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Liste par auteurs & titres dans Kronik list

mercredi 27 août 2025

609: 'Comme un empire dans un empire' d'Alice Zeniter

Genre : doit-on abandonner la partie ?

Histoire
Hiver 2019.
Antoine est assistant parlementaire. L. elle est hackeuse. Ils ont tous les deux choisi de consacrer leur vie à un engagement politique, officiellement ou clandestinement. Antoine rêve d'écrire un roman sur la guerre d'Espagne. L vient d'assister à l'arrestation de son compagnon, accusé d'avoir piraté une société de surveillance, et elle se sait observée, peut-être même menacée. 
Antoine et L vont se rencontrer autour d'une question : comment continuer le combat quand l'ennemi semble trop grand pour être défait ?

Impressions
Cet autrice que j'apprécie énormément ici tente de décrypter les débats qui traversent la gauche et les nouveaux modes d’action politique qui émergent tandis qu’augmente la défiance envers les institutions

Alice Zeniter explique avec beaucoup de pédagogie et de précision les techniques de l'hacktivisme et rend passionnant et limpide ce qui pourrait être ennuyeux et complexe pour le profane. Elle croise astucieusement les deux couloirs narratifs et déploie son style remarquable.

Jeremy Hammond, 28 ans, a reconnu en mai avoir piraté en décembre 2011 le système informatique de la société texane Strategic Forecasting, surnommée Stratfor.

Phineas Fisher, "unidentified hacktivist and self-proclaimed anarchist revolutionary".

Cozy Bear, aussi appelé APT29, Nobelium ou Midnight Blizzard, est un groupe de hackers qui pourrait être lié aux renseignements russes, notamment le FSB[1]. Ce groupe cible des gouvernements, des partis politiques, des entreprises, des think tanks, etc.

L'unité 61398 de l'Armée populaire de libération, basée à Shanghai, est chargée de conduire des opérations militaires dans le domaine des réseaux informatiques.

Dans un rapport publié le 18 février 2013, la société de sécurité informatique Mandiant accuse cette unité de l'armée chinoise d'être à l'origine depuis 2006 d'une vaste opération de cyber-espionnage principalement contre des entreprises et organisations anglo-saxonnes. Le gouvernement chinois a immédiatement nié être à l'origine de ces cyberattaques.

Hiver 2019, Antoine Madec, l'un des quatre assistants d'un député socialiste, s'active au Palais Bourbon et prépare en parallèle un ouvrage sur la guerre d'Espagne et les légendaires photographes Robert Capa et Gerda Taro.



Roman 

vendredi 22 août 2025

608: 'La papèterie de Tsubaki' de Ogawa ITO

Genre : réconfortant et poétique

Histoire
Hatoko a vingt-cinq ans et la voici de retour à Kamakura, dans la petite papeterie que lui a léguée sa grand-mère. Le moment est venu pour elle de faire ses premiers pas pour prendre la relève, à la fois avec les métiers de vendeuse d'articles de papèterie et celui d'écrivain public. Un héritage familiale enseigné par l'Aînée, sa grand-mère exigeante et sévère.
 

Impressions

Je ferai le parallèle avec le monde sensible et poétique des BDs-mangas de Tanigushi.

Peinture du quotidien japonais, j'ai retrouvé ces détails de la vie de tous les jours, les gestes traditionnels (comme les célébrations annuelles dans les temples), l'amour de la cuisine.

"En attendant que l'anguille soit prête, il a commandé une bouteille de bière. Un ravier nous a été servi par la même occasion. Dedans, il y avait plein de foies d'anguille.
- Du foie confit à la sauce soja. Ça se marie bien avec la bière.
Il devait aimer ça car il plissait les yeux d'un air ravi."
Voilà une scène qui m'a rappelé un dîner inoubliable avec deux collègues (1 allemand et 1 coréen) dans un restaurant de Hamamatsu où j'ai découvert cette spécialité d'anguilles comme confites sur un lit de riz.. Hummm, à cette seule évocation je salive de bonheur. Sans oublier la serveuse en habits traditionnels qui a couru après nous dans la rue parce qu'on a avait réglé 20 centimes de trop !...

Le thème de la nourriture et du plaisir associé sont récurrents, comme le héros de 'Le gourmet solitaire' de Tanigushi que j'ai chroniqué en janvier 2024. 
"Dans l'air printanier encore un peu frais, j'ai savouré ma bière, les yeux arrachés à l'arbre."
"Mange amer au printemps, vinaigre l'été, piquant l'automne et gras l'hiver."
Rien d'étonnant, c'est un sujet de prédilection pour cette autrice à l'image de son premier roman "Le restaurant de l’amour retrouvé".


C'est un roman qui célèbre la contemplation et un art de vivre en opposition  avec l'ultra-modernité.
En écho au roman graphique Furari de Tanigushi, où au gré de pérégrinations, un cartographe et géomètre se promène dans le Japon de la fin XVIIIe siècle, à l’époque où Tokyo s’appelait encore Edo.


Hatako nous emmène visiter les sites de Kamakura, temples, la plage, les sanctuaires.
Le roman comporte d'ailleurs un petit plan dessiné des lieux cités.


Ce roman célèbre aussi l'écriture, la calligraphie, mais aussi le papier, l'encre, l'enveloppe, le timbre, tous ces éléments annexes qui constituent un message important de la lettre.

"Une belle écriture ne tient pas à une graphie régulière, mais à la chaleur, la lumière, la quiétude ou la sérénité qui en émanent."

Un exercice d'écrivain où le choix du système d'écriture joue aussi un rôle clé dans le message, un choix à faire entre les kanji ( des caractères chinois, dont la juxtaposition forme le mot, environ 50000 ), l'hiragana ( 50 caractères ), et le katakana ( 50 caractères, servant à écrire les mots d'origine étrangère, sortes d'alphabets phonétiques )
Popo rédige et calligraphie des cartes de vœux, des mots de condoléance, des lettres d'adieu aussi bien que d'amour. Un large éventail et à chaque une belle histoire humaine se dessine !


La papèterie, au cœur de ces sites, est un cocon, un lieu de partage avec les autres et le théâtre de réconciliations inattendues.
S'y croisent un panel de personnages très intéressants, comme Barbara, sa voisine, le Baron, un homme bourru mais généraux et attentionné, la petite fille d'un veuf...

Un roman qui fait du bien sans être mièvre.

dimanche 10 août 2025

607: 'Veiller sur Elle' de Jean-Baptiste Andrea

Genre : qui ne laisse pas de marbre...

Histoire
Michelangelo Vitaliani, dit Mimo, n'est pas né en 1904 sous les auspices d'une belle étoile, ni avec une cuillère d'argent dans la bouche. Au contraire, son père meurt durant la première guerre mondiale, sa mère s'en débarrasse en l'envoyant à Pietra d'Alba chez un pseudo cousin sculpteur qui l'exploite et le maltraite.
Mais parfois des destins se croisent, comme celui de Mimo avec Violla, cousine cosmique de Mimo car née  le même jour que Mimo (en trichant un peu sur les jours...) au sein de la famille puissante des Orsini.
Tous les deux souffrent; l'une d'anticonformisme et de capacités intellectuelles hors du commun dans un milieu patriarcal et conservateur, l'autre de sa pauvreté et d'achondroplasie qui le réduit à l'image d'un nabot aux yeux de ses pairs. 
Leur rencontre donnera naissance à une amitié forte, un amour platonique qui résistera aux troubles de l'Histoire et aux trajectoires de vie divergentes.
« - Nous sommes deux aimants. Plus nous nous rapprochons, plus nous nous repoussons. 
- Nous ne sommes pas des aimants. Nous sommes une symphonie. Et même la musique a besoin de silences. »


Impressions
Belle lecture. 581 pages (édition L'Iconoclaste) lue avec délectation.
Ce roman rentre dans la catégorie des livres que j'ai littérallement dévoré, impatient d'en poursuivre la lecture entre chaque pause.
Le rythme est effréné sur toute la longueur du récit, pas d'essoufflement, belle prouesse narrative ! 

Ce qui m'a plu:

L'amitié passionnelle qui fleurte avec l'amour (platonique) entre Mimo et Violla.
« Il m'a fallu quatre-vingt-deux ans, huit décennies de mauvaise foi, et une longue agonie, avant de reconnaitre ce que je savais déjà. Il n'y a pas de Mimo Vitaliani sans Viola Orsini. Mais il y a Viola Orsini, sans besoin de personne. »
Deux destins où des périodes de parfaite entente alternent avec des 

La traversée de l'histoire de l'Italie au XXème siècle.
Cette fresque romanesque s'inscrit dans une la Grande Histoire de l'Italie. Meurtrie par la première guerre mondiale, le Fascisme s'y installe petit à petit jusqu'à l'instauration du régime totalitaire mussolinien, et bientôt démarre une deuxième guerre mondiale qui s'achèvera par la défaite italienne.
Dans la description de la Marche sur Rome d'octobre 1922, l'auteur n'épargne pas le manque de courage de Benito: celui se joint au cortège qu'une fois assuré que le gouvernement n'enverra pas l'armée pour les arrêter...



L'assassinat puant du député Matteoti est plusieurs fois cité.
Le 10 juin 1924, le député socialiste Giacomo Matteotti, qui, au fil de ses discours au Parlement, pourfendait le gouvernement de Mussolini, fut jeté à bord d'une voiture par des inconnus qui le poignardèrent. On l'apprendra plus tard, les assassins appartenaient à une sorte de police parallèle et secrète du fascisme, la Tcheka, menée par un chef de bande du nom d'Amerigo Dumini. La Tcheka avait son siège au palais du Viminal, résidence du ministre de l'Intérieur dont le titulaire était Benito Mussolini...


L'antisémitisme et l'extermination dans les camps de concentration que le fascisme mussolinien soutient est également évoqué à de nombreuses reprises, clé de voute d'altercations fortes entre Mimo qui dit ne pas faire de politique, et Violla qui dénonce ces dérives avec véhémence. Mimo se retrouve confronté à la réalité quand Sarah, une collègue de la période de vie où Mimo a été recueilli par une équipe de cirque, est arrêtée et emprisonnée dans le Camp d'internement de Ferramonti di Tarsia, le plus grand camp d'internement (campo di concentramento) pour les internés juifs dans une région infestée de paludisme. 


La fin peu glorieuse de Mussolini n'est pas non plus épargnée, celui-ci ayant été arrêté le 28 avril 1945 par la résistance alors qu'il tentait de quitter l'Italie clandestinement.
Abattu, son corps finira -avec celui de 17 autres fascistes dont Clara Pietacci son amante- pendu par les pieds  par les pieds à la balustrade d'un distributeur d'essence de la Standard Oil. 

La passion de l'art est omniprésente. Sont abondamment cités Michel-Ange, Fra Angelico ou encore le Caravage.
Mimo rencontre également des artistes lors d'un séjour à Paris, et en particulier le sculpteur Brancusi.
Etonnamment, aucune image de sculpture de Vitaliani n'apparaît lors de recherches sur le Web, et toujours, la Pietà de Michelangelo Buonarroti prédomine.
J'ai appris qu'un illuminé du nom de Laszlo Toth a vandalisé à coups de marteau la Pietà de Michel-Ange en mai 1972. Durant son interrogatoire, il a affirmé que les mains du sculpteur avaient été guidées par lui, qu'il est Jésus de Nazareth, et souhaite faire disparaître tous les simulacres du Christ.

Seul petit bémol: l'écriture certes fluide et dynamique pèche un peu par un caractère trop lisse et polissé (influence du marbre ?). Mais est-ce un défaut ? Cela n'a pas nui au bonheur de la lecture de ce roman :)


Coup de cœur ! Un roman sculpté dans l'Histoire et la fiction.
Récompensé par le Prix Goncourt 2023, précédé du prix du roman Fnac

dimanche 27 juillet 2025

606: 'Paris-Briançon' de Philippe Besson

Genre : huis clos ferroviaire de la fatalité

Histoire
Rien ne relie les passagers montés à bord du train de nuit n° 5789. À la faveur d’un huis clos imposé, tandis qu’ils sillonnent des territoires endormis, ils sont une dizaine à nouer des liens, laissant l’intimité et la confiance naître, les mots s’échanger, et les secrets aussi.


Impressions
Conteur habile et fin observateur des âmes humaines.
Nos vies relèvent du hasard ou d'un destin tracé ?
Philippe Besson rend hommage aux trains de nuit et à ces rencontres fortuites qui peuvent changer une vie.
La lecture est agréable mais manque un peu de profondeur. 

Roman choral sobre et court. Idéal pour se distraire lors d'un trajet de train.

lundi 21 juillet 2025

605: 'Voltiges' de Valérie Tong Cuong

Genre : patatras

Histoire
Eddie et Nora Bauer forment un jeune couple flamboyant. À la tête d’un grand cabinet de conseil, Eddie assure à sa famille un train de vie très confortable. Quant à Nora, elle se partage entre la création de bijoux et l’éducation de Leni, adolescente promise à une brillante carrière d’athlète depuis qu’elle a été repérée par le charismatique entraîneur Jonah Sow. 
Eddie apprend que son associé l’a trahi, conduisant le cabinet à la faillite. Ruiné, il fait le choix de ne rien dire à Nora, ni à Leni, et multiplie les mauvaises décisions.


Impressions
J'ai vécu cette lecture comme tendue et inconfortable. La situation de cette famille se détériore inéluctablement, sans réactions fortes et franches, jusqu'à une fin qu'on devine bien noire.
Mais quelle message en tire-t-on ? 

Dans ce roman, Valérie Tong Cuong interroge nos choix de vie et nos renoncements à l’heure où tout vacille. 
Mais les turbulences vécues par le foyer idyllique qui explose sont très vite prévisibles au fur et à mesure qu'Eddie s'enfonce dans les dettes et le mensonge.
De plus les personnages très stéréotypés ne sont pas attachants, même Nora qui lasse par son dévouement et sa croyance en des jours meilleurs.
C'est excessivement caricatural, le père perdu, égoïste, menteur, la mère aimante, dévouée, l'entraineur gentil, dévoué ...

A cela s'ajoutent des phénomènes causés par le dérèglement climatique qui plongent le quotidien aux frontières du fantastique, comme par exemple avec ces animaux qui surgissent dans la ville. Difficile d'apprécier l'arrivée de ce thème dans un récit plutôt psychologique... Quelle intention ?

Roman pesant à lire, très loin de voltiges légères. Déception.

dimanche 6 juillet 2025

604: 'Ce que je sais de toi' d'Éric Chacour

Genre : histoire d'un amour impossible

Histoire
Dans le Caire des années 1980, Tarek suit le destin tracé par son père -il devient médecin comme lui- et par sa famille -il épouse Mira et doit avoir des enfants.
Mais la rencontre d’un être que tout semble éloigner de lui va ébranler ce chemin nominal...


Impressions
Premier roman de cet auteur. Et quel auteur !!

Je suis conquis, tant par le style, la construction, la sensibilité, et la richesse des thèmes.

Style - L'écriture est ciselée, habile, sensible.

La construction en 3 parties, 'Toi', 'Moi' et  'Nous' est remarquable. Le tutoiement de la première partie m'a fortement intrigué mais j'ai ensuite compris la logique.

Sensibilité - Le drame réside dans cet interdit que Tarek a transgressé, décrit avec pudeur et délicatesse. Cette liaison interdite va tout bouleverser, et engendrer l'exil, le renoncement, l'étouffement de la vérité, le vide pour un fils, la faillite d'un clan.
"Je détestai ma famille de m'avoir tu cette vérité que tout le monde savait. Comme s'il suffisait de dissimuler les miroirs pour préserver un être difforme de sa propre laideur."

L'auteur ciselle ses observation des gestes ou des regards les plus infimes qui traduisent les non-dits et le sentiments cachés. Il décrit les faiblesses de la nature humaine avec finesse.
"On s'étonne encore de déceler une réaction puérile chez un de nos semblables, mais c'est une grossière erreur : il n'y a pas d'adultes au comportement d'enfant, il n'y a que des enfants qui ont atteint l'âge où le doute est honteux. Des enfants qui finissent par se conformer à ce que l'on attend d'eux : qui renoncent à la moindre remise en question, affirment sans plus trembler, méprisent la différence. Des enfants aux voix rauques, aux cheveux blancs, à l'alcool facile."
Et ce sont les femmes qui incarnent vaillamment la ­dignité qui n’abdique pas, quitte à manigancer ou mentir pour sauver la façade et l'honneur. Mais à quel prix...

Découvertes -
Lévantins - L'auteur nous invite dans cette communauté lévantine chrétienne égyptienne installée au Caire. Ces chrétiens issus de divers rites orientaux, originaires du Liban, de Syrie, de Jordanie ou de Palestine, et qui, bien qu'en Egypte depuis plusieurs générations, continuaient à y manier le français mieux que l'arabe.
Zabbalines - L'auteur inscrit également ce récit - et même l'histoire d'amour- dans le bidonville du Mokattam au Caire. 100 000 zabbalines, les chiffonniers collecteurs de déchets ou le « peuple des ordures »ramassent chaque matin 10 000 tonnes d’ordures ménagères directement chez les familles, en contrepartie d’une maigre rétribution, puis les ramènent jusque dans les zones de tri des bidonvilles à l’aide de camions, de charrettes ou de tuk tuks.
Odeurs du Caire
"Le cumin, la poussière (déjà), la coriandre, la benzine, les ânes, leurs déjections, le sable, la poussière (encore), la sueur, la cardamome, les gaz de combustion, les oignons frits, les ordures brûlées, les fèves chaudes, le jasmin, la poussière (obstinément), l’asphalte redevenu visqueux sous le règne sans partage du soleil. Le Caire était une entêtante présence olfactive qu’une infinité d’éléments composaient."


Roman coup de cœur. Envoutant et sensible. Sans l'once d'une hésitation, je recommande chaudement. 

Lauréat du prix Femina des Lycéens, ainsi que du Prix Première plume 

dimanche 29 juin 2025

603: 'Chien 51' de Laurent Gaudé

Genre : polar politico-criminel dans un contexte d’anticipation tendance dystopique.

Histoire
Zem Sparkas est grec mais depuis longtemps son pays n’existe plus: L’entreprise privée GoldTex l'a racheté.
Expatrié, il n’est plus qu’un vulgaire “chien”, un policier déclassé fouillant la zone 3 de Magnapole sous les pluies acides et la chaleur écrasante.
Un matin, dans ce quartier abandonné à sa misère, un corps retrouvé ouvert le long du sternum va l'entraîner vers les souvenirs d'amour et trahisons et dans les arcanes des luttes de pouvoir de cet état despotique. 


Impressions

Seul échappatoire à ce présent oppressant, c’est dans une salle sombre et sale que Zem plonge dans la drogue technologique Okios; pilules et lunette de réalité virtuelle, il s'évade pour retrouver l’Athènes de sa jeunesse. Il y perd tout ses repères pour déambuler dans les rues de ce paradis perdu. Scènes vraiment frappantes par leur contraste avec le présent, Laurent Gaudé peint des images d'Epinal d'un temps passé avec son brio coutumier.

L'autre point fort du roman réside dans ce binôme de Zem et Sofia, l'inspectrice de la zone 2, compagnons 'forcés' pour une longue et violente investigation. Pas d'angélique histoire d'amour, un duo de fortes personnalités qui se reniflent, se mordent, s'aiment et sombrent dans une même destinée bien noire.

Dystopie, enquête, mais alors quel est le thème principal de ce roman ? Une société imaginaire, à la Orwell?

Clairement le thème de la dystopie n'est pas approfondi, mais sert de toile de fonds, d'arrière-plan. Ces 3 zones infranchissables sans accréditation et le jeu Destiny m'ont rappelé la série Hunger Games. De manière similaire, les élites ont privatisé le monde, ils exploitent les ouvriers et ignorent les démunis, une coupole protège les zones 1 et 2 des pluies acides et des intempéries. Evidemment cette lecture m'a rappelé des scènes de romans de Damazio.
En synthèse, rien de très nouveau.
Je reconnais cependant que la force de l'écriture de Laurent Gaudé saisit par son réalisme. Cette peinture nous ramène au présent, évoque un demain qui ne serait en fait que le visage de nos égarements d’aujourd’hui.

C'est surtout le thème de la trahison et de la mort associée qui prédominent.
Avant les émeutes de Magnapole, Zem a connu en Grèce l’urgence de la révolte et l’espérance d’un avenir sans compromis. Il fut militant de la liberté, il a aimé et trahi.
Depuis son expatriation, il exécute les ordres, bon chien obéissant qui tente d'enfouir ses démons et de ne pas réagir devant l'injustice et la corruption quotidienne.
Ce roman interroge sur les conséquences de nos choix et de nos compromis, mais aussi sur la possibilité de se racheter et de trouver la rédemption.

La plume de Laurent Gaudé est toujours fluide, subtile et maîtrisée, l'intrigue est haletante et pleine de rebondissements.

Ambiance poisseuse et violente. Polar noir dans une ambiance dystopique.

mercredi 25 juin 2025

602: ' Ne le dis à personne' d'Halan Corben

Genre : bouche cousue

Histoire
    Pédiatre, David Beck exerce dans une clinique pour le compte de Medicaid, structure sociale qui prend en charge les pauvres sans couverture sociale. 
Sa vie a été brisée lorsque son épouse, Elizabeth, qu'il connaissait depuis l'enfance, fut assassinée par un tueur sadique qui marquait ses victimes au fer rouge.
    Huit ans après ce drame, il reçoit un étrange e-mail codé dont la clé n'était connue que de lui-même et d'Elizabeth…

Impressions
Série de chapitres courts et intrigue découpée en plusieurs histoires parallèles qui se rejoignent, des méchants parfois effrayants et des gentils qui survivent, l'horlogerie est bien huilée. "Capillotracté" parfois, rocambolesque souvent, mais l'intrigue a réussi à me tenir en haleine.

Cette lecture a personnellement été motivée par le désir de lire le roman après avoir regardé l'adaptation cinématographique, alors que j'ai quasiment tout le temps d'abord lu le livre puis regardé l'adaptation sur grand écran. Ici l'adaptation a été réalisée par Guillaume Canet, sortie en 2006, dotée d'une brochette d'acteurs connus comme André Dussolier, François Cluzet, Kristin Scott Thomas, Jean Rochefort... Et j'ai apprécié ce film. En particulier je trouve particulièrement réussie la transposition du cadre des Etats-Unis à la région parisienne et intra-muros. Les 2 versions diffèrent sur certains points comme l'assassin du fils du notable, mais chut, je ne le dis à personne.
A la fermeture du thriller de M. Corben, je ressens un sentiment mitigé, une lecture fluide mais un scénario tellement incroyable, surtout cette course-poursuite sans fin d'un médecin qui réussit à chaque fois à s'en sortir, digne d'un James Bond mais sans l'humour.

Thriller bien construit, pas incontournable mais cette lecture permet de passer un bon moment.

Elle - Grand Prix des Lectrices - Policiers - 2003

lundi 16 juin 2025

601: "La nouvelle physique" de Yann Mambrini

Genre : 

Histoire
La Nouvelle Physique désigne ce qui devra succéder aux théories actuelles décrivant l’infiniment petit et l’infiniment grand, soit les deux modèles dits « standards », celui de la physique des particules, où règne la mécanique quantique, et celui de la cosmologie, domaine de la relativité générale.
L'auteur décrit les étapes franchies depuis un siècle vers cet objectif d’unification des deux théories.

Impressions
Le physicien vulgarisateur Yann Mambrini initie, de façon rafraîchissante, à des questions de physique non résolues.


Belle 

Prix Art, Société, Science du meilleur essai français 2024

jeudi 29 mai 2025

600: 'L'Intelligence artificielle : vers une domination programmée ?' de Jean-Gabriel GANASCIA

 Genre : 

Histoire
[4ième de couverture]

Aujourd’hui, les ordinateurs sont présents dans toutes nos activités quotidiennes. Une machine a vaincu le champion du monde du jeu de go, on construit automatiquement des connaissances à partir d’immenses masses de données (Big Data), des automates reconnaissent la parole articulée et comprennent des textes écrits en langage naturel… Les machines seraient-elles vraiment devenues intelligentes, posséderaient-elles un esprit, voire une conscience ?
La complexité de l’intelligence artificielle dépasse notre entendement immédiat et suscite nombre d’idées reçues. Ainsi, l’intelligence artificielle reproduirait l’activité de notre cerveau, elle ferait que les ordinateurs ne se trompent jamais et… qu’à terme nous en devenions les esclaves.
Jean-Gabriel Ganascia, en distinguant la réalité du pur fantasme, nous permet de comprendre ce qui se joue avec l’intelligence artificielle, quelles sont ses potentialités et ce qu’elle ne sera jamais… sauf au cinéma.

Suite à des études de physique et de philosophie, Jean-Gabriel Ganascia s’est spécialisé en intelligence artificielle puis en modélisation cognitive. Professeur à l’université Pierre et Marie Curie, il dirige l’équipe ACASA (Agents cognitifs et apprentissage symbolique automatique) au sein du laboratoire d’informatique de Paris-VI.




Impressions
Voilà un essai bien construit, sans digressions comme en a pâti le livre de Luc Julia chroniqué récemment.




Instructif et agréable à lire

lundi 26 mai 2025

599: 'Tempête sur Kinlochleven' de Peter May

Genre : Ambiance 'Shining' écossais

Histoire
- 2051 -
La perturbation des phénomènes climatiques s'est traduite par la transformation de l'Ecosse en une zone polaire avec un niveau des eaux qui a englouti de très grandes surfaces terrestres.
- Glasgow -
Le chef de l'inspecteur de police Cameron Brodie lui demande de se rendre dans les Highlands où le corps d’un journaliste d’investigation a été retrouvé dans un névé de la région du Loch Leven.
 

Impressions
C'est un polar dystopique, noir et multiforme.
Je reste dans la tonalité de 'La route', un peu moins désespéré tout de même.
Ici en Ecosse, il reste un semblant de gouvernement avec des élections, l'énergie est encore produite pour se chauffer, se déplacer, s'éclairer, et les hommes ne sont pas (encore ?) devenus des survivants cannibales.

Pour le reste, le tableau est bien chargé en noirceur.
Le flic de Glasgow est veuf, taciturne, désabusé, condamné à court terme au niveau santé (oups, je n'en dis pas plus), sans nouvelles de sa fille depuis le suicide de sa fille... n'en rajoutez plus !
Et donc en parallèle de l'enquête relative au cadavre congelé du pauvre bougre de journaliste, se dénouent les confessions de Cameron à sa fille. 
Les différents rebondissements pêchent par un excès d'invraisemblable. Le flic survit à une avalanche, survit à une noyade, survit à un énorme coup... Il se regarde dans un miroir et constate le visage ravagé, c'est le moindre qu'on puisse attendre.
Finalement c'est la partie de l'intrigue la plus sensible et sensée, parce que du côté de l'enquête officielle cela tourne au complot politique et carnage systématique.

Ce récit aborde également les thématiques du dérèglement climatique (l'auteur s'est référencé aux études du GIEC) qui s'accompagne d'une modification profonde de la géographie des terres émergées et de migrations humaines terribles,  de l'intelligence artificielle mal utilisée pour générer des vidéos "deep fake", et de la problématique du stockage des déchets nucléaires.

Enfin, Peter May est écossais et il excelle à croquer les paysages des Highlands terriblement beaux et terrifiants.


Polar noir. Avis mitigé. A ne pas lire un soir de déprime alors que la tempête fait rage...

samedi 24 mai 2025

598: 'Le Colonel Chabert' de Honoré de Balzac

Genre : Histoire de revenant

Histoire
Paris, février 1817, trois ans après la chute de l'Empire, l'avoué Derville reçoit la visite d'un vieillard misérablement vêtu. Il assure être le colonel Chabert, laissé pour mort à la bataille d'Eylau en 1807. Il avait alors contribué à la victoire en conduisant une charge de cavalerie devenue célèbre. Le vieil homme raconte comment, se réveillant dans un fossé entre des cadavres, il a survécu à ses blessures. Il revient dix ans après et souhaite réclamer son titre, faire valoir ses droits et revivre avec sa femme.  

Impressions
Soyons clair, cette lecture d'un classique n'a pas été  motivée par l'adaptation filmographique où Gérard Depardieu incarne le colonel. Film tourné en 1994, avec Fanny Ardan
t dans le rôle de la comtesse de Ferraud, Fabrice Luchini dans celui de l'avoué Derville. Malgré l'excellence du jeu de Depardieu, je ne supporte plus ce personnage abjecte par ses propos et son comportement.
Non, ce qui m'a donné envie de lire cet ouvrage est le roman 'Comme les Amours' de Javier Marias qui cite à de nombreuses reprises cette nouvelle de Balzac.
Et quel bonheur.

C'est la tragédie d'un brave colonel héroïque combattant dans les rangs de Napoléon, déclaré mort lors de la bataille d'Eylau et qui revient enfin réclamer justice.
'J'ai été enterré sous des morts, mais maintenant je suis enterré sous des vivants, sous des actes, sous des faits, sous la société tout entière, qui veut me faire rentrer sous terre !"
En effet, pour gagner un procès il faut de l'argent que le Colonel n'a pas. Revenu vivant du pays des morts il se retrouve comme mort au pays des vivants et dépourvu.
Et Balzac ne nous sert pas un dénouement bien juste.
Bijou ciselé, grand densité dramatique pour si peu de pages. 

Nouvelle courte et efficace. La densité du récit est impressionnante. Ah, les classiques !

dimanche 18 mai 2025

597: 'Terrasses ou Notre long baiser si longtemps retardé' de Laurent Gaudé

Genre : Requiem en hommage aux victime du 13 novembre 2015

Histoire
[4ième de couverture]
Vendredi 13 novembre 2015. Douceur automnale : ce soir pourrait avoir un air de fête. On rêve de ce que sera cette nuit qui s’ouvre. Deux amoureuses savourent l’impatience de se retrouver ; des jumelles se sont demandé où célébrer leur anniversaire ; une infirmière se promet le repos mérité. Un mari s’agace de devoir garder seul « la petite » – sa femme part écouter de la musique. Partout dans Paris, on va bavarder, trinquer, rire, danser. Et du côté des forces de secours et de l’ordre, rien n’annonce l’horreur imminente.


Impressions
C'est un roman - témoignage pour ne pas oublier et pour ne pas rester terrassés !
A travers le ressenti des victimes, des proches, des forces de l'ordre, les chapitres égrènent la succession d'événements de ce vendredi 13 novembre 2015 où la barbarie terroriste a privé 130 êtres humains du droit de vivre, d'embrasser, de sourire, d'avoir des projets...

Il donne la parole aux victimes, aux proches de victimes, aux forces institutionnelles qui sont intervenus pour neutraliser les fanatiques obscurantistes. Il ne donne pas la parole aux terroristes, ils sont morts et c'est tant mieux.

C'est sobre, sans pathos, les 130 pages peuvent se lire d'une seule traite.
Un message de résistance aussi, ô combien important.

"Qu'avons-nous perdu ? Un peu de nous-mêmes. De notre sérénité. De notre insouciance. Mais quelque chose est né en nous. Nous avons envie de brandir fièrement ce que nous sommes. Pour défier ceux qui voulaient nous abattre. Nous ne sommes pas soumis. Blessés. Sonnés. Mais pas soumis. Ils voulaient nous châtier. Genou a terre. Mais nous ne savons pas être autrement que ce que nous sommes. Nous nous relevons. Les terrasses des cafés deviennent le symbole de notre mode de vie. Nous y retournons. Nous trinquons haut et fort."
Court hommage. Polyphonique et sobre. Pour ne pas oublier l'horreur et ne pas se soumettre à la barbarie.

596: 'Le bureau des affaires occultes' d'Eric Fouassier

Genre : 

Histoire
Un 


Impressions
C'est 


Belle découverte d'un polar sur fonds historique.

samedi 17 mai 2025

595: 'Sur la route' de Cormac Mc Carthy

Genre : cendré

Histoire
Dévasté par un cataclysme mystérieux, il ne reste du globe qu'un amas de cendres, de ruines et de cadavres.
Un père et son jeune fils marchent vers le Sud, vers la côte, sous la neige, poussant un caddie. Marche éprouvante où le danger est omniprésent.



Impressions
Récit minimaliste.
Pas d'intrigue. Aucun nom de personnages. Une écriture dépouillée. Très peu de dialogues.
Le lecteur ne sait pas quel cataclysme s'est abattu sur la terre. Ni les noms et prénoms du père et de son fils.

"En ce temps-là déjà tous les magasins d’alimentation avaient fermé et le meurtre régnait partout sur le pays. Le monde allait être bientôt peuplé de gens qui mangeraient vos enfants sous vos yeux et les villes elles-mêmes seraient entre les mains de hordes de pillards au visage noirci qui se terraient parmi les ruines et sortaient en rampant des décombres, les dents et les yeux blancs, emportant dans des filets en nylon des boîtes de conserve carbonisées et anonymes, tels des acheteurs revenant de leurs courses dans les économats de l’enfer."

Seuls quelques survivants errent dans un paysage noir, irrespirable. 
Il y a les 'gentils' et 'méchants', 
Les gentils survivent en mangeant ce qu'ils trouvent dans les ruines de maisons abandonnées. Les méchants sont cannibales.

Tous sont vêtus de haillons. Ils ont froid, ils ont faim, ils ont peur.
Leur seule occupation c'est trouver de quoi boire et manger.

Et tout est gris. Même la mer.
"Là-bas c'était la plage grise avec les lents rouleaux des vagues mornes couleur de plomb et leur lointaine rumeur. Telle la désolation d'une mer extraterrestre se brisant sur les grèves d'un monde inconnu. [...] Au-delà l'océan vaste et froid et si lourd dans ses mouvements comme une cuve de mâchefer lentement ballottée et plus loin le front froid de cendre grise. Il regardait le petit. Il voyait la déception sur son visage. Je te demande pardon, elle n'est pas bleue, dit-il. Tant pis, dit le petit."

A l'exception de certaines images 'éclair', on ne connait rien du passé, mais qu'en est-il de l'avenir ?
Le père dit à l'enfant qu'il doit « porter le feu ». Serait-il un prophète ? Doit-il  rejoindre une communauté d'autres survivants qui ont gardé comme eux leur part d'humanité ?
Je n'ai pas saisi le message.

Alors quel avis ?
Ce fut une lecture peu agréable, ce qui est tout à fait logique dans un univers désormais ravagé, sans vie autre que quelques survivants. -Ni faune ni flore ne subsistent.

Mais ce qui m'a gêné est que je n'ai pas trouvé de sens ou de message. J'ai ressenti une lassitude en écho à la monotonie du récit. En terme de construction se répète trois fois La séquence de 'on marche en crevant la dalle et en ayant froid la nuit sous la bâche battue par la pluie' - 'on trouve un abri avec de la nourriture'. A part quelques rencontres parfois très angoissantes, aucun autre élément n'apporte de relief. On ne sait pas ce qui s'est passé ni ce qu'ils cherchent.
C'est le vide sur terre et l'austérité règne chez les survivants, et aussi pour le lecteur.
On pourrait imaginer 'Sur la Route'  comme un épilogue de 'Malevil' de Robert Merle où tout finit mal. Les humains vont disparaître quand ils auront épuisé les dernières réserves issues de l'époque où la terre était encore nourricière.
L'Humain confronté à la mort de la Nature. 

Un roman qui donne envie de toucher des fleurs, de caresser un animal, de ressentir la chaleur d'un rayon de soleil sur notre peau, de croquer un fruit, de profiter d'un sourire, d'une main tendue. De profiter de cette planète bleue que notre société moderne néglige et ne respecte pas.

En particulier, j'ai été frappé par l'expression du bonheur immense ressenti pour des 'événements' très simples.
Comme par exemple, lorsque le père découvre une réserve d'eau pure
[...] il y avait une cuve remplie d'eau si douce qu'on pouvait en sentir l'odeur'
[...] 'et renifla et goûta et ensuite il but. Il resta allongé là un bon moment, puisant et portant l'eau à sa bouche une main à la fois. Rien dans son souvenir nulle part de n'importe quoi d'aussi bon.'
De quoi se sensibiliser à la chance et au luxe que nous avons d'accéder à l'eau pure et potable. De quoi comprendre que dans ce monde dévasté, même les besoins les plus basiques sont en danger.


Minimaliste et noir. L'Humain condamné à disparaître à la mort de la Nature. 

samedi 3 mai 2025

'Oleg' de Frederik Peeters - BD - relecture... (idem 513 :)

Genre : regard acéré d'un dessinateur myope sur notre société

Histoire
Oleg, c'est Frederik Peeters ou presque. Auteur de BD, il s'attelle à l'écriture d'un livre duquel il discute avec sa compagne Alix. On pénètre au quotidien dans l'envers du décor de la production d'une bande dessinée avec le travail de l'imaginaire, les affres de la création, les relations avec l'éditeur. Mais surtout on pénètre dans les pensées de l'auteur, ses doutes, ses malaises vis à vis de la société qui l'entoure, et ses sentiments forts pour Alix et sa fille.

Impressions

J'avais déjà chroniqué cette BD. Et comme c'est intéressant de comparer, je conserve cette chronique, et je confirme que j'ai beaucoup aimé cette BD :)

L'histoire est d'apparence anodine,
De par sa fenêtre de dessinateur qui vit en retrait du monde, l'auteur dépeint son quotidien dans une société où le racisme s'est décomplexé, où l'individualisme prime et où la consommation est devenue folle.

Ultra-modernité technologique et pensée réactionnaire, culte de la superficialité et quête d’authenticité, surabondance...
Autant de thèmes plutôt déprimants, mais au final c'est une BD qui ne donne pas envie de baisser les bras.

D'abord parce que l'auteur livre un témoignage touchant de l’amour qu’il porte à sa femme et à sa fille. C'est pour Oleg une fantastique raison de vivre qui lui permet de tenir debout, de faire front, de continuer à avancer. 
Son amour inconditionnel pour sa femme Alix ne s’est pas émoussé avec les années, depuis son album 'Les Pillules Bleues'.
Sa fille est aussi pour Oleg un véritable rayon de soleil sans son quotidien. J'ai particulièrement apprécié leurs conversations qui m'ont rappelé des scènes vécues personnellement...

Ce n'est également pas un récit sombre grâce à son regard désabusé et humoristique sur les scènes du quotidien. Comme, par exemple, lors de e voyage en TGV pour Paris où il 'tagge' chacun des voyageurs dans une bulle de fiction. 'Netflix', 'Instagram', ... Chacun dans sa bulle.

Son dessin noir et blanc très expressif sert à la perfection le récit.  Il insère sans prévenir des cases représentant des scènes ou des références tout à fait hors du quotidien d'Oleg. Ou d'autres fois, il transporte ses personnages dans des scènes futuristes, dans des tableaux de maîtres, dans des grottes et paysages de montagne tandis qu'ils poursuivent leur conversation. Cela surprend le lecteur, et apporte de l'imaginaire et du rythme.


Un regard myope plutôt désabusé. Un album touchant, pertinent et original. J'adôôre.

594: 'Comme les Amours' de Javier Marias

Genre : à pas feutrés

Histoire
Chaque matin, dans le café où elle prend son petit déjeuner, l'éditrice madrilène María Dolz observe un couple qui, par sa complicité et sa gaieté, irradie d'un tel bonheur qu'elle attend avec impatience, jour après jour, le moment d'assister en secret à ce spectacle rare et réconfortant.
Or, l'été passe et, à la rentrée suivante, le couple n'est plus là. María apprend alors qu'un malheur est arrivé.
Impressions
Par l'intermédiaire de la veuve Luisa, María rencontre Javier Díaz-Varela, le meilleur ami de Miguel, et elle comprend vite que les liens que cet homme tisse avec la jeune veuve ne sont pas sans ambiguïté. 
A travers de longues phrases sans point final, l'auteur nous plonge dans les doutes, les convictions, les déductions de Maria. La progression est lente et minutieuse dans les contorsions de l'âme de cette femme instinctive. 

En dépit de l'étirement de certaines réflexions ou de certains dialogues qui semblent infinis, le lecteur (en l'occurrence moi...) est envouté, fasciné par les intuitions et les observations de la narratrice qui petit à petit dénoue les mystères. Et quelles réflexions sur la place que les morts occupent auprès des vivants, ou sur l’engouement amoureux, l'"enamourement"  !
C'est sophistiqué, aux colorations presque surannées mais tout de même très modernes, une histoire sombre mais cependant un récit éblouissant.

Belle découverte pour moi, un écrivain qui sonde les profondeurs de l'âme humaine. Brillantissime

Deux chefs-d'œuvre de la littérature française sont cités au service de cette fiction à de nombreuses reprises : « le colonel Chabert » De Balzac et « les trois mousquetaires » de Dumas. A relire ?

vendredi 2 mai 2025

593: "L’heure des prédateurs" de Giuliano da Impoli

Genre : essai sur un monde qui devient borgiaque et machiavélique

Histoire
« Aujourd’hui, l’heure des prédateurs a sonné et partout les choses évoluent d’une telle façon que tout ce qui doit être réglé le sera par le feu et par l’épée. Ce petit livre est le récit de cette conquête, écrit du point de vue d’un scribe aztèque et à sa manière, par images, plutôt que par concepts, dans le but de saisir le souffle d’un monde, au moment où il sombre dans l’abîme, et l’emprise glacée d’un autre, qui prend sa place. »

Impressions
L’auteur du "Mage du Kremlin" livre une suite de récits de rencontres au sommet avec des plus hauts dirigeants de New York à Riyad, de l’ONU au Ritz-Carlton de MBS.

Portraits acérés, il donne l’alerte aux démocrates désormais "old style".

D’abord les nouveaux dirigeants politiques parmi lesquels Donald Trump bien sûr, mais aussi le salvadorien Bukele ou le saoudien MBS. Le parallèle entre l'action criminelle commise par César Borgia  et des faits imputables au prince héritier d’Arabie, à six siècles de distance est sidérant. Violence extrême y compris physique, sidération née de l’imprévisibilité totale, absence de toute considération morale, culte de l’action et du résultat quels que soient les moyens employés.

Ensuite, la seconde catégorie de prédateurs est composée des patrons de la tech, qui depuis trente ans taillent leur chemin pour prendre le contrôle du monde sans que personne ne les ait vus venir. Ces hommes sont assimilés aux 250 conquistadors espagnols qui ont fait main basse sur l’immense empire aztèque aux 100.000 soldats dont le chef Moctezuma « fit ce que les politiques, de tout temps, font dans ce genre de situation : il décida de ne pas décider ».

Un essai qui ne laisse pas plus de perspectives optimistes que celles véhiculées par l'essai d'Attali.
Peut-on garder de l'espoir en constatant que César Borgia est mort piteusement dans une embuscade de troisième ordre à l’âge de 31 ans, sans que ses projets n’aient de postérité directe ? Que les historiens s’accordent aujourd’hui pour voir dans la prise de main de l'Amérique par les conquistadores le commencement du déclin de l’Espagne, incapable de créer une économie moderne tant elle était submergée par l’afflux de richesses obtenues sans effort ?

Court essai, pertinent, efficace, qui fait froid dans le dos. La démocratie est menacée, la gouvernance repose sur la brutalité et le rapport de force.

Les livres qui m'ont marqué... (pas tous chroniqués)

  • 'Beloved' & 'Jazz' de Toni Morrison
  • 'Charlotte' de David Foenkinos
  • 'Crime et châtiment' de Dostoievski
  • 'Kite runner' de Khaled Hosseini
  • 'La joueuse de go" de Shan Sa
  • 'Le quatrième mur' 'Profession du père' de Sorj Chalandon
  • 'Les enfants de Minuit' de Salman Rushdie
  • 'Sombre dimanche' & "L'art de perdre" d'Alice Zeniter
  • 'Sous le soleil des Scorta' et 'Eldorado' de Laurent Gaudé
  • "1984" de George Orwell
  • "Au Zénith" de Dong Thuong Huong
  • "Candide" de Voltaire
  • "En attendant Godot" de Samuel Beckett
  • "Fanrenheit 451" de Bradbury
  • "L'écume des jours" de Boris Vian
  • "L'insoutenable légéreté de l'être", de Milan Kundera
  • "L'œuvre au noir" de Marguerite Yourcenar
  • "L'ombre du vent" de Carlos Ruis Zafon
  • "La métamorphose" de Kafka
  • "La vie devant soi" de Romain Gary
  • "Le Hussard sur le toit" et "Les âmes fortes" de Jean Giono
  • "Le parfum" de Patrick Suskind
  • "Le Portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde
  • "Le rouge et le noir" de Stendhal
  • "Les Cavaliers" de Joseph Kessel
  • "Les Déferlantes" de Claudie Gallay
  • "Les Raisins de la Colère" de John Steinbeck
  • "Malevil" de Robert Merle
  • "Mr Vertigo" de Paul Auster
  • "Sur la route" de Jack Kerouac
  • à suivre
  • L'univers de Haruki Murakami
  • Les contes d'Alessandra Barrico
  • Les polars de Fréd Vargas
  • Les romans de Sepulveda
  • Les romans de Yasunari Kawabata

Grand Canyon

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