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Liste par auteurs & titres dans Kronik list

dimanche 24 avril 2011

65: "Saint Denis bout du monde" de Samuel ZAOUI

Genre : crise identitaire d’un modèle d’intégration


Histoire
Son père est parti au bled et Souhad est en détresse. Ce départ a dérouté cette brillante agrégée en lettres modernes, ce modèle d’intégration de la population arabe immigrée. Depuis, elle a quitté son appartement, erre dans la maison paternelle et gamberge dans un parc de Saint-Denis. La rencontre de trois petits vieux Arabes l’embarque dans un périple initiatique qui l'aidera peut-être à reconstruire son identité.

Impressions
Le roman commence doucement, d’une manière énigmatique et astucieuse. Le sujet de narration rebondit d’un personnage à l’autre au hasard de leur rencontre fortuite dans St-Denis. Jusqu’à ce qu’une troupe bigarrée et improbable se forme et parte au ’’Bout du Monde’’ à bord d’une camionnette (volée ?). Une écriture en forme de fable "odysséenne".

Le thème des immigrés et de leur (im- ?)probable intégration est très habilement et originalement traité, à travers cette confrontation entre l’éduquée et moderne Souhad et ces petits vieux débarqués dans les années 1950. Voyage - machine à remonter le temps des histoires personnelles de ces 3 Arabes, souvent émouvantes, attachantes par leurs faiblesses. Alternent colères, tristesses, souffrances, mensonges, mais aussi beaucoup d’humour qui évite d’être inondé de pathos (le personnage d'Idriss, ce grand noir taciturne qui se contente de ses ‘ui’, est savoureux).

- C’est trop tard, ma fille. C’était au début qu’il fallait faire les choses. Au début, à la seconde où tu mets le pied sur le sol. Au moment où tu descends du bateau… Tu descends, la terre est dure, tu sais pas comment marcher dessus, dans quel sens, tu sais pas. Même un trottoir tu sais pas ce que c’est. […]
L’histoire, c’est pour tous la même chose, pareil et pas pareil. […] Il y a le papier avec l’adresse marquée dessus en français. […]
Et puis tu arrives devant la maison. L’adresse est bonne mais l’immeuble est pourri. […]
L’escalier sent la pisse. Tu frappes à une porte. Elle s’ouvre sur une chambre petite, minuscule, noire. Le cousin est là mais il ne sourit pas. Il te fait entrer en silence. Il ne peut plus rien cacher maintenant. Ni raconter des histoires. […]
Tu comprends tout, d’un coup. Les mensonges. Cette misère pour faire vivre les autres là-bas. Tout.


Incontestablement, mon roman favori de la sélection du concours Alice de cette année (avec pour bémol qu'il m'en reste 2 à lire.)
Premier roman remarquable de Samuel Zaoui, un enseignant-sociologue lui-même issu de l'immigration.

samedi 23 avril 2011

64ième: "Mon couronnement" de Véronique Bizot

Genre : couronné à l'insu de son plein gré

Histoire
« Une observation, à ce que j’ai compris, que j’aurais autrefois faite à mon laboratoire de physique, et qui trouverait aujourd’hui son terrain d’application, une partie de l’espèce humaine se voyant du coup par moi soulagée de l’un de ses maux. »
Un vieux chercheur à la retraite apprend en effet qu'il sera décoré d'un prix scientifique pour une découverte qu'il a totalement oubliée. Journalistes, admirateurs, son frère, affluent dans son appartement parisien, rue St Lazare.
    Voilà qui perturbe cet homme vieillissant dans le désordre de sa retraite, habitué à la seule compagnie de Mme Ambrunaz, sa femme de ménage – ange gardien. Tandis qu’il faut se préparer à la cérémonie, les souvenirs refluent à la mémoire, la dernière invitation à un dîner, sa sœur Alice et son obsession du ménage, sa sœur Louise disparue depuis 40 ans, les reproche de son fils, sa femme et son ancienne maison de Picardie Et force est de constater que les personnages décrits par l’auteure ne manquent pas de cocasseries.
« Ma sœur s’est entichée, un veuf, directeur dune entreprise spécialisée dans le curage d’égouts, de mares et de fosses septiques, et par ailleurs collectionneur d’objets en régule. »
Son autre sœur Louise qui s’est enfuie convoler avec un évêque...

Impressions
Un regard lucide, souvent amer, sur la recherche scientifique...
« l’une de ces impasses fantaisistes dans lesquelles nous autres chercheurs en recherche fondamentale nous fourvoyons constamment… » 
« Avancer vers quoi, vers quel futur supposé meilleur, … un monde de circuits imprimés, … de légumes lustrés, distributeurs de croquettes et désodorisants d’ambiance, de touches ok et de grille-pain parlants, le tout peuplé d’effets secondaires dont chacun aurait ensuite, ainsi que de ses nostalgies, à se débrouiller. »

    sur la vieillesse... 
« vieillir, me disais-je, c’est chercher ses lunettes, s’irriter de les chercher, s’irriter de la nécessité des lunettes… »

    sur la société moderne 
« Car ce que j’entends aujourd’hui, en fait de modernité, c’est bien la rumeur des milliards qui s’échangent sans relâche d’un bout à l’autre de la planète, … et la nuit, la même insomnie pour tout le monde, car ce que l’on perçoit en prêtant l’oreille au silence de la nuit, c’est la vibration de l’argent qui ne dort jamais. » 

     A cette amertume se mêle de nombreux passages teintés d’humour 
« Voilà qu’on m’invite en Chine. … Là-bas, vous rencontrerez un tas de Chinois, me dit mme Ambrunaz qui ne manque pas de clairvoyance. »

    Joli texte, au style léger et fluide, souvent humoristique. L'évocation de la vieillesse, âge de lucidité quant à l'absurdité de notre monde et à la solitude des êtres.
« Ce vieillard à sa fenêtre habité du sentiment que quelque chose est allé de travers. » 

Savoureux. Peut-être mon roman préféré du concours Alice de cette année.

vendredi 22 avril 2011

63ième: "Cet été-là" de Véronique Olmi

Genre : feu des artifices du 14 juillet


Histoire

Tous les week-ends du 14 juillet, 3 couples se réunissent en Normandie chez Denis et Delphine: "Coutainville avait un temps appartenu à Delphine et Denis […] avait été le rendez-vous annuel et sacré de leurs amis et de leurs enfants."

C'est l'été, la chaleur règne sur la plage, tout invite à peindre "Une jolie carte postale pleine de rires et de vin,et au revoir..."
"Chacun était heureux de retrouver ses marques, les habitudes des étés précédents, avec cette rassurance de savoir que le lendemain le temps serait beau ... la nature, le village et le jardin offriraient à tous un espace et une respiration personnelle."


"C'était une grand repos que de se retrouver inchangés, nécessaires et connus les uns des autres, et pourtant. Au fond de chacun d'eux, et ils avaient beau la repousser avec force, s'allumait la fine lumière de la peur, par intervalles, comme un ampoule prête à claquer. Un signal, presque rien, pour prévenir du danger."

Le danger de la fuite des années, des enfants qui grandissent et s'émancipent, des sentiments amoureux qui s'érodent, de la lassitude pour les lubies de jeunesse ?

Impressions

Sur la page du site Allociné décrivant les "Petits Mouchoirs" (oct 2010) de Guillaume Canet:
" A la suite d'un événement bouleversant, une bande de copains décide, malgré tout, de partir en vacances au bord de la mer comme chaque année. Leur amitié, leurs certitudes, leur culpabilité, leurs amours en seront ébranlées. Ils vont enfin devoir lever les "petits mouchoirs" qu'ils ont posés sur leurs secrets et leurs mensonges."

Ressemblance troublante, si ce n'est qu'aucun événement grave n'est à déplorer dans "Cet été-là".

L'auteure peine parfois à donner du relief à ce récit de vacances assez banales (on mange et boit, fait les courses, se baigne, papote, joue au tennis...).
Mais heureusement, par petites touches, les sentiments des uns et des autres se dévoilent le plus souvent lors de discussions intimes en aparté. A travers une écriture simple et pudique, Véronique Olmi parvient à distiller la vérité des plaies et des détresses derrière l'apparente insouciance de ce petite monde qui profite de cette parenthèse estivale. Des personnages aux parcours plus doux, moins heurtés que ceux des romans de Claudie Gallay. Une écriture moins poétique aussi.

Un agréable moment de lecture (sûrement à lire sur la chaise longue de la p(l)age de couverture !), la découverte plaisante d'une auteure que je ne connaissais.

samedi 16 avril 2011

62ième: "La spirale de Jacob" de Jean-Marc Legrand

Genre : spirale existentialiste


Histoire

Jacob, c'est Jacob Bernoulli (1654-1705) un grand mathématicien suisse, connu pour de nombreux travaux et en particulier la spirale logarithmique dotée de propriétés d'invariance. C'est cette propriété du renouvellement infini qui joue le rôle de fil conducteur -pas évident à déchiffrer - des 3 nouvelles successives closes par un épilogue titré "Eadem mutata resurgo", l'épitaphe du mathématicien.

3 histoires d'amour : l'amour possessif, l'amour qui s'étiole et s'évade, l'amour brisé inconsolable.
Autres lieux, autres acteurs, autres coeurs, quelle est la clé commune du mystère ?

Impressions

Séduit par la chute de la première nouvelle, une seconde partie plutôt téléphonée et un dernier volet surprenant.
Je n'ai hélas pas été emporté par la spirale de ces 3 récits où la continuité repose sur quelques indices ténus. Rétrospectivement ce lien mystérieux annoncé en quatrième de couverture est ressentie plus comme un prétexte qu'une réalité. Cette "spira mirabilis" qui aurait pu apporter un voile conducteur de mystère voire de diablerie est sans doute desservie par une écriture trop simple et directe, sans la brume d'un Carlos Ruis Zafon.

Un autre des livres du concours de lecture de cette année, qui a le mérite d'être édité via la société du Web "www.thebookedition.com" par son auteur.

samedi 9 avril 2011

61ième: "Du givre sur les épaules" de Lorenzio Mediano

Genre : tragédie rustique à Biescas de Obago


Historia
L'action se situe dans un village des Pyrénées espagnoles pendant les années 30 peu avant la guerre civile. Sous le prétexte de donner la vraie version d'un drame local chroniqué dans les faits divers d'un journal, l'instituteur du village raconte l'histoire d'amour entre Ramon et Alba. Cette passion entre un berger désargenté et l'unique héritière d'une casa opulente contrarie les règles sociales du village.
Peut-on impunément défier les puissants ?


Sensaciones
Impressions mitigées.

Peinture épique de ce monde rural des montagnes, 'carte du tendre' vraiment pas tendre pour Ramon qui sera poussé jusqu'à ses limites physiques lors de ses traversées hivernales des cols pyrénéens (mais je ne vous dis pas pourquoi...).
L'atmosphère tendue qui règne dans le village surtout entre les nantis et les autres est saisissante, voire oppressante. L'espoir de pouvoir briser les codes sociaux court dans les coeurs et les esprits des mal-nés.
Cette tension qui croît au fur et à mesure du récit apporte un souffle (froid comme le givre) à ce roman.

En revanche, j'ai eu un peu de difficultés à entrer dans le roman, pas emporté par l'écriture (qualité de la traduction ?) et un peu rebuté par le rythme lent du début. J'ai aimé le dénouement...
Un des livres du concours de lecture de cette année. Pas mon cheval gagnant.

Lorenzo Mediano, écrivain né à Saragosse en 1959, est aussi médecin, instructeur de survie, conteur.
Prix « Vivre Livre » des lecteurs de Val d'Isère 2009. (En 2004, 'Sous le soleil des Scorta', en 2006, 'L'élégance du Hérisson' de Muriel Barbery.)

vendredi 8 avril 2011

60-ième: "Ulysse from Bagdad" d'Eric Emmanuel Schmitt

Genre : Odyssée d'un clandestin Première lecture de ce romancier à la mode qui a son blog officiel (http://www.eric-emmanuel-schmitt.com/Actualites.html).

Épopée d'un jeune irakien qui fuit son pays après les morts brutales et successive de ses proches dans un Bagdad en plein chaos engendré par la chute de Saddam Hussein. Saad veut rejoindre l'Europe et plus particulièrement rêve d'Angleterre. Il va devoir affronter la turpitude et la violence des gens, l'inconsistance des lois, la perte de ses compagnons d'infortune, les 'Lothophages', ...
Odyssée en négatif: contrairement à Ulysse qui veut rentrer chez lui, Saad quitte son foyer pour fuir la pénurie, la faim, les privations, l'insécurité. Il sympathisera avec d'autres clandestins, sera hébergé comme un ami, comme un amant par certain(e)s, mais il poursuivra souvent seul son épopée.
Cette solitude sera souvent soulagée par les conversations avec un fantôme, mais je vous en laisse la primeur.
Ce roman se lit facilement et avec plaisir, les personnages sont savoureux, l'écriture est fluide, les péripéties s'enchaînent avec rythme. Plus qu'une analyse sur l'immigration, c'est un roman d'aventure, humoristique, plutôt léger, souvent émouvant. Les échanges souvent drôles entre Saad et son fantôme ouvrent le champ à des considérations sur la condition de l'homme, sur son identité.
Cela m'a laissé un peu sur ma faim, car je m'attendais à une écriture plus profonde, surtout en provenance d'un philosophe. Certes, certains concepts 'philosophiques' sont abordés, mais j'ai trouvé le scénario facile et je n'ai pas été séduit par l'écriture. Très en-deçà du roman 'Eldorado' de Laurent Gaudé qui lui-aussi tisse sa trame autour du thème de l'immigration clandestine. Un roman sublime que j'ai lu récemment mais antérieurement à 'Ulyssse from Bagdad'. Vite une chronique sur ce livre incontournable et ô combien (hélas...) d'actualité.

PS : et une bloggueuse qui aussi "retrouve dans Ulysse from Bagdad un goût de l'Eldorado de Laurent Gaudé, en moins bon, en moins suave, moins poétique, moins humain".
http://vanillabricot.canalblog.com/archives/2009/01/02/11952111.html

59ième: 'Seule Venise' de Claudie Gallay

Genre : retraite vénitienne pour guérir d'un chagrin d'amour

Ce n’est pas une Venise resplendissante, clinquante, estivale.
« è l’inverno. »
C’est une Venise mystérieuse où l’héroïne déambule, « une île fantôme », « Venise, l’opaque », le froid invite à prendre un chocolat chaud au Florian, la brume brouille les pistes, il pleut.
Un séjour improvisé à Venise exutoire de la souffrance de la rupture d’avec Trevor, une séance de « lavomatiques » pour ne plus « avoir dans la bouche et déglutir » la mort.

L’eau, élément omniprésent dans ce roman. C’est l’acqua alta, « l’eau suinte entre les pierres, autour, partout. » « Contre les murs, les traces de l’eau qui suinte. » « je me fais couler un bain. »

Un séjour dans une pension Barbaria delle Tolle, un ancien palais des Bragadin, agrémenté d’un jardin, tenue par Luigi, un veuf bedonnant qui élève dix-huit chats et attend toujours la visite de fille. Peut-être pour Noël ?
Autres résidents de la pension : un jeune couple amoureux, Carla et Valentino, et un vieux russe en fauteuil roulant qui ne « supporte pas le retard. »
« La tapisserie est décollée. » Mais cela convient à l’héroïne qui doit recoller avec le goût de la vie. Miroir italien de la Normandie des Déferlantes, le portrait d’une femme blessée qui se reconstruit en croisant d’autres destinées meurtries peintes au couteau, par touches impressionnistes.

Phrases courtes, silences.
Pudique, enivrant, dépouillé, sensuel, poétique.
Et puis qu’ajouter à la chronique d’un roman dont un des personnages, le libraire Dino, prescrit la lecture comme remède à la peine de cœur…


A nouveau une pépite romanesque, un voyage à la découverte de personnages attachants, au trait épais, et une immersion dans un lieu magique – pour moi, une cité exceptionnelle, unique, dont je suis profondément amoureux et où chaque nouveau séjour est enchanteur.

(Pour info, le peintre Zoran Music présenté par Dino à la narratrice a réellement existé (peintures terribles et terrifiantes...), il a connu l’enfer de Dachau et est mort en 2005 … à Venise)

Les livres qui m'ont marqué... (pas tous chroniqués)

  • 'Beloved' & 'Jazz' de Toni Morrison
  • 'Charlotte' de David Foenkinos
  • 'Crime et châtiment' de Dostoievski
  • 'Kite runner' de Khaled Hosseini
  • 'La joueuse de go" de Shan Sa
  • 'Le quatrième mur' 'Profession du père' de Sorj Chalandon
  • 'Les enfants de Minuit' de Salman Rushdie
  • 'Sombre dimanche' & "L'art de perdre" d'Alice Zeniter
  • 'Sous le soleil des Scorta' et 'Eldorado' de Laurent Gaudé
  • "1984" de George Orwell
  • "Au Zénith" de Dong Thuong Huong
  • "Candide" de Voltaire
  • "En attendant Godot" de Samuel Beckett
  • "Fanrenheit 451" de Bradbury
  • "L'écume des jours" de Boris Vian
  • "L'insoutenable légéreté de l'être", de Milan Kundera
  • "L'œuvre au noir" de Marguerite Yourcenar
  • "L'ombre du vent" de Carlos Ruis Zafon
  • "La métamorphose" de Kafka
  • "La vie devant soi" de Romain Gary
  • "Le Hussard sur le toit" et "Les âmes fortes" de Jean Giono
  • "Le parfum" de Patrick Suskind
  • "Le Portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde
  • "Le rouge et le noir" de Stendhal
  • "Les Cavaliers" de Joseph Kessel
  • "Les Déferlantes" de Claudie Gallay
  • "Les Raisins de la Colère" de John Steinbeck
  • "Malevil" de Robert Merle
  • "Mr Vertigo" de Paul Auster
  • "Sur la route" de Jack Kerouac
  • à suivre
  • L'univers de Haruki Murakami
  • Les contes d'Alessandra Barrico
  • Les polars de Fréd Vargas
  • Les romans de Sepulveda
  • Les romans de Yasunari Kawabata

Grand Canyon

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