Genre : névrosé
Histoire
Une femme de 40 ans, est mariée, a deux enfants et mène en apparence une vie parfaite. Son problème est qu'elle est obsédée par l'amour qu'elle voue à son mari.
Impressions
Voilà qui tranche avec la lecture précédente.
Plus de 270 pages à la police de caractère normale, ce n'est pas un produit de fonds de commerce d'un auteur reconnu, mais un premier roman de Maud Ventura.
En référence aux annonces de la presse, l'autrice aborde la thématique de la dépendance affective, de l'amour, de la passion et du fait de vivre pour quelqu'un d'autre.
Voilà de quoi sortir un récit potentiellement très intéressant.
A l'évocation de ce thème, j'imaginais une version propre à cette auteur du thème de l'amour qui s'étiole avec le temps et de comment le poursuivre, l'attiser car la personne souhaite pérenniser cette flamme.
J'avais en tête l'excellent roman d'Alexandre Jardin 'Le Zèbre''. Pour rappel, dans 'Le Zèbre', Gaspard Sauvage décide de ressusciter l'ardeur des premiers temps de leur liaison au moyen de procédés cocasses et de stratagèmes rocambolesques.
Et les critiques sont très enthousiastes. Finaliste du prix Médias, lauréat du prix du Premier Roman, 'Mon Mari' a été encensé par la presse. Ainsi le magazine 'Elle' : "La solaire autrice de « Mon mari » n’a pas seulement signé un best-seller international. Elle prouve aussi qu’on peut parler de sa propre réussite avec charme, humour et naturel."
Et là, patatras, mon avis est largement plus mitigée, et penche plutôt vers un sentiment de déception.
Je m'attendais à ce que l'héroïne agisse pour animer la flamme même après des années de mariage. Mais y-a-t-il eu vraiment une flemme ? C'est au contraire une relation glaçante qui est peinte. A l'image de l'écriture, clinique.
Qu'appelle 'aimer' l'héroïne ?
Par exemple vis à vis de ses enfants.
'J’aime nos enfants, c’est une évidence. Je les aime, mais il est également très clair que j’aurais préféré ne pas les avoir. Je les aime, mais j’aurais préféré vivre seule avec mon mari. Aujourd’hui, je crois pouvoir dire avec certitude que je survivrais à la mort de l’un de nos enfants mais pas à celle de mon mari.'
Waouh, pas trop la confession d'amour à adresser à ses enfants !
Avec son mari, ce ne sont que des micro-événements d'un quotidien à mourir d'ennui qu'elle considère comme des preuves de '''amour'''
Par exemple, un montant de ticket de caisse...
"Je sais que c’est idiot, mais plus mon mari fait des courses importantes, plus j’ai l’impression qu’il m’aime. C’est comme s’il investissait dans notre couple. Comme le primeur qui pèse les petits sachets en papier, je peux quantifier son amour chaque dimanche à son retour du marché grâce au montant du ticket de caisse abandonné au fond du cabas."
Et elle aime tellement son mari qu'elle hésite à le défénestrer parce que 'son mari' demande à dormir dans le noir avec les volets fermés...
"Est-ce que mon mari mérite de vivre ? Je n'ai aucun mal à l'imaginer inconscient sur le sol, le crâne fracassé, le sang inondant son cerveau. J'ai encore moins de mal à m'imaginer en veuve inconsolable (le noir va bien aux blondes) – cette femme qui avait tout pour être heureuse, et dont un stupide accident a changé le cours de l'existence. J'hésite, renonce et recule. C'est sûrement une vengeance disproportionnée pour le punir de m'imposer de dormir les volets fermés."
De quoi avoir peur, surtout en regard de son sentiment de possession complet qu'elle exprime sans demi-mesure...
"Mon mari n'a plus de prénom, il est "mon mari", il m'appartient."
Et que penser de ses réflexions amères sur ses choix comme:
"Aujourd'hui, je ne dirais pas que je regrette ce choix, mais je me rends compte que le prix à payer était très lourd, bien plus lourd que ce que j'avais anticipé. Si j'avais choisi d'être aimée plutôt que d'aimer j'aurais sans doute été une meilleure mère, j'aurais aussi eu la disponibilité d'esprit nécessaire pour former de belles amitiés et avoir de vraies ambitions de carrière."
De nombreuses chroniques parlent d'un livre irrésistible - dérangeant, tendu, drôle et grinçant.
"Dérangeant", sans doute en effet, en dénonçant les comportements caricaturaux des couples de notre société occidentale dite moderne. Y compris les comportements machos que 'son mari' ne manque pas de présenter comme :
"Il change de chaîne, puis éteint. Cet unilatéralisme de la télécommande me questionne : mon mari serait-il autoritaire ? Il ne me demande pas si je veux regarder le film jusqu'à la fin. il ne dit pas, comme les autres maris le font certainement : "On éteint ?" Il ne prononce jamais ces phrases de transition qui permettent de conclure et de passer à autre chose."
'Tendu', oui, surtout le lecteur qui s'essouffle à la longue, constatant de plus en plus l'état mental retors et presque dérangé de l'héroïne. Celle-ci enregistre son mari avec son téléphone portable, pleure parce qu'il l'a comparée à une clémentine, note dans des carnets de couleur les punitions à lui infliger, .
Mais drôle et irrésistible, certainement pas, d'autant plus que je n'y ai trouvé aucune charme ni humour. Ni amour d'ailleurs et c'est là le plus gros écueil de cette histoire.
L'épilogue apporte un peu d'air et aurait mérité plus de pages...
Une discussion en donne un avant goût, mais chut, je ne vais spoiler :)
"J’ai commis une fois l’erreur de demander à mon mari les trois mots qui me caractérisaient. Il a répondu sans trop d’hésitations : très belle, froide, amoureuse, observatrice.
– Ça fait quatre ! ai-je protesté, ce n’est pas du jeu ! J’ai réagi sur le chiffre pour ne pas laisser percevoir mon trouble sur le fond. Amoureuse de toi ? Bien sûr que je le suis ! Nous sommes mariés je te rappelle, ai-je repris, l’air faussement détaché.
– Non, pas amoureuse de moi, mais amoureuse. Une amoureuse de l’amour, a corrigé mon mari.
– Je ne suis pas une amoureuse de l’amour ! Ça impliquerait que j’aime l’idée d’être amoureuse plus que je ne t’aime toi, ce qui n’est pas vrai.
Je me suis défendue bec et ongles, j’ai argumenté avec efficacité, ce qui n’a pas manqué de le faire sourire :
– Tu es trop piquée au vif pour qu’il n’y ait pas un fond de vérité, tu ne crois pas ?
J’ai détesté ce jeu."
Avis mitigé, mais globalement très décevant.