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mercredi 26 avril 2023

532: 'Le Mage du Kremlin' de Giuliano da Empoli

Genre : brulant et glaçant

Histoire
Coulisses du Kremlin, l'histoire de Poutine narrée par son ancienne éminence grise, Vadim Baranov dans la fiction, Vladislav Sourkov dans la vraie vie.

Vladislav Sourkov et Vladimir Poutine, à Kourgan, en 2012

Si on avait le cœur à en rire, on est frappé par la ressemblance entre Vladislas Sourkov et Mister Bean ...

Impressions
Giuliano da Empoli, 49 ans, essayiste et conseiller politique italo-suisse (ex-conseiller de Matteo Renzi), a déjà écrit des essais politiques, et nous livre ici son premier roman. Né en 1973 à Neuilly-sur-Seine, il est le président de Volta, un think tank basé à Milan, et enseigne à Sciences-Po Paris.

Ce portrait de Vladimir Poutine réunit les passions M de Empoli, la littérature et la politique. Cette histoire retrace fidèlement les grandes lignes de la carrière politique du conseiller, jusqu’au dossier ukrainien, dont il fut chargé quelques mois avant l’annexion de la Crimée par les Russes, en mars 2014, et l’intervention militaire dans le Donbass. « Dans Le Mage du Kremlin, on suit la métamorphose de Poutine », résume avec justesse la journaliste Laure Adler.  Cet ouvrage permet de mieux comprendre ce dictateur, toujours plus solitaire avec à la fin, pour seul conseiller, un labrador. Et c'est glaçant.

"Le labrador est le seul conseiller en lequel Poutine a entièrement confiance. Il le fait courir dans le parc, il va avec lui au bureau. Pour le reste, le Tsar est complètement seul. De temps en temps, un garde apparaît, un serviteur se présente, ou un courtisan, convoqué pour une raison ou une autre. C'est tout. Il n'a pas de femme auprès de lui, ni d'enfants. Quant aux amis, il sait qu'au stade auquel il est parvenu l'idée même d'en avoir est inimaginable. Le Tsar vit dans un monde où même les meilleurs amis se transforment en courtisans ou en ennemis implacables, et la plupart du temps les deux à la fois."

Selon ce roman, Vladimir Poutine, alors lieutenant-colonel du FSB (ex-KGB), a été sollicité par Berezovsky -homme d'affaires et magnat de la télévision- pour remplacer Eltsine alors mourant. Surkov aurait été chargé d'en faire la mise en scène et la régie pour la suite.

'Le chef du FSB serait un bon candidat. Personne ne le connaît mais le vieux a confiance en lui : il a fait ses preuves dans les moments décisifs. Il est jeune, compétent, moderne ; exactement ce dont la Russie a besoin. Et puis, tu verras, c’est un homme modeste.'

"Poutine n’était pas un grand acteur comme je le croyais mais seulement un grand espion. Métier schizophrénique qui requiert, c’est certain, des qualités d’acteur. Mais le véritable acteur est extraverti, son plaisir de communiquer est réel. L’espion, en revanche, doit savoir bloquer toute émotion, si tant est qu’il en ait."

Mais au lieu d'être une 'marionnette' docile, Poutine s'est vite imposé et a écarté Berezovsky de la sphère politique; il veut redonner à la Russie sa grandeur menacée par les années d'excès de Gorbachev et Eltsine où  « vous pouviez sortir acheter des cigarettes et vous réveiller deux jours plus tard, dans un chalet de Courchevel à moitié nu entouré de beautés endormies ».

Comme déjà mentionné, le personnage principal de l'intrigue, Vadim Baranov est fictif, mais il partage de nombreux traits communs avec Vladislav Sourkov. En revanche, les autres protagonistes du récit sont tous réels. Ainsi l'oligarque Mikhaïl Khodorkovski qui épouse la concubine de Vadim Baranov avant d'être arrêté pour escroquerie en 2003, conformément à la réalité historique.

Mikhaïl Khodorkovski, ex-magnat russe des hydrocarbures condamné en décembre 2010 à 14 années d'emprisonnement par un tribunal de Moscou. 

'Khodorkovski fut arrêté à l'aube, dès que son jet toucha la piste de la ville sibérienne où il était allé conclure je ne sais quelle affaire. Les images du milliardaire menotté, escorté par des soldats des troupes spéciales, firent le tour du monde. Et eurent pour effet immédiat de rappeler que l'argent ne protège pas de tout."

Pour vous. Occidentaux, c'est un tabou absolu. Un homme politique arrêté, pourquoi pas, mais un milliardaire, ce serait inimaginable: parce que votre société est fondée sur le principe qu il n'existe rien de supérieur à l'argent. Ce qui est amusant c'est que vous continuez à appeler les nôtres des « oligarques », tandis que les vrais oligarques n'existent qu'en Occident. C'est là que les milliardaires sont au-dessus des lois et du peuple, qu'ils achètent ceux qui gouvernent et écrivent les lois à leur place.

Chez vous, l'image d'un Bill Gates, d'un Murdoch ou d'un Zuckerberg menotté est totalement inconcevable. En Russie, au contraire, un milliardaire est tout à fait libre de dépenser son argent mais pas de peser sur le pouvoir politique. La volonté du Peuple russe - et celle du Tsar, qui en est l’incarnation prévaut sur l'intérêt privé quel qu'il soit.'

L'ouvrage est une méditation sur le pouvoir. Selon l'auteur « De mon point de vue, le cœur du pouvoir est le cœur de l’irrationnel ». C'est passionnant.
 
Quelle écriture !! L’érudition, le style et l’art du récit de Giuliano da Empoli transcendent ce roman et presque rendent soutenable la brutalité du personnage.

Pour aussi mieux endurer cette noirceur, l'auteur insert des passages non dénué d'humour.

Le camarade Khrouchtchev visite un élevage de cochons et il est photographié. A la Pravda, les graphistes discutent sur la légende à mettre sous l'image : " Le camarade Khrouchtchev parmi les cochons", " Le camarade Khrouchtchev et les cochons", "Les cochons autour du camarade Khrouchtchev" ? Toutes les propositions sont rejetées les unes après les autres. A la fin, le directeur prend sa décision. La légende choisie est : "Troisième à droite, le camarade Khrouchtchev".


Un roman virtuose passionnant. Enorme coup de cœur. 
'Le Mage du Kremlin' a remporté en 2022 le Grand prix du roman de l'Académie française et a figuré en finale du Prix Goncourt.

Quelques éléments russes décrits dans ce roman
Vertushka
Dès 1922, à l'initiative de Lénine, un réseau automatisé spécial a été installé pour la bureaucratie du Kremlin, parallèlement aux lignes téléphoniques publiques.
Ce téléphone gouvernemental s'appelait vertushka [«pinwheel», ou «whirligig»], car, alors que le système téléphonique ordinaire fonctionnait avec des centres manuels - c'est-à-dire qu'il fallait demander à l'opérateur de se connecter à un certain numéro - le central automatique du Kremlin fonctionnait comme tous les téléphones aujourd'hui; c'est-à-dire que l'abonné lui-même a composé le numéro souhaité sur le cadran rotatif, d'où le nom vertushka.
Plus tard, ce téléphone a également été appelé kremlyovka

Les Kommunalkas
L’envers du décor, ce sont des cours sombres, des escaliers au lustre défraîchi, et des kommunalkas délabrées, ces appartements communautaires hérités de l’époque soviétique, qui subsistent. Au numéro 12 de la petite rue Baskov, qui abrita autrefois la demeure d’une baronne, Vladimir Poutine vécut avec sa famille, dans l’un de ces logements partagés, jusqu’à son entrée au KGB. Rénové dans les années 1980, l’immeuble, aujourd’hui, ne se distingue plus..


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