les personnages sont à la dérive, avec des parcours de vie qu'ils remettent en cause. Ils sont plus nantis que les exclus ou cabossés des autres romans de Péju, mais justement ce récit illustre que même un designer célèbre ou une journaliste qui fréquente les dirigeants peuvent se fourvoyer et souffrir de profondes blessures. Marc a perdu son collaborateur et ami, estime avoir complètement raté sa relation de père avec ses enfants, son amie Irène quitte la vie avec le regret de n'avoir vécu avec le père de son fils...

Un livre sur le sens de la vie. Passe-t-on à côté de ce qu'on aurait "cru être".

Un vaste sujet, thème de nombreux romans
https://www.babelio.com/livres-/sens-de-la-vie/7845

samedi 10 avril 2021

444: ' La légèreté' de Catherine Meurisse - BD blog

Genre : quête du beau, pour revivre

Histoire
7 janvier 2015: 2 cagoulés font irruption chez 'Charlie Hebdo' et font feu sur l'équipe de rédaction armés de crayons en criant « Allahou akbar » et « Vous allez payer, car vous avez insulté le Prophète ».
Sont abattus en quelques secondes : Cabu, Charb, Tignous, Wolinski, Bernard Maris, Honoré et Elsa Cayat -psychanalyste et chroniqueuse- Mustapha Ourrad, le correcteur kabyle, Franck Brinsolaro, un des deux policiers qui assure la sécurité de Charb en permanence depuis l’attentat de novembre 2011, et Michel Renaud, ancien directeur de cabinet du maire de Clermont-Ferrand, invité par la rédaction.
Dans leur folie meurtrière, les agresseurs avaient abattu quelques minutes plus tôt un des agents d’entretien de l’immeuble au rez-de-chaussée, Frédéric Boisseau, 42 ans. Un deuxième policier blessé, Ahmed Merabet, sera achevé d’une balle dans la tête en tentant d’arrêter la fuite des tueurs, un peu plus tard, boulevard Richard-Lenoir.

12 morts, 11 blessés, un carnage.
Une bande décimée...


Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, Maris
Ahmed Merabet, Mustapha Ourrad, Elsa Cayat, Franck Brinsolaro, Michel Renaud, Frédéric Boisseau

Et le 9 janvier, à Montrouge, Clarissa Jean-Philippe, Yohan Cohen, Philippe Braham, Yoav Hattab, François-Michel Saada

Un carnage auquel échappe de peu Catherine Meurisse, arrivée en retard à la conférence de rédaction suite à un chagrin d’amour. Dans la rue Nicolas-Appert, elle croise Luz qui lui dit : «Ne monte pas. Il y a une prise d'otages à Charlie.» Elle se cache, entend le bruit des tirs de kalashs, une fois, peut-être deux, elle ne sait plus bien...

Catherine Meurisse a perdu la mémoire
Elle a perdu la légèreté.

Elle dessine le long chemin qu'elle a dû parcourir pour se reconstruire.





Impressions


Drôle et en même temps profond 
Quête du beau. 
Un cheminement personnel:  Cabourg, Dune de Pilat, Villa Médicis, Musée du Louvre...
Elle convoque les antiques et ses classiques, Proust, Le Caravage, Dostoïevski et Stendhal.
Pour enfin se retrouver.
Pour se soigner de cet état dit de « dissociation ».

Du nom de ce trouble aux multiples formes qui peut toucher n’importe qui et affecter n’importe quel aspect de la fonction mentale d’un individu : l’amnésie, la dépersonnalisation, la déréalisation, la perte d’identité.

Un trait de dessin qui rappelle Cabu et Reiser, des planches poétiques, des cases humoristiques., alternance des rythmes.

« C’est la beauté qui sauvera le monde ». Poignant et touchant.

Catherine Maurisse était entrée en 2005 à la rédaction de Charlie hebdo à l'âge de 25 ans comme dessinatrice de presse.

jeudi 8 avril 2021

443: ' Pandemia' de Franck Thilliez

Genre : thriller viral

Histoire

Vous remplacez les pangolins et chauve-souris par des cygnes, le virus SARS-CoV-2 (SARS pour "Syndrome Aigu Respiratoire Sévère" et CoV pour "CoronaVirus") par une variante inconnue de H1N1, ajoutez une société secrète inspirée par les Chevaliers de l'Apocalypse, plongez les lecteurs dans les souterrains égouts nauséabonds de Paris, assaisonnez de Dark Web et en avant vers un thriller relevé !

Une enquête où on suit en parallèle une équipe de flics du 36 quai des Orfèvres, avec Sharko / Lucie et Nicolas / Camille, et un autre couple, Amandine, microbiologiste, qui est mariée à Phong, un ancien microbiologiste également, qui est depuis deux ans atteint d’une maladie qui l’empêche de vivre normalement.




Impressions

Un thriller bien documenté, qu'il s'agisse de décrire les instituts de santé comme l'Institut Pasteur ou les service d'entretien des égouts de Paris.

Un thriller qui dénonce le comportement inconscient de notre société, avec en particulier la question de son impact sur son environnement, un sujet largement discuté dans la période de crise sanitaire que subit la planète entière depuis début 2020. Ne paît-on pas les inconséquences de notre comportement ?
"L'homme, tel que nous le connaissons, est le pire virus de la planète. Il se reproduit, détruit, épuise ses propres réserves, sans aucun respect, sans stratégie de survie."

Un thriller qui dénonce aussi les investissements publics insuffisants, en particulier dans le domaine de la recherche où même un institut de renom comme Pasteur voit son budget rogné d'année en année. Les chercheurs cherchent de l'argent la plupart de leur temps.
"Ce travail, comme les analyses de prélèvements au CNR, n'avait rien de passionnant, mais il permettait de faire entrer de l'argent à l'institut Pasteur."

Et surtout, comme l'a titré Le Point, 'Paru en 2015, ce thriller brossait le scénario catastrophe d'une pandémie de grippe en France. Une anticipation brillante, que l'auteur révise avec nous."

En revanche, c'est trop long..
Et surtout, sans doute pour relancer le suspens, l'auteur introduit des rebondissements assez improbables. 
En particulier, après 300 pages qui ont bien mis en évidence la dangerosité des fous qui sèment la terreur, Camille, l'épouse du flic qui a été le destinataire du message du méchant homme-oiseau noir se fait enlever... Ce malade a torturé et assassiné une famille et d'autres personnes, a provoqué une pandémie, anticipe toutes les actions de la police. Et aucune mesure de protection n'est mise en place... Grosse ficelle.
L'absurdité du scénario atteint un point culminant quand l'employée de Pasteur, Amandine, se met seule à remonter la piste d'un médecin pour aller se jeter dans la gueule du loup. Avec un téléphone portable dont la batterie est sur le point de lâcher, bien sûr :)

J'ai donc lu la fin en mode 'je veux savoir la fin mais vite'. Pas trop difficile, Franck Thilliez ne distille pas une écriture littéraire à savourer parcimonieusement. C'est basique et direct.


Enfin, ce roman fait appel à de nombreuses références, cinéma, musique, romans, que j'aime relever.

Inévitablement un film d'épouvante est cité: "Les Griffes de la nuit" (A Nightmare on Elm Street), film d'horreur américain écrit et réalisé par Wes Craven et sorti en 1984. Avec un sympathique Freddy aux doigts acérés...

Relevant de plus d'érudition, les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse sont des personnages célestes et mystérieux mentionnés dans le Nouveau Testament, au sixième chapitre du livre de l'Apocalypse:
"Les interprétations concernant les quatre cavaliers sont nombreuses mais, pour faire court, le cavalier blanc est là pour répandre la parole de Dieu, il est l’annonciateur du malheur. Le rouge symbolise le sang versé, il sème la guerre, le trouble par l’épée. Le noir fait pourrir les récoltes, amène la famine. Quant au vert, il représente la maladie, la mortalité par épidémie.
Il est la Mort.."

1- le cavalier blanc est symbole de la conquête, de puissance et de victoire
Le cavalier blanc sur un vitrail de la Basilique de Saint-Denis.

2- le Cavalier rouge apporte la guerre, le conflit, le sang et la violence.
Le cavalier de la Guerre, sur le cheval rouge (miniature du xiiie siècle d'un manuscrit de l'Apocalypse)

3- le cavalier noir porte une balance qui représente les prix exorbitants des denrées de base, et donc annonce la famine pour le plus grand nombre.
Le cavalier noir dans l'Apocalypse de Bamberg (vers l'an mil).

4- Le cavalier 'pâle' nommé La Mort', explicite...
Mais le mot grec (thanatos) qui signifie la mort sert aussi à qualifier la peste. Ce serait donc une allégorie aux phénomènes épidémiques, un cavalier qui distille la maladie à grande échelle. Une pandemia ?
Le cavalier nommé Mort, sur le cheval livide. Tapisseries de l'Apocalypse d'Angers.


Un roman 'page-turner' qui peut agir comme un vaccin contre la crise COVID qu'on subit depuis plus d'un an. Ou encore plus stresser ?
En tout cas, efficace, vite dévoré si on supporte les grosses ficelles.

Les livres qui m'ont marqué... (pas tous chroniqués)

  • 'Beloved' & 'Jazz' de Toni Morrison
  • 'Charlotte' de David Foenkinos
  • 'Crime et châtiment' de Dostoievski
  • 'Kite runner' de Khaled Hosseini
  • 'La joueuse de go" de Shan Sa
  • 'Le quatrième mur' 'Profession du père' de Sorj Chalandon
  • 'Les enfants de Minuit' de Salman Rushdie
  • 'Sombre dimanche' & "L'art de perdre" d'Alice Zeniter
  • 'Sous le soleil des Scorta' et 'Eldorado' de Laurent Gaudé
  • "1984" de George Orwell
  • "Au Zénith" de Dong Thuong Huong
  • "Candide" de Voltaire
  • "En attendant Godot" de Samuel Beckett
  • "Fanrenheit 451" de Bradbury
  • "L'écume des jours" de Boris Vian
  • "L'insoutenable légéreté de l'être", de Milan Kundera
  • "L'œuvre au noir" de Marguerite Yourcenar
  • "L'ombre du vent" de Carlos Ruis Zafon
  • "La métamorphose" de Kafka
  • "La vie devant soi" de Romain Gary
  • "Le Hussard sur le toit" et "Les âmes fortes" de Jean Giono
  • "Le parfum" de Patrick Suskind
  • "Le Portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde
  • "Le rouge et le noir" de Stendhal
  • "Les Cavaliers" de Joseph Kessel
  • "Les Déferlantes" de Claudie Gallay
  • "Les Raisins de la Colère" de John Steinbeck
  • "Malevil" de Robert Merle
  • "Mr Vertigo" de Paul Auster
  • "Sur la route" de Jack Kerouac
  • à suivre
  • L'univers de Haruki Murakami
  • Les contes d'Alessandra Barrico
  • Les polars de Fréd Vargas
  • Les romans de Sepulveda
  • Les romans de Yasunari Kawabata

Grand Canyon

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