Genre : Treize années d'une vie de chien avec Cédric
Histoire
Ubac, un bouvier bernois, et son maître, Cédric Sapin-Dufour, alpiniste, nouent un lien unique entre ces deux espèces, chien et homme. L'auteur narre cette histoire d'amour, de vie et de mort.
Impressions
Succès de librairie inattendu, je n'ai pas été emballé, même si j'aime les chiens, les alpinistes et l'odeur de la pluie.
Certains passages sont drôles, d'autres émouvants, c'est clairement le témoignage d'une histoire d'amour inconditionnel, sincère et bouleversante.
Mais après le choix du chien, son attente, ses premiers pas, le récit s'enlise, accumule les visites chez le vétérinaire, les achats de croquettes, bref j'ai dû me motiver pour atteindre la fin, déjà 'spoilée' au début du roman.
Le style est excessivement alambiqué, certaines phrases demandent de se poser pour en déchiffrer le sens (si tant est qu'au final je l'ai compris, le sens...)
"L'âge et son compère l'expérience ne charrient pas que leurs régressions."
"La gentillesse, raillée de toute part, réclame beaucoup plus d'épaisseur que l'éréthisme maussade."
Et des mots savants demanderaient une recherche sur le Web ou dans un dictionnaire, comme emphythéotique, empour, struklji...
'Pourquoi un Conseil de défense sur un tel sujet ? se demanda alors un journaliste. La réponse lui vint quand il remémora l'allocution télévisée du chef de l'Etat.
Le pays est en guerre, avait déclaré le Président.
En guerre contre la Mort.'
'Mener une guerre n'est pas une mince affaire, et le Président s'arrogea les services d'un cabinet de conseil américain, pour près d'un million d'euros par mois.
Certains s'interrogèrent : n'y a-t-il pas de consultants compétents dans le pays pour qu'il faille choisir des étrangers ? D'autres firent remarquer que c'était le cabiner qui avait conseillé le Président dans sa campagne électorale, sans facturer d'honoraires.'
Et ainsi de suite, le fil de l'histoire de la crise Covid gérée en France est revu sans complaisance.
Evidemment avec le narrateur Français qui à chaque événement plaide en faveur du gouvernement, 'Mais je me refusai à prêter attention à ces médisances.'
En écho, son ami grec Christos Anastopoulos connu pendant ses études, tente de l'éclairer.
'Ca pue la manipulation des foules.'
Le début de la manipulation des masses est rattachée à la commission 'Committee on Public Information' ou 'commission Creel' du nom du journaliste qui l'a dirigée. Objectif : retourner l'opinion publique en lui insufflant l'envie d'entrer en guerre contre les Allemands en 1917.
La charte de Biderman a été reconnue par Amnesty International comme décrivant les 'outils universels de la torture et de la coercition'.
Tomas Noronha, expert en cryptologie, est appelé au Caire par une mystérieuse jeune femme. Sa mission : déchiffrer un cryptogramme caché dans un document détenu par le gouvernement de Téhéran. Un manuscrit écrit de la main d'Albert Einstein dont le contenu pourrait bousculer l'ordre mondial...
Tatata !...
Impressions
C'est du Dos Santos.
La grosse cavalerie.
On prend des thèmes poids lourds, ici l'origine du Monde avec les visions religieuses et les différents modèles de l'astrophysique.
- Ajoute un zest de romance (vraiment pas convaincante..)
- Assaisonne des dictatures du Moyen-Orient et de l'hégémonie américaine,
- et lui affuble un titre en toute simplicité, 'la formule de Dieu'.
Evidemment, nous retrouvons notre sympathique Tomas, écartelé entre sa conscience scientifique, des parents vieillissants et malades et une superbe femme orientale et énigmatique, et évidemment superbe :)
Pour ce qui est de la dose "thriller", il vaut mieux passer son chemin. Les épisodes présentent une invraisemblance rare, qui dépasse les James Bond !
Longue réflexion sur la possibilité de démontrer l'existence d'un dieu créateur de l'univers qui, tout en étant profondément différent du dieu de la Bible ou de ses nombreuses variantes, n'en aurait pas moins été pressenti dans tous les mythes de la Création, en particulier dans la Genèse.
Au final l'intrigue romanesque semble là pour meubler les séances de réflexions religieuses, scientifiques ou même philosophiques. Einstein aurait-il découvert, dans ses équations, une preuve irréfutable de l’existence de Dieu ? Quid des remarquables convergences entre les écritures sacrées des grandes traditions spirituelles et les théories scientifiques récentes, dans le domaine de la physique et de l’astrophysique.
Ce sont ces réflexions liées aux résultats les plus récents de la science et leur écho dans le monde des religions qui m'ont plu. Mais cela aurait pu faire l'objet d'un essai sans être 'parasité' par une histoire d'amour et d'espionnage tirée par les cheveux...
Avis mitigé pour lequel je ne trouve pas la bonne formule ! :)
Une station-service, une nuit d'été, dans les Ardennes.
Sous la lumière crue des néons, ils sont douze à se trouver là, en compagnie d'un cheval et d 'un macchabée. Juliette, la caissière, et son collègue Sébastien, marié à Mauricio. Alika, la nounou philippine, Chelly, prof de pole dance, Joseph, représentant en acariens... Il est 23h12. Dans une minute tout va basculer. Chacun d'eux va devenir le héros d'une histoire, entre elles vont se tisser parfois des liens.
Impressions
On lui donnerait le bon dieu sans confession à découvrir le minois de cette auteure belge.
Et pourtant, ce n'est pas une romance à l'eau de rose, c'est trash et noir.
Des coupures de vie, 'short cuts' - raccourcis de vie, 14 au total, avec pour seul point commun de se croiser dans une station d'essence d'une autoroute des Ardennes.
Faible point commun narratif (si on fait abstraction du cheval Red Apple et de Monica)...
Finalement, le dénominateur commun de ce kaléidoscope de tranches de vie, c'est la violence, l'absurde et la férocité des portraits.
La pole-danseuse qui fait un pétage de câble sanglant, le gigolo Puputte piégé par celle qui le nourrit, une rébellion contre l'hyper-hygénisme des organes sexuels par un famille de gynéco-obstétriciens, sur un parking d'autoroute un couple en plein ébat rythmé par une vieille en chaise roulante qui mange ses cerises, etc...
C'est donc très noir et caustique, servi par une écriture spontanée.
Et finalement je n'en ai retiré ni du plaisir de l'écriture, ni sourires ou rires, sans émotions. J'ai enchaîné les portraits en tentant d'imaginer le thème suivant qui pouvait être abordé avec du sexe, ou du sang, de la bêtise humaine, ou de la violence...
Et pourtant j'ai aimé Virginer Despentes, ou d'autres écrivain.es qui peuvent décrire des scènes trash, mais là c'est le flop.
Il faut dire que certains passages ne volent pas haut, ainsi quand l'autrice compare Central Park à "une techat bien taillée"…
Tranches de vie 'ordinaires' sans réel lien et trash. A la limite du mauvais goût, franchie pour de nombreux lecteurs et lectrices... Non.
Une carte postale est arrivée dans la boîte aux lettres au milieu des traditionnelles cartes de vœux. Non signée, elle représente l’opéra Garnier d’un côté, et de l’autre, les prénoms des grands-parents de la mère, de la tante et de l'oncle de l'écrivaine. Ephraïm, Emma, Noémie et Jacques. Tous sont morts à Auschwitz en 1942.
En 2003, avec la collaboration de sa mère Lélia Picabia, l'écrivainese lance dans une enquête pour retracer le destin de sa famille juive d'origine russe.
Impressions
Roman essentiel pour son témoignage sans concession de l'Histoire sombre.
L'enquête exhume un siècle d'histoire familiale, depuis la fuite de Russie des Rabinovitch, en passant par la Lettonie et par la Palestine, jusqu'à leur installation à Paris et l'horreur qui les y attendait pendant la seconde guerre mondiale.
"Dans les camps, tout ce qui peut être rentabilisé est récupéré et recyclé. Les corps sont eux-mêmes exploités. Les cendres humaines, riches en phosphates, sont déversées comme engrais sur les sols des marais asséchés. Les dents en or fournissent chaque jour, après la fonte, plusieurs kilos d’or pur. Une fonderie est installée près du camp, d’où les lingots sortent pour rejoindre les coffres-forts secrets de la SS à Berlin."
La grand-mère de l'auteur, Myriam, fut la seule à échapper au funeste destin de la famille entière. Elle a laissé à sa fille et à ses deux petites-filles le terrible poids d'un silence étourdissant…
Comment gérer le traumatisme des camps de la mort quand on est rescapée ?
"Alors voilà, cela m’arrangerait de ne pas penser à Auschwitz, tous les jours. Cela m’arrangerait que les choses soient autrement. Cela m’arrangerait de ne pas avoir peur de l’administration, peur du gaz, peur de perdre mes papiers, peur des endroits clos, peur de la morsure des chiens, peur de passer des frontières, peur de prendre des avions, peur des foules et de l’exaltation, de la virilité, peur des hommes quand ils sont en bande, peur qu’on me prenne mes enfants, peur des gens qui obéissent, peur de l’uniforme, peur d’arriver en retard, peur de me faire attraper par la police, peur quand je dois refaire mes papiers… peur de dire que je suis juive. Et cela, tout le temps. Pas « quand ça m’arrange »."
Comment gérer son identité alors que désormais la famille de l'écrivaine est laïque et a presque oublié sa judaïté pour se sentir seulement française, mais que le monde extérieur vous ramène à à cette position de descendant de victimes de la Shoah ?
'Ma grand-mère, seule survivante après la guerre, n’est plus jamais entrée dans une synagogue. Dieu était mort dans les camps de la mort.'
Cette enquête m'a également permis d'apprendre certains événements de cette période noire.
Adélaïde Hautval, surnommée Haïdi, née Marthe Adélaïde Haas le 1er janvier 1906 au Hohwald (Bas-Rhin) et morte le 12 octobre 1988 à Groslay (Val-d'Oise),
Médecin psychiatre, elle est arrêtée en 1942 lors du passage de la ligne de démarcation. Indignée par les traitements réservés aux juifs, elle prend la défense d'une famille juive, ce qui la conduit à partager leur sort funeste. Déportée à Auschwitz en janvier 1943, elle prodigue ses soins aux autres détenus et refuse de participer aux expériences des médecins criminels nazis dans le block 10.
Son parcours de vie l'a amené à croiser dans le camp de Auschwitz Noémie, la sœur de Myriam, la grand-mère de la narratrice.
Échappant de peu à la mort, elle est transférée à Ravensbrück en août 1944 et y demeure quelque temps après la libération du camp pour aider les malades qui ne peuvent être transportés. Dès 1946, elle écrit son témoignage sur les camps et les expériences médicales nazies.
Elle est la première femme alsacienne reconnue "Juste parmi les nations" par Yad Vashem en 1965. Sa vie et son engagement comme protestante, amie des juifs, médecin et résistante sont d’une remarquable exemplarité.
Autre découverte, la liste Otto, publiée le qui recense les ouvrages retirés de la vente par les éditeurs ou interdits par les autorités allemandes.
La première liste Otto comporte 1 060 titres, parmi lesquels Mein Kampf, ainsi que des textes d'auteurs juifs, communistes ou opposants au nazisme, dont Thomas Mann, Stefan Zweig, Max Jacob, Joseph Kessel, Sigmund Freud, Léon Blum, Karl Marx, Léon Trotski et Louis Aragon ou Daniel Guérin.
Une surprenante affiche pour une exposition au cœur de Paris. Du 5 septembre 1941 au 5 janvier 1942, l'exposition intitulée « Le Juif et la France » se tient au palais Berlitz, situé dans le deuxième arrondissement de Paris, près de l'Opéra.
Enfin, une autre découverte, cette fois-ci relative à un événement plus récent avec une déclaration bien inquiétante de Raymond Barre en 1980.
Ce dernier, le 3 octobre 1980, à la suite de l'attentat de la rue Copernic, a déclaré : « Cet attentat odieux qui voulait frapper les Israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic. ».
Voilà une phrase fortement polémique, même si l'intéressé, prenant la parole le 8 octobre 1980 à la tribune de l'Assemblée nationale, a tenu à assurer ses « compatriotes juifs » de la « sympathie de l'ensemble de la nation ».
Roman poignant et pudique, qui pose des questions. Une lecture qui m'a profondément touché. A lire absolument.
Genre : l'histoire d'un personnage détestable et indéboulonnable
Histoire
Par la voix de Clyde Tolson, le principal adjoint et très probablement amant de John Edgar Hoover, , Marc Dugain revient sur le rôle de celui qui a dirigé le FBI sous huit présidences américaines, avec leur lot de malversations et compromissions.
Hoover et Clyde Tolson vers 1939.
Impressions
Edgar: antisémite, anticommuniste, antilibéral, très antipathique, voilà un personnage que je ne regrette pas de ne pas connaître !
A noter, pas anti-homosexuel, étant lui-même très probablement en couple avec Clyde Tolson, son second et sans doute amant. Mais cela n'a pas empêché de monter des dossiers diffamants sur des homosexuels et de les avoir utilisés comme arme de pression pour faire céder ses rivaux.
Hoover et Clyde Tolson
Marc Dugain retrace 50 ans d'activités retors de ce directeur du FBI, carrière débutée sous Roosevelt et terminée sous Nixon.
Amateurs d'écoutes téléphoniques sans limites, promoteurs de la chasse aux sorcières communistes, en pleine collusion avec la mafia, pour Edgar et Clyde toutes leurs compromissions, entêtements ou cruautés sont justifiés par l'intérêt du pays, selon leurs propres interprétations bien sûr.
J'ai beaucoup appris sur la succession des présidents des Etats-Unis.
Ainsi, sous le couvert de développer une police fédérale, Edgar Hoover a mis en place une police politique qui travaillait au développement des idées d’extrême-droite. Un seul exemple suffit. Quand les frères Kennedy sont arrivés au pouvoir en 1960, Hoover qui les détestait, leur disait que le point le plus important était la lutte contre le communisme. Or évidemment à cette époque le Parti communiste américain qui n’a jamais été très important avait vu ses effectifs fondre. Ses membres étaient évalués à 8000, autant dire un groupuscule, et Robert Kennedy disait que la moitié au moins de ses membres étaient des agents du FBI. Il exagérait à peine. En tous les cas, à cette époque, à New York, le FBI comptait 400 agents attachés à la lutte contre le communisme, et seulement 4 agents attachés à la lutte contre le crime organisé, la mafia. Hoover prétendait que celle-ci n’existait pas.
J. Edgar Hoover en 1961 en présence du président John Kennedy et de son frère Robert Kennedy, secrétaire à la Justice.
Joseph McCarthy et Roy Cohn, les créatures d’Hoover
Autre passage intéressant, c'est celui relatif à la chasse aux sorcières où l’on voit Joseph McCarthy en créature de Hoover qui était un des instigateurs les plus importants de cette ignominie
Marc Dugain est un narrateur talentueux, et c'est toujours un plaisir renouvelé de lire un de ses romans.
Comme pour d'autres de ses ouvrages, Marc Dugain s'appuie sur de la documentation d'époque et sur une solide bibliographie. Tout en gardant à l'esprit que certaines révélations dans le roman restent de l'ordre de l'hypothèse -il en est ainsi des deux thèses très claires sur l'assassinat de Kennedy et sur la mort de Marilyn- et le point de vue narratif choisi par l'auteur ne révèle que subjectivement et partiellement la personnalité de Hoover.
Roman captivant qui n'est pas une malédiction pour les lectrices et lecteurs. Foncez !
La vie de David Kolski bascule le jour où il aborde Victoria dans une galerie marchande. Onze mois jour pour jour après leur rencontre, la jeune femme trouve la mort.
"Ses yeux verts où crépitaient des lueurs d'intelligence, l'attraction qu'exerçait sa poitrine, le plaisir que me procuraient ses cheveux bruns aux reflets roux rendaient piquantes l'autorité de ses convictions politiques (que je trouvais détestables) ou l'arrogance que sur certaines questions son poste de DRH lui conférait."
Impressions
C'est l'histoire d'une passion amoureuse sauvage et destructrice.. Avec David, Victoria s'enfonce par amour et pour le plaisir, dans des jeux érotiques qui vont aller de plus en plus loin.
Le début de cette relation est particulièrement peu enthousiasmant, avec un centre commercial comme lieu de rencontre.
Deux personnes qui s'attirent physiquement alors que leurs milieux s'opposent.
- Victoria est une femme de pouvoir aux visages multiples, implacable, libre, insatiable et généreuse, ambassadrice flamboyante d'un système capitaliste dont elle jouit sans limite. Elle a plusieurs vies.
- David, architecte contrarié, idéaliste pusillanime et résigné, est entravé par sa prudence, consumé par ses principes et touchant dans les contradictions de ses rêves avortés.
Comme qualifié dans une critique du Monde, c'est un récit 'Audacieux, ambitieux, stupéfiant, maîtrisé, complexe, sensuel, sexuel, inquiétant, entêtant, incertain dans ses attendus…'
Très riche, l'auteur sait ferrer son lecteur jusqu’à l’emprisonner. Restent quelques longueurs qui auraient permis au lecteur de s'échapper plus tôt et quitter ce roman avec plus de légèreté.
Roman sur les tréfonds de l'âme. Complexe et multigenre : policier, politique, social, pornographique. Belle découverte, un système 'Reinhardt' à creuser.
Felix, un adolescent de 14 ans, est envoyé en stage (de quoi ?....) chez le cantonnier. Il est hébergé dans sa maison de pierre où il cohabite avec Gil, la fille du 'canto', son aînée de 2 ans.
Impressions
Court roman comme la courte jupe que porte Gil, un premier roman de l'autrice.
Gros plans sur 2 jeunes adolescents
Premiers émois d'un jeune homme, séduit et troublé par cette jolie fille, vive, libre et insaisissable.
"Elle avait vraiment une faim de tous les diables. Il était troublé par ses cheveux lâchés, sa manière de se déchausser sous la table, de frotter ses orteils les uns contre les autres."
Marie Gauthier restitue avec une intensité magnétique l'atmosphère moite et oppressante du bourg en plein été.
La fin est énigmatique: Gil ne rentre pas. Dans l'indifférence de tous ceux qui la côtoient sans la connaître. Seul Félix pressent le drame...
Roman d'apprentissage mélancolique et au final très probablement dramatique
Trois hommes, Philippe Humm, Samuel Adrian et François Waquet, descendent la Seine dans un canoé biplace.
« La pratique du canotage présente un inconvénient majeur : il est nécessaire de ramer pour avancer. »
Inspiré d'une véritable péripétie pendant l'été 2018.
Impressions
Roman atypique, servi par un talentueux narrateur qui, coiffé de son bachi de matelot s'est autoproclamé de capitaine d’un frêle esquif nommé « Bateau » à bord duquel il s'embarque avec 2 autres compagnons.
Cette odyssée nous ballade au gré des sites pittoresques des bords de Seine, et en premier lieu des îles qui sont pour plus de la moitié sont inhabitées et offrent ainsi l'asile pour la nuit de nos 3 aventuriers.
Ainsi, ils sont hébergés par l'île de Corbière, une île qui constitue une réserve ornithologique uniquement traversé par le pont du Pecq (Yvelines).
Encore plus surprenant, à nouveau dans les Yvelines, le lecteur découvre que la ville de Conflans-Sainte-Honorine est rejointe par des centaines de réfugiés tibétains qui ont fui la Chine. En effet, un bateau-chapelle dénommé 'Je sers' est devenu leur point de repère où depuis un siècle, ses bénévoles servent des repas aux démunis.
L'île de Platais, encore dans les Yvelines, est sans aucun doute l'une des îles les plus étonnantes.
C'est ici qu'Emile Zola y construit un chalet de l'exposition universelle de 1878.
En septembre 1880, Emîle Zola a inauguré le chalet baptisé Le Paradou qui était un "kiosque norvégien acheté lors de la démolition de l'Exposition de 1878 et transporté à grands frais". Dans le Paradou se croisaient Joris-Karl Huysmans, Guy de Maupassant, Henry Céard, Léon Hennique et Paul Alexis. Le peintre Cézanne a également fréquenté l’île à cette époque.
Après la mort de Zola, son épouse Alexandrine vend, au printemps 1903, la propriété de l'île au libraire parisien Belin.
L'île de Platais est aussi le décor de l'histoire des frères Durville, deux médecins hygiénistes qui y avaient créé Physiopolis, une île pour hommes et femmes naturistes, où la tenue la plus habillée est un maillot de bain.
En 1927, les frères André et Gaston Durville avaient fondé la Société Naturiste dans le but d’établir une colonie naturiste en plein air. Leur intention était d’atteindre les couches moyennes de la société qui commençaient à avoir accès aux congés payés, au-delà des cercles privilégiés qui pratiquaient déjà le naturisme à la Belle Époque.
En 1029, 24 hectares de terrain ont été achetées, sur les 42 de l’île, pour fonder la colonie naturiste Physiopolis.
Huit hectares ont été découpés en parcelles pour l’installation de tentes fixes et de bungalows en fibrociment sur un plan organisé. Les 16 hectares restants étaient occupés par des stades et des terrains de jeux.
Le lieu est aménagé de ces petites habitations qui avaient été disposées autour de stades et organisées en copropriétés.
Cette île héberge aussi la plage de Villennes, un établissement balnéaire inauguré en juillet 1935. Il pouvait accueillir jusqu'à 9 000 personnes. Fermé en 2002 ce bâtiment est aujourd'hui à l'abandon, devenu un 'urbex' renommé.
Un site renseigne de manière très fournie l'histoire de cette île: http://histoire.villennes.free.fr/Pages/Extension26.htm
L'auteur peut aussi partir sur des considérations diverses, sur des faits divers, la politique ou la peinture par exemple.
Ainsi, près de Bouvines, le narrateur compare l'huile sur toile 'la Bataille de Bouvines' peinte par Horace Vernet et la version de Georges Mathieu.
Cette scène évoque la bataille de Bouvines, en 1214, où le roi Philippe Auguste devant son armée et remettant sa couronne en jeu avant la bataille, mais la couronne tomba à terre.
Version en 1827
En 1954
L'auteur cite un fait divers étonnant, concernant des silures, des poissons carnassiers, qui attaquent des pigeons venus boire au bord du Tarn près d'Albi. D'où la haine des silures par le narrateur...
Quand à la fin du périple, ils décident de hâler l'embarcation pour contrer le contre-courant de la marée, le narrateur évoque une peinture de Ilia Répine 'Les Bateliers de la Volga'...
Belle mise en 'Seine', drôle, auto-dérision, loufoque et décalé. Une lecture qui muscle les zygomatiques :)
Forough Farrokhzad est décédée le 13 février 1967 dans un accident de voiture.
Impressions
Ode
Forough Farrokhzad iranienne
Le 9 décembre 1890, Pierre Louÿs est reçu chez Jose-Maria de Heredia, 11 bis rue Balzac à Paris. L’auteur des Trophées, bientôt académicien (en 1894), tient un salon où se côtoient des noms illustres et de jeunes auteurs ; on y croise ses trois filles.
Pierre Louÿs tombe amoureux de Marie, fille de José-Maria de Hérédia, mais se fait doubler par son ami Henri de Régnier. Celui-ci rompt ainsi un pacte d’amitié (l’un ne devait pas demander la main de Marie sans prévenir l’autre).
Henri, déjà auteur de quelques ouvrages et futur académicien obtient presque en catimini sa main auprès de la mère Heredia, sans que Marie soit au courant du pacte passé entre les deux amis. La fortune de Régnier arrange grandement les affaires de la famille Heredia (la mère de Marie cherchaient probablement un moyen d’éponger les dettes de jeu du père Heredia).
Pierre entretient une liaison avec Marie à partir de 1897 (17 octobre 1897 : les « noces mystérieuses »). Ils vont vivre un grand amour, dans une ivresse charnelle. Les deux amants échangent des messages codés « HML » dans les petites annonces des Echos de Paris. Ils échangent des lettres, s’écrivent des poèmes, Pierre photographie Marie, y compris nue, moulera une coupe de son sein…
Le 8 septembre 1898 Marie donne naissance à un fils, qu’elle va appeler…Pierre ! Louÿs est officiellement le parrain de cet enfant surnommé Tigre dont il est le véritable père.
L'auteure décrit un milieu parisien de la fin des années 80 très libéré.
En particulier, en 1900 Paris est « la patrie du saphisme international ». Mathilde de Morny, Liane de Pougy, Colette pour les Françaises, Natalie Barney, Eva Balmer, Renée Vivien, Gertrude Stein, Romaine Brooks, Loïe Fuller, Sylvia Beach ou Winnaretta Singer pour les Américaines sont les plus éminentes représentantes de ce petit monde.
A partir de la fin des années 1880, Augustine Bulteau, surnommée « Toche », rassemble un cercle d'artistes et d'écrivains qu'elle réunit en son domaine à Léry en Bourgogne. Selon le roman c'est la confidente de Marie de Heredia. Augustine Mathilde Victoire Bulteau dite aussi Madame Bulteau (1860-1922) est une journaliste, romancière et salonnière française. Elle signa ses textes sous les pseudonymes de Fœmina, de Cleg ou de Jacque Vontade.
L'auteure cite aussi Georgie Raoul-Duval, la sulfureuse.
Jennie Urquhart est l’héritière d’une riche famille de négociants de la Louisiane. Née à Paris, elle épouse René Raoul-Duval et change de prénom pour devenir Georgie Raoul-Duval. Elle sera à la fois la maîtresse de Willy (Henry Gauthier-Villars) et l’amante de son épouse Colette.
Georgie Raoul-Duval a défrayé la chronique par ses liaisons multiples et scandaleuses.
En effet, cette écrivaine française d'origine américaine et d'expression anglaise, née le 3 juillet 1866 à Paris et morte le 3 novembre 1913 à Paris, est principalement connue pour la relation érotique qu'elle entretint avec Colette et son mari Willy.
La princesse Edmond est née Winaretta, dite Winnie, Singer, en 1865 dans l’Etat de New-York. Fille d’un richissime industriel, Isaac Singer, inventeur de la machine à coudre, et d’une Française, Isabelle Boyer, elle passe son enfance entre la France et l’Angleterre et elle aussi s’initie très tôt à la musique, jouant du piano et de l’orgue.
En 1893, elle accepte d’épouser Edmond de Polignac, que lui ont présenté Elisabeth Greffulhe et Robert de Montesquiou. Il a 58 ans, connaît une situation financière délicate et ne se cache pas d’être homosexuel. De son côté, Winnie est lesbienne, ce qui a, de toute évidence, contribué à l’échec de son premier mariage. Cette fois donc, personne n’est pris au dépourvu, et les deux époux, qui, à défaut d’amour, s’estiment, vivront dans un compagnonnage chaste mais amical et harmonieux, tout en poursuivant chacun de leur côté leur vie sentimentale.
Simon, psychanalyste, quitte sa ville au bord de l’océan pour le rivage des îles subtropicales de Yaeyama dans un Japon inconnu.
Hébergé chez Monsieur Daisuke et Madame Itô, il apprend à se retrouver après tant d'années à écouter les autres.
Impressions
Ode de l'apprentissage, à travers des rencontres d'ailleurs émaillées de nage, de silences.
Un roman distillé avec justesse que j'ai lu lentement, en savourant ce cheminement subtil qui panse les amours perdus et les amitiés blessées.
Et quel art peut être plus approprié que le Kintsugi, une technique artistique japonaise qui consiste à réparer des céramiques cassées avec de l’or. La beauté des pièces qui en résultent est un exercice d’inspiration. La psychologie s'inspire fréquemment du kintsugi, qui valorise la beauté de l’imperfection...
Il agit comme une métaphore de guérison en vous faisant comprendre qu’il est également possible de réparer ses blessures psychologiques.
Pour une séquence Histoire:
Le Kintsugi serait apparu à la fin du XVe siècle, au Japon.
Le shogun Ashikaga Yoshimasa aurait renvoyé en Chine un bol de thé endommagé pour le faire restaurer.
Shogun Ashikaga Yoshimasa
Le bol étant revenu réparé avec de vilaines agrafes métalliques, les artisans japonais ont cherché un moyen de rénovation plus esthétique et de fait, ont opté pour le Kintsugi (jointure en or), méthode toute en grâce, poésie et finesse consistant à combler les fêlures par de la laque saupoudrée d’or.
L’objet ainsi sublimé fut valorisé sans cacher ses accidents de parcours.
Une étrange série de cambriolages frappe un groupe d'amis de la bourgeoisie de Vigàta. Parmi les victimes, la bouleversante Angelica et son sourire.
Le commissaire Montalbano mène l'enquête.
Impressions
Ce n'est clairement par l'enquête policière qui happe le lecteur. L'intrigue est plutôt banale et ténue.
C'est le quotidien bon enfant de Montalbano et de ses collègues dans sa ville de Vigata en Sicile qui nous enveloppe dans une ambiance plaisante à retrouver. Passeggiata (promenade) digestive sur le port, bons petits plats en bord de mer...
Mais surtout cet épisode est dominé par cette réminiscence d'amour de jeunesse de Montalbano pour Angelica, un personnage du «Roland furieux » du poète L'Arioste. Le policier se laisse submerger jusqu'à se comporter comme un adolescent. Le démon de midi tente le commissaire de 58 ans ...
Pas incontournable mais savoureux pour sa langue et le pittoresque des personnages.
La dix-septième enquête du commissaire Montalbano , parue en 2010.
« Orlando Furioso », ou « Roland Furieux » est un poème épique de 46 chants, écrit par Ludovico Ariosto, appelé en français « l'Arioste », qui est né en 1474 à Reggio-Emilia, en Italie. Ce poème a inspiré plusieurs grands peintres et est aussi à l'origine de l'opéra « Orlando Furioso » de Vivaldi.
Angélique est une princesse d'Orient. Le chevalier Roland, qui en est follement amoureux, la cherche partout
Genre : biographie foisonnante d'une femme émancipée
Histoire
Voyage dans le Paris des années 1930 sur les traces de l'écrivaine américaine, précurseuse du polyamour et pionnière de la littérature érotique.
Impressions
La dessinatrice suisse, installée en Belgique, a mis huit ans pour construire cet ouvrage.
Ce qui est remarquable est que ce n'est pas une autobiographie détaillée, mais le récit de l'éclosion artistique de cette femme hors du commun, l'illustration de son combat pour trouver sa propre voie.
Un travail technique approfondi a été menée par Léonie. Elle explique:
"Techniquement, il y a quelques aquarelles dans cet album que j’ai scannées et retravaillées notamment pour des images en pleine page, mais la plupart du temps j’ai travaillé avec des crayons de couleur, un crayon violet et surtout un crayon à mine multicolore. J’affectionne cette technique parce que ce sont de tout petits éclats qui s’usent très vite et s’entremêlent sans que l’on puisse en avoir vraiment le contrôle. Ce côté aléatoire apporte la fantaisie et l’inattendu qui sied au personnage d’Anaïs, je tenais surtout à ne pas perdre l’émotion et la sensualité qui émane de son écriture."
Et en effet la narration visuelle est enchanteresse, l'esthétique est original.
Ce récit nous plonge dans les œuvres d'Anaïs Nin et plus particulièrement dans son journal intime et sa correspondance avec Henri Miller, son amant emblématique. En effet, au début des années 1930, Anaïs alors mariée avec Hugo passent quelques années à Louveciennes, près de Paris. C’est là qu’elle va rencontrer l’écrivain Henry Miller qui va rapidement devenir son amant. Elle va aussi aimer la femme de ce dernier, séduire son meilleur ami et même son psy.
Anaïs Nin et Henry Miller
L'auteure précise:
"Dans notre société qui confond, hélas, pornographie et érotisme, la sexualité telle que vécue par Nin est particulièrement bienvenue et rafraîchissante, il y est moins question de postures et de corps-à-corps que de conversations intimes et de dialogue entre partenaires."
Le résultat est délicieusement pudique malgré le sujet traité.
C'est une histoire vraie qu'a dessinée Fabien Toulmé en se rendant au domicile de Hakim pour recueillir son témoignage. Hakim est Syrien. Il a été contraint de quitter son pays en guerre, et est aujourd'hui réfugié en France. Trois ans de voyage, huit frontières franchies. Le récit est bouleversant.
Impressions
Trois tomes pour conter un voyage laborieux et douloureux.
Un graphisme épuré, presque enfantin, pour décrire parfois des scènes de violences extrêmes et la tristesse.
Un témoignage important sur un destin réel de réfugié, loin du cliché des profiteurs des richesses et largesses sociales dénoncées par les mouvements extrêmes.
Hakim, aîné d’une famille de 9 enfants, a toujours été passionné par les plantes. Il possédait une pépinière, un joli business florissant qui lui permettait d’avoir un bel appartement et une vie aisée.
" depuis qu'on est petits, on nous présente Hafez El-Assad comme un modèle, à la fois protecteur et menaçant. Sur la couverture de mes cahiers d'écolier, je n'avais pas de Pokémon ou de joueurs de foot, j'avais sa photo !
Et même les membres de sa famille sont présentés sous ce jour presque surnaturel : le fils aîné de Hafez El-Assad, Bassel, qui devait succéder à son père à la présidence de la République, est mort en 1994 dans un accident de voiture. Il aimait la drogue, les filles…
Et aujourd'hui, il apparaît toujours sur les portraits officiels à côté de son père et de son frère Bachar.
Plein de rues portent son nom, les médias l'ont surnommé 'le pionnier', l'ingénieur', 'le chevalier en or', 'Bassel le martyr'... Alors qu'il s'est juste tué en voiture parce qu'il allait trop vite !"
Parce que la guerre éclatait, parce qu’on l’a torturé, parce que l'armée syrienne a réquisitionné son entreprise de pépiniériste, parce que son appartement a été détruit, Hakim a du se résigner à tout quitter : sa famille, ses amis, sa propre entreprise, son pays… devenant ainsi « réfugié ».
Dans ce périple déclenché par les révolutions de 2011 en Syrie, il va tenter de s'installer et travailler en Jordanie, en Turquie, jusqu'à devoir traverser l'Europe jusqu’à la France en traversant successivement la Grèce, la Serbie et la Hongrie…..
Humain et touchant.
2021 : Prix France Info de la Bande dessinée d’actualité et de reportage