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jeudi 13 avril 2023

529: 'Les billes de Pachinko' de Elisa Shua Dusapin

Genre : "ceux qui résident au Japon"

Histoire
Claire qui vit en Suisse passe ses vacances à Tokyo chez ses deux grands-parents maternels qui gèrent un pachinko. Son projet est de convaincre ses aïeuls de retourner en Corée, leur pays d'origine, qu'ils ont quittée pendant la guerre de Corée, 50 ans plus tôt.
Pour s'occuper, elle donne des cours de Français à Mieko, une jeune japonaise.


Impressions
Récit inspirée de sa propre famille, Elisa Shua Dusapin est née d'un père français et d'une mère coréenne et vit en Suisse.

Autant le dire tout de suite: c'est une lecture coup de cœur.

D'abord de par la richesse de son melting-pot culturel.
Le Japon et la Corée du Sud sont des pays que j'ai eu la chance de visiter plusieurs fois. J'ai pu me replonger dans mes errances tokyoïtes, j'ai retraversé le parc d'Ueno et ses palais, été étourdi par le vacarme des salles de pachinkos, parcouru la capitale sous terre à bord du métro de la ligne Yamamote. 
J'ai aimé l'évocation des kokeshis, ces poupées traditionnelles japonaises. [Ces poupées sont fabriquées à partir de plusieurs essences de bois, suivant la partie du corps. Les kokeshis symbolisent de nos jours le désir d'avoir un enfant en bonne santé et sont un gage d'amitié envers la personne à qui on l'offre.]
De mes séjours à Séoul et Busan, j'ai surtout regoûté aux plats coréens toujours assortis du Kimchi, ce chou fermenté tant emblématique de la Corée. [Aucune scène ne se déroule en Corée, mais les grands parents cuisinent des plats coréens.]

C'est aussi un roman qui se caractérise par des très belles peintures de la psychologie des personnages,  avec leurs passés et leurs sensibilités. Impression étonnante quand on considère le peu de pages (144) que comporte ce roman. Et en effet, Elisa Shua Dusapin dessine les lignes de faille des identités avec simplicité, précision et grâce.
En toile de fonds, on croise Heidi, Bambi, un Monopoly où l'on a écrit au feutre indélébile «Yverdon-les-Bains» sur la carte de la Paradeplatz, un fiancé aimable laissé au fond d’une cabane du val d’Anniviers, et cette petite fille, Mieko, qui vient bousculer l’idiotie figée et conventionnelle des rapports de générations.

Enfin ce roman permet en particulier de découvrir les Zainichi, ces apatrides au Japon. 
Le terme Zainichi (在日) désigne littéralement « ceux qui résident au Japon » et ne s’applique donc pas uniquement aux seuls Coréens mais bien à tout résidant au Japon à long terme sans avoir la nationalité japonaise. Toutefois, il est majoritairement utilisé pour parler des Coréens qui ont débarqué dans l’archipel dès 1910, suite au traité d’annexion de la Corée qui a fait du pays une colonie japonaise.

Victimes d'une déportation  de masse au Japon pendant la colonisation pour compenser la pénurie de main d'œuvre d'alors, ils sont affectés à des tâches épuisantes, dans des mines et des usines aux conditions de travail misérables. 
En 1940, on compte plus de 1 400 000 Coréens au Japon et même plus de 2 millions à la fin de la guerre. Si un grand nombre d’entre eux retournera sur sa terre natale après la guerre, environ 650 000 Coréens installés depuis suffisamment longtemps pour se penser acceptés vont décider de rester au Japon.

En 1945, le problème des Zainichi devient identitaire. Le Japon les déclare de nationalité "choson" (coréenne) mais bientôt la Corée éclate, entre le Nord pro-russe et le Sud pro-américain. Les Coréens du Japon sont alors pris entre le marteau et l'enclume... Leur carte d'identité "choson" les rattache à un pays qui n'existe plus, et ils peuvent devenir citoyens de la nouvelle Corée du Sud (la guerre civile prend fin en 1953) mais pas de la Corée du Nord...
    La division du pays touche les Zainichi de plein fouet. S’ils soutiennent le Sud, ils peuvent alors opter pour la nationalité de Daikan Minkokun correspondante au nouvel état formé en Corée du Sud. Quant à ceux qui restent fidèles au nord, ils écopent du statut de Chōsen-seki, qui est une nationalité alternative et qui n’est pas considérée comme un statut officiel car le Japon ne reconnaît pas la Corée du Nord comme un pays.

    Ils ont toujours été l'objet de discriminations racistes héritées du colonialisme japonais. Au racisme permanent viennent se greffer des problèmes jamais soldés : la situation des "femmes de réconfort" (des Coréennes prostituées de force durant la guerre), les enlèvements de citoyens japonais pratiqués par le Corée du Nord...
Encore aujourd’hui, ils subissent de fortes discriminations dans ce pays d’accueil qui les a toujours traités comme des citoyens de seconde zone.

Entre les années 1950 et aujourd'hui, les Zainichi se regroupent dans des ghettos localisés dans les quartiers pauvres des grandes villes, et donnent naissance à des Koreatown. D'abord dans le quartier de Tsuruhashi à Osaka, puis dans la Capitale, à Shin-Okubo. Ils forment aussi la première communauté étrangère à Kôbe. Ces quartiers coréens sont aujourd'hui constitués de descendants de Zainichi, d'étudiants ou de "newcomers", des résidents issus d'une migration plus récente et fortement attachés à la culture de leur pays.

Discours de Ho Jong-Man, président du Chongryon, lors de son assemblée générale à Tokyo le 26 mai 2018

Installée au cœur de Tokyo, l'organisation Chongryon regroupe depuis plus de soixante ans les Coréen·nes du Japon proches du régime de Pyongyang, dont elle sert de facto d'ambassade.  Véritable lobby nord-coréen ayant pignon sur rue, l'organisation a compté jusqu'à 500.000 membres. Si ses effectifs sont aujourd'hui en baisse, elle reste considérée comme l'ambassade de facto de la Corée du Nord au Japon.


Une très belle découverte. Elégance d'un regard singulier. Une jeune auteure à suivre.

Pour en savoir plus sur les zainichis, 

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