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samedi 17 avril 2021

448: 'Hokusai' de Shôtarô Ishi no Mori - BD

Genre : quête de la perfection par le 'Vieux fou de desin'

Histoire


Reconnu comme l'un des artistes les plus importants de l’Ukiyo-e (traduisible par « image du monde flottant »), Hokusai, le « Vieux fou de dessin » fut collaborateur d’écrivains, ami et illustrateur de poètes, visionnaire des grands paysages. Il puisa dans toutes écoles, étudiant même la peinture hollandaise, pour acquérir la meilleure maîtrise possible du pinceau.

 “Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens parole."
Postface aux Trente-Six Vues du mont Fuji, qu'on considère comme son testament.

Ce manga retrace la vie du peintre de 42 à 85 ans de manière assez libre mais à partir de faits historiques avérés.

Hokusai, L’Acteur Ôtani Hiroji dans le rôle du lutteur de sumô Nuregami no Chôgorô, 1789, estampe nishiki-e

Impressions

Manga de Hokusai

C'est donc un manga qui retrace la vie de cet artiste, un manga sur le créateur des mangas !
Manga, c’est étymologiquement « ga », dessin et « man », au gré de l’idée, au fil du pinceau ; ce qu’on pourrait traduire par "esquisses rapides".
Au début ce ne devait être qu’une série de croquis permettant à ses admirateurs de Nagoya de saisir sa technique de peinture. Au vu du succès du premier tome, les dessins s’accumulèrent pour aboutir à treize volumes de croquis, soit quatre milles planches retraçant le parcours pictural du maître Hokusai.

Mais ici c'est d'un manga moderne qu'il est question. A noter que le véritable père des ces ouvrages japonais est Osamu Tezuka, lui-même héritier du dessin animé européen et américain.

Osamu Tezuka

Le manga  'Hokusai' de Shôtarô Ishi no Mori interprète certaines zones d'ombre de la biographie de l'artiste. Il donne à voir l'appétit de vivre insatiable de cet artiste, éternel insatisfait de son travail. Et aussi son appétit pour les femmes !  C’est ainsi un homme amoureux de la bonne chaire que nous découvrons et dont les diverses péripéties amoureuses et conquêtes occupent une grande place. La longévité, cette quête incessante du trait graphique juste et cet appétit pour les femmes m'ont fait penser à Picasso, avec comme différence majeure, celle que Hokusai est mort dans la pauvreté.
Le récit du manga se suit pas une trame linéaire: il débute lorsque, à 42 ans, Hokusai qui se fit appeler Shunrō, puis Sōri, répudie son nom pour devenir Hokusai, en référence à la Grande Ourse (Hokutosei).

Il faut suivre, car ce diable d'artiste a signé sous plus d’une centaine de noms : Tokitarô à 3 ans, Tetsuzô à 9, Tatsumasa, Katsushika, et ainsi de suite jusqu’à l’un des derniers, et sûrement son favori, Gakyôjin Hokusai qui peut se traduire par le « fou de dessin ».

Dans ce manga, les prises de vues et les plans sont typiques des années 60-70, ainsi qu'un style d'encrage peu tramé qui faisait la véritable force des mangakas de cette époque.

Shotaro Ishinomori, l'auteur de ce superbe manga (1938-1998)

Shotaro Ishinomori parsème son récit de citations d'estampes d’Hokusaï, mais jamais en cherchant à en imiter les lignes et au contraire en demeurant fidèle aux canons d’efficacité et de lisibilité du manga. 
Shotaro Ishinomori a été récompensé du prix du manga Kōdansha et deux fois du prix Shōgakukan. Auteur prolifique, il est inscrit au Livre Guinness des records. Auteur emblématique, il reçoit à titre posthume l'ordre du Soleil levant et le prix culturel Osamu Tezuka pour l'ensemble de son œuvre.



Un manga superbe retraçant la vie d'un artiste exceptionnel, tant par ses œuvres que  par la vitalité de sa quête d'un idéal graphique.


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Les grandes phases créatives de la vie de Hokusai

Hokusai est né de parents inconnus le 31 octobre 1760 à Edo, l'ancien nom de Tokyo. À l'âge de 3 ou 4 ans, il est adopté par l'artisan en charge de la fabrication des miroirs à la cour du shogun. C'est à cette période qu'Hokusai s'intéresse précocement au dessin et à la peinture. 

Shunrô, « l’éclat du printemps »
1778-1794
Après avoir étudié la xylographie, il intègre, en 1778, l'atelier de Katsukawa Shunsho, un des maîtres reconnu de l’art de l’estampe, réputé pour ses portraits d’acteurs du kabuki et de belles femmes, les bijin. Là-bas, il fabrique des estampes ukiyo-e et produit différents dessins. 
Le jeune Shunrô débute modestement dans ce monde brillant : des estampes commerciales d’acteurs en bichromie, des illustrations de romans populaires, ces « livres à couverture jaune » ou kibyôshi, des cartes de voeux, qu’on appelle surimono.

Hokusai, Sifflet de la cerise d’hiver, série Sept Manies des jeunes femmes sans élégance, 1801-1804, estampe nishiki-e

Sôri et la nouvelle vision de la peinture
(1794-1805)
À la mort de son maître, Hokusai quitte l'atelier et connaît une période de grande pauvreté durant laquelle il continue d'étudier de nouvelles techniques. L'art néerlandais et l'étude de la perspective influencent son travail. 
Entre 1793 et 1795, l’artiste doit faire face à de grandes difficultés, tant sur le plan personnel – sa femme meurt, le laissant seul avec trois enfants en bas âge – que professionnel, produisant peu d’œuvres signées Kusamura Shunrô.
Mais, en 1795, Hokusai se voit proposer de prendre la direction de l’atelier de peinture de Tawaraya Sôri (actif entre 1760 et 1780). Il adopte le nom de Sôri II en hommage au maître.  Il se détourne du monde de l’ukiyo-e, bien décidé à prouver qu’il peut développer une carrière de « vrai » peintre. Il se rapproche des cercles littéraires de son temps, il compose des poèmes, écrit des récits et s’intéresse à l’édition d’estampes non commerciales. Apparaissent en effet, dans les années 1790, les kyôka surimono, poèmes accompagnés d’illustrations.
Hokusai, dont la notoriété s’étend, propose aux sociétés de poètes, tel le cercle Asakusa, d’inverser le procédé: il fournit des séries d’estampes sur lesquelles on composera kyôka ou haiku. Il en dessinera trente-deux entre 1799 et 1809.

Hokusai, Album de peintures, 1808-1809, un volume sur papier, signature : «Hokusai »

Hokusai, « atelier de l’étoile polaire »
(1805-1810)
1798 constitue un tournant dans sa carrière. Hokusai quitte l’atelier Tawaraya et fonde sa propre école.
À partir de 1800, Sôri signe désormais Hokusai, qui signifie « atelier de l’étoile polaire », un signe probable que le peintre aurait rallié la secte bouddhique de Nichiren, spécifiquement attirée par le culte du bodhisattva Myôken, incarnation de l’étoile polaire. Depuis quelques années déjà, l’artiste a choisi cet astre comme son symbole, et le montrera désormais à de nombreuses occasions tout au long de sa vie. À l’intérieur même de cette période, ses signatures vont néanmoins varier : il est, entre autres, Katsushika Hokusai pour les romans ou les estampes populaires, Hokusai Tatsumasa ou Gakyôjin Hokusai, « fou de peinture », pour les kyôka surimono.

Hokusai renoue brillamment avec les gravures bon marché et les livres populaires : plus de mille illustrations, entre 1804 et 1815, pour ces derniers, soit à peu près deux cent trente-cinq volumes ! En 1805, il travaille avec le grand écrivain Kyotukei Bakin (1767-1848) à une édition japonaise du grand classique chinois Contes au bord de l’eau, un projet qui fera date. 
    Dans une première période, de 1798 à 1804, Hokusai continue à exploiter le style des années Tawaraya: personnages féminins à l’expression douce et mélancolique, aux figures souples et allongées.
À partir de 1807, apparaissent les grandes lignes de recherche qu’il développera par la suite. Les expressions des visages, leurs émotions affleurent sous son pinceau et trouvent un écho dans le rendu des paysages, aussi délicats et éthérés que sont l’âme et l’esprit de ceux qui les traversent. Par ailleurs, Hokusai s’intéresse de plus en plus à la perspective occidentale.
En 1804, il réalise une véritable performance.
Muni d'un balai et d'un seau d'encre de Chine, il réalise un daruma (une figurine traditionnelle) géant de plus de 240 m2 dans la cour du temple d'Edo.

Daruma peint par Hokusai en 1817

En 1805, sa renommée de peintre égale celle de graveur. Il se lance, au temple Gokoku, proche d’Edo, dans un véritable « happening » public : un portrait de cent vingt tatami (21, 6 mètres sur 9) de Daruma, le fondateur du bouddhisme zen. Hokusai a tapissé une surface de 350 mètres carrés de papier et y a promené un énorme balai de bambou trempé dans une cuve d’encre. Ce n’est que lorsque le panneau a été dressé sur cadre que les spectateurs ébahis ont compris qu’il s’agissait du buste du patriarche porte-bonheur…


Taito, « étoile de la Petite Ourse »
(1810-1819)
En 1810, la célébrité de Hokusai est un fait établi.
Ne raconte-t-on pas que le shôgun Ienari l’a convié, en 1804, à un concours de peinture où il doit affronter un autre artiste renommé, Tani Bunchô (1763-1840)? Loin de se plier aux règles de la compétition, Hokusai a fait démonter une porte coulissante qu’il a balayée d’encre bleue, en lignes sinueuses. Puis il a fait venir un coq qu’il a incité à se promener sur la surface, après lui avoir trempé les pattes dans de la peinture rouge. Une fois le panneau remis en place, toute l’assemblée a reconnu la rivière Tatsuta, chargée de feuilles d’érables à l’automne…
C'est en 1814, pour transmettre son expérience, ses découvertes, les nouvelles voies d’exploration de la peinture, qu'il publie son célèbre ouvrage 'Hokusai Manga' regroupant croquis et dessins.
À la même époque, Taito s’attache avec une particulière virtuosité aux shunga, les « peintures de printemps » ou images érotiques, qui sont le fruit d’une longue tradition de l’art japonais.

Hokusai, Vent du sud, ciel clair (Le Fuji rouge), série Trente-Six Vues du mont Fuji, vers 1830-1834

Iitsu, une nouvelle vie
(1820-1834)
En 1820, Hokusai atteint l’âge de 60 ans.
Le thème du paysage est récurrent dans l’œuvre de Hokusai depuis ses débuts, par sa présence aussi bien dans les estampes commerciales que dans les surimono ou les illustrations de livres. 

Hokusai, Pont de bateaux de Funa dans la province de Kôzuke (vue ancienne), série Vues extraordinaires des ponts des diverses provinces, vers 1834, estampe nishiki-e, format ôban, 26,4 x 38,4 cm, signature : « Saki no Hokusai Iitsu hitsu », Tsuwano, Katsushika Hokusai Museum of Art.

Mais la manière dont il le traite à partir des années 1830 dans trois séries d’estampes, Trente-Six Vues du mont Fuji, Voyage au fil des cascades des différentes provinces et Vues extraordinaires des ponts des diverses provinces, constitue une véritable révolution dans le genre, en même temps qu’elles rendent soudain les Japonais curieux de leur archipel et de sa nature. Une des conséquences sera la multiplication des pèlerinages et des voyages destinés à admirer la beauté des sites célèbres. 

Et ce sont les Trente-six vues du mont Fuji (1831-1833) qui comptent en réalité 46 estampes qui constitueront les œuvres les plus connues de cet artiste fécond, avec l'emblématique "La Grande Vague de Kanagawa" (1831):


 Spectre d’Oiwa-san, série Cent Histoires de fantômes, vers 1831-1832, estampe nishiki-e, format chûban, 24,8 x 18,2 cm, signature : «Saki no Hokusai hitsu », Tsuwano, Katsushika Hokusai Museum of Art

Gakyô Rôjin Manji, le vieil homme fou de dessin
(1834-1849)
L'artiste choisit derechef un nouveau nom. Ce sera Manji, « dix mille ans », précédé de Gakyô Rôjin, littéralement « le Vieil Homme fou de dessin ».
Son prestige atteint l’Europe.
Même, en 1826, un épisode singulier a eu lieu. Une délégation du comptoir colonial hollandais de Deshima, cette enclave autorisée aux étrangers, se rend à Edo et, après avoir rencontré le shôgun, trois de ses membres demandent à connaître Hokusai. S’ensuivra un échange surprenant : Hokusai recevra du papier et des aquarelles hollandaises et répondra à la commande de plusieurs peintures, peut-être une quarantaine, de scènes de la vie japonaise et des vues d’Edo. Certaines se trouvent aujourd’hui au musée d’Ethnologie de Leyde, aux Pays-Bas.
La crise économique de la fin des années 1830 le réduit à la misère et le force, pour survivre, à vendre ses dessins dans la rue. Comble de malheur, un incendie détruit son atelier et la plupart de ses œuvres, en 1839. On dit que, réveillé en pleine nuit, l’artiste de 80 ans n’emporta rien d’autre que ses pinceaux, témoignant par là de sa foi en l’avenir. Une confiance qu’il entretient, en dessinant, chaque jour, entre 1842 et 1844, un lion chinois ou shishi, animal de légende porte-bonheur.
Il s’éteint le 18e jour du 4e mois de 1849. 


La biographie a été en partie tirée d'un excellent site: 
https://www.connaissancedesarts.com/arts-expositions/les-6-vies-dhokusai-le-fou-de-dessin-11145687/

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