Mais c'est aussi un roman drôle, marqué par la dérision.
Quant à « Ô Canada » [hymne national canadien], chant truffé de bondieuseries guerrières, cousu de vers de mirliton écrits entre deux salves de bière, il ne valait guère mieux que l’épouvantable et terrifiante « Marseillaise » de mon pays natal. Je sais qu’un Franco-Canadien qui se respecte et aspire à un peu de paix et de dignité sur cette terre ne devrait jamais dire – et pas même penser – ce que je vais écrire : en matière d’hymne national, nul ne peut rivaliser, car où qu’il se joue et quelle qu’en soit la cause, le « Gode save the Queen » fera toujours regretter à chacun de n’être pas anglais.»
L'humour est porté jusqu'à des scènes bouffonnes avec le personnage bouffon de Patrick Horton, ce méchant tendre, compagnon de cellule.
Ne plus voir, tous les soirs, Patrick Horton baisser son pantalon, s'asseoir sur la lunette et déféquer en me parlant des « bielles entrecroisées » de sa Harley qui au ralenti « tremblait comme si elle grelottait ».
A chaque séance, il œuvre paisiblement et s'adresse à moi avec une décontraction confondante qui donne à penser que sa bouche et son esprit sont totalement découplés de sa préoccupation rectale. Il n'essaye même pas de moduler ses flatulences d'effort.
Tout en finissant ses affaires, Patrick continue de m'éclairer sur la fiabilité des derniers moteurs désormais montés « sur des Silentbloc dits isolastic », avant de réajuster ses braies comme un homme qui a fini sa journée, et d'étaler sur la cuvette un linge immaculé censé tenir lieu d'abattant et qui sonnait un peu pour moi à la fois comme la fin d'un office et un « Ite missa est ».
La métier de pasteur du père de Paul est sujet à critique de la religion.
Les célébrations catholiques m'ont toujours semblé surgir d'une autre époque, d'un autre monde, d'un âge sombre. Vêtus comme des empereurs incas, les célébrants marmonnent des incantations surjouées dans une langue morte, mélangent l'eau et le vin, bénissent un quignon de pain, et lors de la séquence dite de la "transsubstantiation" prétendent métamorphoser la vieille tranche d'azyme en une colombe divine.
Le pasteur cite André Gide à son fils Paul : « Je ne suis qu'un petit garçon qui s'amuse, doublé d'un pasteur qui l'ennuie. »
Les gens qui travaillent s'ennuient quand ils ne travaillent pas. Les gens qui ne travaillent pas ne s'ennuient jamais
Le lecteur voyage, depuis l'extrême nord du Danemark, Skagen le village d'origine des Hansen, à Toulouse, et surtout au Canada. Cette terre d'accueil où le père et son fils vont s'établir, l'un pour fuir le renvoi par l'église provoqué par les mécréances de son épouse qui projette des films pornographiques dans son cinéma toulousain, l'autre pour fuir l'absence de sa mère.
Le narrateur goute de la liberté de voler au-dessus des lacs à bord de l'hydravion Beaver piloté par son épouse Wimona.
On découvre notamment l'histoire de l'église ensablée de Skagen est une ancienne église de Skagen, au Danemark, dont seul le clocher est encore debout et émerge des dunes.
À partir du xvie siècle, le sable commence à envahir l'édifice. En 1770, les dunes atteignent l'église, puis le mur du cimetière adjacent. Après une violente tempête en mai 1775, la congrégation est contrainte de creuser le sable pour accéder à la porte de l'église. En 1795, la municipalité abandonne la lutte et l'église est détruite. Sur ordre du roi Christian VII, le clocher reste debout, destiné à être utilisé comme phare. La nef et la sacristie sont démolies, les matériaux étant réutilisés aux alentours. En 1810, le mobilier est vendu aux enchères.
Elégance faussement désinvolte. Un roman agréable à lire, bien écrit, caustique.