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Liste par auteurs & titres dans Kronik list

lundi 23 septembre 2024

579: 'Kérosène' de Adeline Dieudonné

Genre : trash "sort cuts"

Histoire
Une station-service, une nuit d'été, dans les Ardennes.
Sous la lumière crue des néons, ils sont douze à se trouver là, en compagnie d'un cheval et d 'un macchabée. Juliette, la caissière, et son collègue Sébastien, marié à Mauricio. Alika, la nounou philippine, Chelly, prof de pole dance, Joseph, représentant en acariens... Il est 23h12. Dans une minute tout va basculer. Chacun d'eux va devenir le héros d'une histoire, entre elles vont se tisser parfois des liens.

Impressions
On lui donnerait le bon dieu sans confession à découvrir le minois de cette auteure belge.
Et pourtant, ce n'est pas une romance à l'eau de rose, c'est trash et noir.

Des coupures de vie, 'short cuts' - raccourcis de vie, 14 au total, avec pour seul point commun de se croiser dans une station d'essence d'une autoroute des Ardennes.
Faible point commun narratif (si on fait abstraction du cheval Red Apple et de Monica)...

Finalement, le dénominateur commun de ce kaléidoscope de tranches de vie, c'est la violence, l'absurde et la férocité des portraits.
La pole-danseuse qui fait un pétage de câble sanglant, le gigolo Puputte piégé par celle qui le nourrit, une rébellion contre l'hyper-hygénisme des organes sexuels par un famille de gynéco-obstétriciens, sur un parking d'autoroute un couple en plein ébat rythmé par une vieille en chaise roulante qui mange ses cerises, etc...
C'est donc très noir et caustique, servi par une écriture spontanée.

Et finalement je n'en ai retiré ni du plaisir de l'écriture, ni sourires ou rires, sans émotions. J'ai enchaîné les portraits en tentant d'imaginer le thème suivant qui pouvait être abordé avec du sexe, ou du sang, de la bêtise humaine, ou de la violence... 
Et pourtant j'ai aimé Virginer Despentes, ou d'autres écrivain.es qui peuvent décrire des scènes trash, mais là c'est le flop.
Il faut dire que certains passages ne volent pas haut, ainsi quand l'autrice compare Central Park à "une techat bien taillée"…
 

Tranches de vie 'ordinaires' sans réel lien et trash. A la limite du mauvais goût, franchie pour de nombreux lecteurs et lectrices... Non.

mercredi 11 septembre 2024

578: 'La carte postale' d'Anne BEREST

Genre : très beau travail de mémoire

Histoire
Une carte postale est arrivée dans la boîte aux lettres au milieu des traditionnelles cartes de vœux. Non signée, elle représente l’opéra Garnier d’un côté, et de l’autre, les prénoms des grands-parents de la mère, de la tante et de l'oncle de l'écrivaine. Ephraïm, Emma, Noémie et Jacques. Tous sont morts à Auschwitz en 1942. 
En 2003, avec la collaboration de sa mère Lélia Picabia, l'écrivaine se lance dans une enquête pour retracer le destin de sa famille juive d'origine russe.

Impressions
Roman essentiel pour son témoignage sans concession de l'Histoire sombre.
L'enquête exhume un siècle d'histoire familiale, depuis la fuite de Russie des Rabinovitch, en passant par la Lettonie et par la Palestine, jusqu'à leur installation à Paris et l'horreur qui les y attendait pendant la seconde guerre mondiale.

"Dans les camps, tout ce qui peut être rentabilisé est récupéré et recyclé. Les corps sont eux-mêmes exploités. Les cendres humaines, riches en phosphates, sont déversées comme engrais sur les sols des marais asséchés. Les dents en or fournissent chaque jour, après la fonte, plusieurs kilos d’or pur. Une fonderie est installée près du camp, d’où les lingots sortent pour rejoindre les coffres-forts secrets de la SS à Berlin."


 La grand-mère de l'auteur, Myriam, fut la seule à échapper au funeste destin de la famille entière. Elle a laissé à sa fille et à ses deux petites-filles le terrible poids d'un silence étourdissant…


Comment gérer le traumatisme des camps de la mort quand on est rescapée ?

"Alors voilà, cela m’arrangerait de ne pas penser à Auschwitz, tous les jours. Cela m’arrangerait que les choses soient autrement. Cela m’arrangerait de ne pas avoir peur de l’administration, peur du gaz, peur de perdre mes papiers, peur des endroits clos, peur de la morsure des chiens, peur de passer des frontières, peur de prendre des avions, peur des foules et de l’exaltation, de la virilité, peur des hommes quand ils sont en bande, peur qu’on me prenne mes enfants, peur des gens qui obéissent, peur de l’uniforme, peur d’arriver en retard, peur de me faire attraper par la police, peur quand je dois refaire mes papiers… peur de dire que je suis juive. Et cela, tout le temps. Pas « quand ça m’arrange »."


Comment gérer son identité alors que désormais la famille de l'écrivaine est laïque et a presque oublié sa judaïté pour se sentir seulement française, mais que le monde extérieur vous ramène à à cette position de descendant de victimes de la Shoah ?

'Ma grand-mère, seule survivante après la guerre, n’est plus jamais entrée dans une synagogue. Dieu était mort dans les camps de la mort.'



Cette enquête m'a également permis d'apprendre certains événements de cette période noire.

Adélaïde Hautval, surnommée Haïdi, née Marthe Adélaïde Haas le 1er janvier 1906 au Hohwald (Bas-Rhin) et morte le 12 octobre 1988 à Groslay (Val-d'Oise),
Médecin psychiatre, elle est arrêtée en 1942 lors du passage de la ligne de démarcation. Indignée par les traitements réservés aux juifs, elle prend la défense d'une famille juive, ce qui la conduit à partager leur sort funeste. Déportée à Auschwitz en janvier 1943, elle prodigue ses soins aux autres détenus et refuse de participer aux expériences des médecins criminels nazis dans le block 10. 
Son parcours de vie l'a amené à croiser dans le camp de Auschwitz Noémie, la sœur de Myriam, la grand-mère de la narratrice.
Échappant de peu à la mort, elle est transférée à Ravensbrück en août 1944 et y demeure quelque temps après la libération du camp pour aider les malades qui ne peuvent être transportés. Dès 1946, elle écrit son témoignage sur les camps et les expériences médicales nazies.
Elle est la première femme alsacienne reconnue "Juste parmi les nations" par Yad Vashem en 1965. Sa vie et son engagement comme protestante, amie des juifs, médecin et résistante sont d’une remarquable exemplarité. 

Autre découverte, la liste Otto, publiée le  qui recense les ouvrages retirés de la vente par les éditeurs ou interdits par les autorités allemandes.
La première liste Otto comporte 1 060 titres, parmi lesquels Mein Kampf, ainsi que des textes d'auteurs juifs, communistes ou opposants au nazisme, dont Thomas Mann, Stefan Zweig, Max Jacob, Joseph Kessel, Sigmund Freud, Léon Blum, Karl Marx, Léon Trotski et Louis Aragon ou Daniel Guérin.


 
Une surprenante affiche pour une exposition au cœur de Paris. Du 5 septembre 1941 au 5 janvier 1942, l'exposition intitulée « Le Juif et la France » se tient au palais Berlitz, situé dans le deuxième arrondissement de Paris, près de l'Opéra.

Enfin, une autre découverte, cette fois-ci relative à un événement plus récent avec une déclaration bien inquiétante de Raymond Barre en 1980.
Ce dernier, le 3 octobre 1980, à la suite de l'attentat de la rue Copernic, a déclaré : « Cet attentat odieux qui voulait frapper les Israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic. ».
Voilà une phrase fortement polémique, même si l'intéressé, prenant la parole le 8 octobre 1980 à la tribune de l'Assemblée nationale, a tenu à assurer ses « compatriotes juifs » de la « sympathie de l'ensemble de la nation ». 


Roman poignant et pudique, qui pose des questions. Une lecture qui m'a profondément touché. A lire absolument.

dimanche 1 septembre 2024

577: 'La Malédiction d'Edgar' de Marc Dugain

Genre : l'histoire d'un personnage détestable et indéboulonnable

Histoire
Par la voix de Clyde Tolson, le principal adjoint et très probablement amant de John Edgar Hoover, , Marc Dugain revient sur le rôle de celui qui a dirigé le FBI sous huit présidences américaines, avec leur lot de malversations et compromissions.
Hoover et Clyde Tolson vers 1939.



Impressions
Edgar: antisémite, anticommuniste, antilibéral, très antipathique, voilà un personnage que je ne regrette pas de ne pas connaître !
A noter, pas anti-homosexuel, étant lui-même très probablement en couple avec Clyde Tolson, son second et sans doute amant. Mais cela n'a pas empêché de monter des dossiers diffamants sur des homosexuels et de les avoir utilisés comme arme de pression pour faire céder ses rivaux.

Hoover et Clyde Tolson


Marc Dugain retrace 50 ans d'activités retors de ce directeur du FBI, carrière débutée sous Roosevelt et terminée sous Nixon.
Amateurs d'écoutes téléphoniques sans limites, promoteurs de la chasse aux sorcières communistes, en pleine collusion avec la mafia, pour Edgar et Clyde toutes leurs compromissions, entêtements ou cruautés sont justifiés par l'intérêt du pays, selon leurs propres interprétations bien sûr.

J'ai beaucoup appris sur la succession des présidents des Etats-Unis. 

Ainsi, sous le couvert de développer une police fédérale, Edgar Hoover a mis en place une police politique qui travaillait au développement des idées d’extrême-droite. Un seul exemple suffit. Quand les frères Kennedy sont arrivés au pouvoir en 1960, Hoover qui les détestait, leur disait que le point le plus important était la lutte contre le communisme. Or évidemment à cette époque le Parti communiste américain qui n’a jamais été très important avait vu ses effectifs fondre. Ses membres étaient évalués à 8000, autant dire un groupuscule, et Robert Kennedy disait que la moitié au moins de ses membres étaient des agents du FBI. Il exagérait à peine. En tous les cas, à cette époque, à New York, le FBI comptait 400 agents attachés à  la lutte contre le communisme, et seulement 4 agents attachés à la lutte contre le crime organisé, la mafia. Hoover prétendait que celle-ci n’existait pas.

J. Edgar Hoover en 1961 en présence du président John Kennedy et de son frère Robert Kennedy, secrétaire à la Justice.

Joseph McCarthy et Roy Cohn, les créatures d’Hoover 

Autre passage intéressant, c'est celui relatif à la chasse aux sorcières où l’on voit Joseph McCarthy en créature de Hoover qui était un des instigateurs les plus importants de cette ignominie

Marc Dugain est un narrateur talentueux, et c'est toujours un plaisir renouvelé de lire un de ses romans. 
Comme pour d'autres de ses ouvrages, Marc Dugain s'appuie sur de la documentation d'époque et sur une solide bibliographie. Tout en gardant à l'esprit que certaines révélations dans le roman restent de l'ordre de l'hypothèse -il en est ainsi des deux thèses très claires sur l'assassinat de Kennedy et sur la mort de Marilyn- et le point de vue narratif choisi par l'auteur ne révèle que subjectivement et partiellement la personnalité de Hoover.

Roman captivant qui n'est pas une malédiction pour les lectrices et lecteurs. Foncez !

576: 'Le système Victoria' d'Eric Reinhardt

Genre : bulle érogène et sombre

Histoire
La vie de David Kolski bascule le jour où il aborde Victoria dans une galerie marchande. Onze mois jour pour jour après leur rencontre, la jeune femme trouve la mort.

"Ses yeux verts où crépitaient des lueurs d'intelligence, l'attraction qu'exerçait sa poitrine, le plaisir que me procuraient ses cheveux bruns aux reflets roux rendaient piquantes l'autorité de ses convictions politiques (que je trouvais détestables) ou l'arrogance que sur certaines questions son poste de DRH lui conférait."

Impressions
C'est l'histoire d'une passion amoureuse sauvage et destructrice.. Avec David, Victoria s'enfonce par amour et pour le plaisir, dans des jeux érotiques qui vont aller de plus en plus loin. 
Le début de cette relation est particulièrement peu enthousiasmant, avec un centre commercial comme lieu de rencontre.
Deux personnes qui s'attirent physiquement alors que leurs milieux s'opposent.
   - Victoria est une femme de pouvoir aux visages multiples, implacable, libre, insatiable et généreuse, ambassadrice flamboyante d'un système capitaliste dont elle jouit sans limite. Elle a plusieurs vies.
   - David, architecte contrarié, idéaliste pusillanime et résigné, est entravé par sa prudence, consumé par ses principes et touchant dans les contradictions de ses rêves avortés.

Comme qualifié dans une critique du Monde, c'est un récit 'Audacieux, ambitieux, stupéfiant, maîtrisé, complexe, sensuel, sexuel, inquiétant, entêtant, incertain dans ses attendus…'
Très riche, l'auteur sait ferrer son lecteur jusqu’à l’emprisonner. Restent quelques longueurs qui auraient permis au lecteur de s'échapper plus tôt et quitter ce roman avec plus de légèreté.


Roman sur les tréfonds de l'âme. Complexe et multigenre :  policier, politique, social, pornographique.  Belle découverte, un système 'Reinhardt' à creuser.

Les livres qui m'ont marqué... (pas tous chroniqués)

  • 'Beloved' & 'Jazz' de Toni Morrison
  • 'Charlotte' de David Foenkinos
  • 'Crime et châtiment' de Dostoievski
  • 'Kite runner' de Khaled Hosseini
  • 'La joueuse de go" de Shan Sa
  • 'Le quatrième mur' 'Profession du père' de Sorj Chalandon
  • 'Les enfants de Minuit' de Salman Rushdie
  • 'Sombre dimanche' & "L'art de perdre" d'Alice Zeniter
  • 'Sous le soleil des Scorta' et 'Eldorado' de Laurent Gaudé
  • "1984" de George Orwell
  • "Au Zénith" de Dong Thuong Huong
  • "Candide" de Voltaire
  • "En attendant Godot" de Samuel Beckett
  • "Fanrenheit 451" de Bradbury
  • "L'écume des jours" de Boris Vian
  • "L'insoutenable légéreté de l'être", de Milan Kundera
  • "L'œuvre au noir" de Marguerite Yourcenar
  • "L'ombre du vent" de Carlos Ruis Zafon
  • "La métamorphose" de Kafka
  • "La vie devant soi" de Romain Gary
  • "Le Hussard sur le toit" et "Les âmes fortes" de Jean Giono
  • "Le parfum" de Patrick Suskind
  • "Le Portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde
  • "Le rouge et le noir" de Stendhal
  • "Les Cavaliers" de Joseph Kessel
  • "Les Déferlantes" de Claudie Gallay
  • "Les Raisins de la Colère" de John Steinbeck
  • "Malevil" de Robert Merle
  • "Mr Vertigo" de Paul Auster
  • "Sur la route" de Jack Kerouac
  • à suivre
  • L'univers de Haruki Murakami
  • Les contes d'Alessandra Barrico
  • Les polars de Fréd Vargas
  • Les romans de Sepulveda
  • Les romans de Yasunari Kawabata

Grand Canyon

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