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mardi 13 avril 2021

445: 'La diagonale du vide' de Pierre Péju

Genre : diagonale de solitude

Histoire

Marc Travenne décide brutalement de tout lâcher; il arrête du jour au lendemain sa vie agitée de designer à succès toujours en mouvement.

"Ne plus bouger. Ne plus partir. Surtout ne plus parler. Trouver au plus vite un endroit retiré. Avec du silence. De la lenteur. Peut-être un brin de tristesse. De préférence dans une région sauvage.

Retiré dans un gîte perdu du plateau ardéchois, il croise une randonneuse étrange, aux cheveux dorés, qui suit la 'diagonale du vide'.
"Le premier jour, je n'ai fait que contempler la fenêtre de ma chambre, rectangle blanc, couvert de buée, auquel je pouvais substituer, d'un mouvement tournant de la main dans l'humidité ruisselante, une aquarelle abstraite composée de plusieurs gris bleutés, de verts éteints, de bruns, de roux et de jaune paille que le givre décolorait encore."

Impressions

Quel plaisir de lecteur :)
L'écriture est précise, concise, vive, tranchante.
Pierre Péju décrit avec talent et grâce les grands espaces isolés.

'Pays perdu. Des pierres, beaucoup de pierres, dures et sombres que la pluie rend luisantes. Des maisons basses, très éloignées les unes des autres, dont certaines ne sont plus que ruines encombrées de ronces, de fougères, et faciles à confondre avec un amoncellement de roches. Partout, des blocs de basalte surgissent dans les déchirures d'un velours vert et râpé. De loin en loin, des bêtes humides, figées dans un vieux rêve. Les crinières des chevaux sont gorgées d'eau, comme est trempée la laine des moutons aux marques rouges ou violettes. Du cul des vaches tombent régulièrement des paquets de bouse chaude et les crottes des chèvres sont autant de billes noires disséminées entre les brins d'herbe.
Même par temps clair, les ondulations infinies de cette terre ne procurent pas un sentiment d'apaisement mais d'âpreté

Carte des densités par département en 2007, faisant apparaître la diagonale du vide en bleu
La « Diagonale du vide » est une large bande du territoire français allant de la Meuse aux Landes où les densités de population sont relativement faibles par rapport au reste de la France

"Dans le gîte d'Ardèche, elle avait pris le temps de m'expliquer ce que les géographes appellent, en France, la diagonale du vide, et je finissais par me demander s'il n'existait pas, dans ma vie comme dans celle de chaque individu, une diagonale analogue, large bande de solitude et d'abandon ou les sensations sont atténuées, les événements absents."

J'ai évidemment pensé au roman de Sylvain Tesson, "Sur les chemins noirs", cette étonnante et douloureuse traversée que l'écrivain a suivie pour se reconstruire après son grave accident.
Mais dans la "Diagonale du vide", ce cheminement prend fin à mi-parcours du roman, et se déplace en Afghanistan et à New York le 11 septembre. Contraste déstabilisant en regard de la nature sauvage de l'Ardèche ! Contraste aussi entre l'arrêt sur la vie de la première moitié du livre, et un enchaînement au rythme soutenu de rencontres, événements de la deuxième partie. Cette précipitation se traduit même par une scène de meurtre plutôt bancale et peu crédible. Dommage.
 
Les personnages sont à la dérive, avec des parcours de vie qu'ils remettent en cause. Ils sont plus nantis que les exclus ou cabossés des autres romans de Péju, mais justement ce récit illustre que même un designer célèbre ou une journaliste qui fréquente les dirigeants peuvent se fourvoyer et souffrir de profondes blessures. Marc a perdu son collaborateur et ami, estime avoir complètement raté sa relation de père avec ses enfants, son amie Irène quitte la vie avec le regret de n'avoir vécu avec le père de son fils...

Un livre sur le sens de la vie. Passe-t-on à côté de ce qu'on aurait "cru être".

Un vaste sujet, thème de nombreux romans
https://www.babelio.com/livres-/sens-de-la-vie/7845

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  • 'Charlotte' de David Foenkinos
  • 'Crime et châtiment' de Dostoievski
  • 'Kite runner' de Khaled Hosseini
  • 'La joueuse de go" de Shan Sa
  • 'Le quatrième mur' 'Profession du père' de Sorj Chalandon
  • 'Les enfants de Minuit' de Salman Rushdie
  • 'Sombre dimanche' & "L'art de perdre" d'Alice Zeniter
  • 'Sous le soleil des Scorta' et 'Eldorado' de Laurent Gaudé
  • "1984" de George Orwell
  • "Au Zénith" de Dong Thuong Huong
  • "Candide" de Voltaire
  • "En attendant Godot" de Samuel Beckett
  • "Fanrenheit 451" de Bradbury
  • "L'écume des jours" de Boris Vian
  • "L'insoutenable légéreté de l'être", de Milan Kundera
  • "L'œuvre au noir" de Marguerite Yourcenar
  • "L'ombre du vent" de Carlos Ruis Zafon
  • "La métamorphose" de Kafka
  • "La vie devant soi" de Romain Gary
  • "Le Hussard sur le toit" et "Les âmes fortes" de Jean Giono
  • "Le parfum" de Patrick Suskind
  • "Le Portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde
  • "Le rouge et le noir" de Stendhal
  • "Les Cavaliers" de Joseph Kessel
  • "Les Déferlantes" de Claudie Gallay
  • "Les Raisins de la Colère" de John Steinbeck
  • "Malevil" de Robert Merle
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