New !!

Liste par auteurs & titres dans Kronik list

vendredi 22 janvier 2021

435: ' A la ligne' de Joseph Ponthus

Genre :  autobiographie d'un ouvrier cuiseur de bulots et égoutteur de tofu

Histoire

    Joseph Ponthus raconte son expérience d'ouvrier intérimaire qui a bossé dans les usines de l'agro-alimentaire, conserveries de poissons et abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. 


Impressions

Un roman témoignage très fort, tant sur le thème de l'usine et des sans dent, l'écriture et la culture élevée de l'auteur, 

Le monde ouvrier de notre siècle, pas mieux que Zola.
Ces vies minuscules,  de ces hommes et ces femmes qui se lèvent très tôt, pour lesquels travailler n’est pas un choix mais une nécessité : celle de toucher un chèque à la fin du mois.

Un poème en vers libres, sans ponctuation.
Sur les bulots, les crevettes, les carcasses de viande, qu'on transporte, pousse, coupe, débite, nettoie, par kilos, par tonnes....
Une vision sans concession du monde des ouvriers,  sont des pensées jetées sur le papier, un  Parce qu’après tout, l’usine c’est pas le bagne quand on a l’essentiel.

Ce qui fait tenir de tenir, c’est la littérature : Trenet ou Apollinaire, les chansons populaires, de Barbara et de tant d’autres, les citations ou les livres lus.
Et les autres ouvriers, la solidarité qui souvent leur ramène l'humanité que les cadences infernales, en tonnes et l’être humain n’est qu’une paire de bras, une force de travail que l’usine s’offre.

"J'ai la dimanchite
Ce putain de blues du dimanche soir avant la reprise du turbin"

"Un lundi qui commence comme une merde
Un lundi qui commence comme un semaine
Un lundi de merde qui commence la semaine"

"A l'abattoir
Aux mauvais jours
On disparait sous la production d'animaux morts
Un amas d'os d'abats
La chair
Du sang"

"C'est qu'ils nous font bien rire des fois à l'usine
[...]
Et
Surtout
Celle qui nous a fait rire un bon mois
[...]
Une opératrice de production piéceuse aux abats
rouges disant " Moins je porte mieux je me porte"
Je me souviens que le matin où l'affiche avait été mise
On se marrait
On se marrait
On se marrait
[...]
" Moins je porte mieux je me porte"
Bah oui tiens
C'est une bonne idée ça
Qu'on aimerait t'y voir mec de la com'
Passer une journée avec nous
Et si tu pouvais aussi nous filer des tuyaux pour porter pousser tracter tirer moins
Qu'on est plus preneurs que de tes affiches à la con"

"Les chefs
Comme à tous les audits
On ne les voit jamais autant
Et surtout jamais autant vraiment bosser
Que ces jours-là"

"Tout va bien
J'ai du travail
Je travaille dur
mais ce n'est rien
Nous sommes debout
Ton fils qui t'aime"

'Je dois à l'usine le fait de ne plus éprouver de crises d'angoisse
Plutôt non
[...]
Je ne dois rien à l'usine pas plus qu'à l'analyse
Je le dois à l'amour
Je le dois à ma force
Je le dois à la vie"


"La vie est une tartine de merde dont on mange une bouchée tous les jours
Philosophait ma grand-mère les jours d'un peu moins bien
C'est faux
La merde est une tartine de bulots à décharger par palettes quand une pièce d'un tapis roulant est en panne sur une ligne de production"


"Egoutteur de tofu
Celui qui n'a jamais égoutté de tofu pendant neuf heures de nuit ne pourra jamais comprendre
Et merde
Moi vieux con je sais et pas toi
Il n'y a aucune gloire à en tirer
Pas de mépris pour les non-ouvriers"

"J'échafaude des contrepets qui me semblent bien sonner
Egoutteur de tofu
Et fauteur de dégoûts"


Gros coup de cœur ! Texte émouvant, sincère, souvent drôle, un hommage aux ouvriers qui font tourner la machine.

Joseph Ponthus, ancien étudiant d’hypokhâgne, a ensuite travaillé une dizaine d’années comme travailleur social. Par amour, il a suivi sa femme en Bretagne. Le travail dans sa branche ne courant pas les rues, il embauche comme intérimaire à l’usine.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les livres qui m'ont marqué... (pas tous chroniqués)

  • 'Beloved' & 'Jazz' de Toni Morrison
  • 'Charlotte' de David Foenkinos
  • 'Crime et châtiment' de Dostoievski
  • 'Kite runner' de Khaled Hosseini
  • 'La joueuse de go" de Shan Sa
  • 'Le quatrième mur' 'Profession du père' de Sorj Chalandon
  • 'Les enfants de Minuit' de Salman Rushdie
  • 'Sombre dimanche' & "L'art de perdre" d'Alice Zeniter
  • 'Sous le soleil des Scorta' et 'Eldorado' de Laurent Gaudé
  • "1984" de George Orwell
  • "Au Zénith" de Dong Thuong Huong
  • "Candide" de Voltaire
  • "En attendant Godot" de Samuel Beckett
  • "Fanrenheit 451" de Bradbury
  • "L'écume des jours" de Boris Vian
  • "L'insoutenable légéreté de l'être", de Milan Kundera
  • "L'œuvre au noir" de Marguerite Yourcenar
  • "L'ombre du vent" de Carlos Ruis Zafon
  • "La métamorphose" de Kafka
  • "La vie devant soi" de Romain Gary
  • "Le Hussard sur le toit" et "Les âmes fortes" de Jean Giono
  • "Le parfum" de Patrick Suskind
  • "Le Portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde
  • "Le rouge et le noir" de Stendhal
  • "Les Cavaliers" de Joseph Kessel
  • "Les Déferlantes" de Claudie Gallay
  • "Les Raisins de la Colère" de John Steinbeck
  • "Malevil" de Robert Merle
  • "Mr Vertigo" de Paul Auster
  • "Sur la route" de Jack Kerouac
  • à suivre
  • L'univers de Haruki Murakami
  • Les contes d'Alessandra Barrico
  • Les polars de Fréd Vargas
  • Les romans de Sepulveda
  • Les romans de Yasunari Kawabata

Grand Canyon

Grand Canyon