Ce n’est pas une Venise resplendissante, clinquante, estivale.
« è l’inverno. »
C’est une Venise mystérieuse où l’héroïne déambule, « une île fantôme », « Venise, l’opaque », le froid invite à prendre un chocolat chaud au Florian, la brume brouille les pistes, il pleut.
Un séjour improvisé à Venise exutoire de la souffrance de la rupture d’avec Trevor, une séance de « lavomatiques » pour ne plus « avoir dans la bouche et déglutir » la mort.

L’eau, élément omniprésent dans ce roman. C’est l’acqua alta, « l’eau suinte entre les pierres, autour, partout. » « Contre les murs, les traces de l’eau qui suinte. » « je me fais couler un bain. »
Un séjour dans une pension Barbaria delle Tolle, un ancien palais des Bragadin, agrémenté d’un jardin, tenue par Luigi, un veuf bedonnant qui élève dix-huit chats et attend toujours la visite de fille. Peut-être pour Noël ?
Autres résidents de la pension : un jeune couple amoureux, Carla et Valentino, et un vieux russe en fauteuil roulant qui ne « supporte pas le retard. »
« La tapisserie est décollée. » Mais cela convient à l’héroïne qui doit recoller avec le goût de la vie. Miroir italien de la Normandie des Déferlantes, le portrait d’une femme blessée qui se reconstruit en croisant d’autres destinées meurtries peintes au couteau, par touches impressionnistes.
Phrases courtes, silences.
Pudique, enivrant, dépouillé, sensuel, poétique.
Et puis qu’ajouter à la chronique d’un roman dont un des personnages, le libraire Dino, prescrit la lecture comme remède à la peine de cœur…

A nouveau une pépite romanesque, un voyage à la découverte de personnages attachants, au trait épais, et une immersion dans un lieu magique – pour moi, une cité exceptionnelle, unique, dont je suis profondément amoureux et où chaque nouveau séjour est enchanteur.
(Pour info, le peintre Zoran Music présenté par Dino à la narratrice a réellement existé (peintures terribles et terrifiantes...), il a connu l’enfer de Dachau et est mort en 2005 … à Venise)
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