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lundi 22 mars 2021

442: 'La septième fonction du langage' de Laurent Binet

Genre : farce burlesque polaro-politico-intellectuelle

Histoire

Le point de départ est la mort du philosophe Roland Barthes, renversé par une camionnette de blanchisserie le 25 février 1980. L'hypothèse de Laurent Binet, l'auteur, est qu'il s'agit d'un assassinat...
Le commissaire Bayard est chargé d'enquêter sur cette hypothèse. Il s'adjoint d'un second en la personne d'un jeune professeur en sémiologie, Simon Herzog, pour l'aider à traduire les propos de ces intellectuels que le commissaire ne comprend pas.

"- Je vous réquisitionne. Vous m'avez l'air un peu mois abruti que les chevelus habituels et j'ai besoin d'un traducteur pour toutes ces conneries."

Et ce duo remonte 'méthodiquement' le fil des dernières rencontres du philosophe avant son accident.



Impressions

Conspiration fictive autour d'une arme du langage issue de la sémiologie, la science des signes.

Roman loufoque, où l'auteur prend prétexte de cette hypothèse d'assassinat pour imaginer des scènes incongrues et parfois même diffamatoires, avec des personnages célèbres, certaines décédées et d'autres encore parmi nous.


Dans la première partie du roman qui prend place en France, les deux enquêteurs croisent le milieu intellectuel des années 80. Ce milieu des philosophes post-modernistes constitue le cadre autour duquel le récit tourne. L'auteur ne se prive pas de s'en moquer, voire de les ridiculiser.

Jacques Derrida, Roland Barthes, Jacques Lacan
Michel Foucault, Gilles Deleuze, jean-François Lyotard

Dans le café de Flore, Françoise Sagan lit à Jean-Paul Sartre les définitions d'une grille de mots croisés du journal 'Le Monde'. Une rencontre qui s'est réellement passée ?
François Sagan sur la terrasse du Flore


Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir au café Flore

Jean-Edern Hallier fait irruption dans le café Flore, agité et exubérant, faisant du ramdam. Episode furtif du roman, mais la folie agitée est bien annoncée.
Jean-Edern Hallier, fou Hallier ?
(En cherchant qui était cet écrivain.
Ce grand esprit diplômé d’Oxford et terriblement ambitieux a échoué à imposer définitivement une œuvre. Ni Les Aventures d’une jeune fille, qu’Hallier destinait au Médicis, ni Le Grand Ecrivain ou La Cause des peuples, qu’il aurait bien vus remporter le Goncourt, n’ont reçu ces prestigieuses récompenses. De là va naître une certaine rancœur à l’égard des nobliaux de l’aristocratie littéraire, qui prendra la forme de nombreuses piques cinglantes tout au long de sa carrière.)
L'hypothèse connue de son assassinat aurait pu être à l'origine d'un roman comme celui blogué dans cet article !

Michel Foucault, philosophe français (1926-1984)
Le philosophe Michel Foucault joue un rôle majeur dans le récit. Avec des scènes qui ne sont pas nécessairement flatteuses. Ainsi par exemple, alors que le commissaire l'interroge dans un sauna -les Bains Diderot- le philosophe reçoit une fellation par un de ses gigolos...
"Foucault, caressant la tête du jeune homme qui s'affaire entre ses jambes: "Roland avait un secret, vous savez..."


BHL n'est pas non plus épargné par l'écrivain. Par exemple, il se fait caresser l'entrejambe par le pied de la maîtresse de Lacan sous la table de la maîtresse de maison Julia Kristeva. Ou se fait jeter par un groupe d'intellectuels qui prévoit que BHL reviendra par une autre porte...

Autres 'cibles' de raillerie, l'écrivain Philippe Sollers et sa femme Julia Kristeva, qui sont également des personnages clés du roman.
    L'écrivain dans le rôle du mégalo narcissique qui s'écoute parler.
    Julia dans un costume d'espionne bulgare sans état d'âme.
Le burlesque et le ridicule ne leur sont pas épargnés, comme quand le couple et BHL débarquent à l'hôpital où Roland Barthes est alité. 
Barouf  théâtral !
"C'est un mouroir ! C'est un scandale ! De quoi se moque-t-on ?"
Philippe Sollers (écrivain français) et sa femmes Julia Kristeva ( philologue, psychanalyste et femme de lettres française d'origine bulgare)

Jaques Derrida joue aussi un rôle important dans l'enquête, finissant 'déconstruit' tel sa doctrine philosophique... 


Dans un épisode assez court, le philosophe Deleuze reçoit chez lui le duo Bayard-Herzog tandis que la télévision retransmet un match où s'affrontent Connors et Borg à Roland Garros.
"- Houla ! La vérité... Où c'est qu'elle commence, où c'est qu'elle finit.. On est toujours au milieu de quelque chose, vous savez."
Gilles Deleuze, philosophe français (1925 -1995)

Le philosophe Louis Althusser intervient aussi dans ce feuilleton rocambolesque.
Ce fut un des meneurs de la Révolution de mai 1968. Althusser enseigna à l’Ecole normale (ENS rue d’Ulm) depuis 1948, et dans ses premières années eut pour élève Michel Foucault, au coeur du roman de Laurent Binet; plus tard, ce seront Alain Badiou, Jacques Rancière ou Bernard-Henri Lévy.

Et comme raconté dans le roman, le 16 novembre 1980, il étrangle réellement Hélène Rytmann, dans ce qui a été considéré comme un accès de démence, lui évitant un procès

Louis Althusser et sa femme Hélène

Ce roman est aussi le prétexte à citer les intellectuels suivants qualifiés d''ennemis' de Barthes.
Alain Badiou

  Pierre Bourdieu

Pierre Vidal-Naquet

Cornelius Castoriadis

En interaction avec ces penseurs, les hommes politiques clés de 1980 interviennent aussi, plus qu'on ne le pense (mais je ne souhaite pas 'spoiler' l'intrigue...).

Le duo est reçu par Valérie Giscard d'Estaing où trône derrière son bureau massif une peinture de Delacroix,  "La Grèce sur les ruines de Missolonghi".
"Peut-être ,n'ai-je pas le sens du tragique de l'histoire, mais du moins je ressens l'émotion de la beauté tragique devant cette jeune femme, blessée au côté, qui porte l'espoir de la libération de son peuple !."

L'auteur décrit des réunions stratégiques de la garde rapprochée de Mitterand, Lang, Moati, Fabius, Attali, Debray, Badinter; ils cogitent en perspective des élections présidentielles. Avec en écho, l'évocation de l''incroyable coup de gueule de Balavoine face à Mitterand sur un plateau télévision le 19 mars 1980.

" [...] il est 13h30 et Mitterand a mille ans."


J'arrête de lister les protagonistes de cette histoire, reconnaissant que cette effervescence a contribué à rendre très vivant ce roman, mais aussi a établi une ambiance cacophonique.

Je terminerai par noter que ce roman est divisé en 5 chapitres, chacun défini par un lieu différent. Paris, Bologne, Ithaca (université de Cornell), Venise et enfin Paris.
Toujours plaisant de voyager, et ainsi... 
- d'assister à une fête dans la Ca' Rezzonico (« Maison Rezzonico ») de Venise, 
- de s'amuser d'une anecdote citée par Sollers autour de la statue de Campo Santo Stefano ou Morosini à Venise que les Vénitiens surnomment il Cagalibri (le chieur de livres),
- de découvrir 'la tempête'  de Giorgione datée entre 1506 et 1508, oeuvre reconnue comme étant le premier tableau de paysage,
- ou enfin d'apprendre que le cerveau d'Edward H. Rulloff, un célèbre tueur en série américain, est conservé dans du formol à l'université de Cornell...

Il Cagalibri à Venise

'La Tempête' de Giorgione, conservée aux Gallerie dell'Accademia de Venise


Cerveau d'Edward H. Rulloff, un célèbre tueur en série conservé à l'université de Cornell

Bref, vous l'aurez compris, ce roman est un gros foutoir.
L'écriture est fluide, et heureusement. Car en refermant ce livre, je me dis que c'était drôle et relevé mais que la farce aurait pu être plus courte. Par exemple les duels de langage du Club privé se multiplient, les rebondissements impossibles à la James Bond finissent par lasser.
En fait c'est un goût de trop qui subsiste sur la langue, de saturation en discours d'érudition philosophique, en joutes verbales, un sentiment d'excès de multiplication de personnages secondaires,  d'attentats et de tentatives d'assassinats loupés pour nos 2 guignols, de décès successifs dans l'entourage, de doigts coupés...
Toute cette aventure pour au final peu de chose. Et comme dit par Simon, 'Quel gâchis.
- Barthes, Hamed, son copain Saïd, le Bulgare du Pont-Neuf, le Bulgare de la DS, Derrida, Searle... Ils sont morts pour rien. Ils sont morts pour que Sollers puisse se faire couper les couilles à Venise parce qu'il n'avait pas le bon document. Depuis le début nous avons poursuivi une chimère.'

Roman policier sur fond politique et philosophique complètement barré. Un moment de lecture assez jubilatoire mais hélas trop de longueurs qui m'ont amené à saturation.

Une excellente analyse du roman: 

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  • 'Le quatrième mur' 'Profession du père' de Sorj Chalandon
  • 'Les enfants de Minuit' de Salman Rushdie
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  • "L'œuvre au noir" de Marguerite Yourcenar
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