Histoire
Michelangelo Vitaliani, dit Mimo, n'est pas né en 1904 sous les auspices d'une belle étoile, ni avec une cuillère d'argent dans la bouche. Au contraire, son père meurt durant la première guerre mondiale, sa mère s'en débarrasse en l'envoyant à Pietra d'Alba chez un pseudo cousin sculpteur qui l'exploite et le maltraite.
Mais parfois des destins se croisent, comme celui de Mimo avec Violla, cousine cosmique de Mimo car née le même jour que Mimo (en trichant un peu sur les jours...) au sein de la famille puissante des Orsini.
Tous les deux souffrent; l'une d'anticonformisme et de capacités intellectuelles hors du commun dans un milieu patriarcal et conservateur, l'autre de sa pauvreté et d'achondroplasie qui le réduit à l'image d'un nabot aux yeux de ses pairs.
Leur rencontre donnera naissance à une amitié forte, un amour platonique qui résistera aux troubles de l'Histoire et aux trajectoires de vie divergentes.
« - Nous sommes deux aimants. Plus nous nous rapprochons, plus nous nous repoussons.
- Nous ne sommes pas des aimants. Nous sommes une symphonie. Et même la musique a besoin de silences. »
Impressions
Belle lecture. 581 pages (édition L'Iconoclaste) lue avec délectation.
Ce roman rentre dans la catégorie des livres que j'ai littérallement dévoré, impatient d'en poursuivre la lecture entre chaque pause.
Le rythme est effréné sur toute la longueur du récit, pas d'essoufflement, belle prouesse narrative !
Ce qui m'a plu:
L'amitié passionnelle qui fleurte avec l'amour (platonique) entre Mimo et Violla.
« Il m'a fallu quatre-vingt-deux ans, huit décennies de mauvaise foi, et une longue agonie, avant de reconnaitre ce que je savais déjà. Il n'y a pas de Mimo Vitaliani sans Viola Orsini. Mais il y a Viola Orsini, sans besoin de personne. »
Deux destins où des périodes de parfaite entente alternent avec des
La traversée de l'histoire de l'Italie au XXème siècle.
Cette fresque romanesque s'inscrit dans une la Grande Histoire de l'Italie. Meurtrie par la première guerre mondiale, le Fascisme s'y installe petit à petit jusqu'à l'instauration du régime totalitaire mussolinien, et bientôt démarre une deuxième guerre mondiale qui s'achèvera par la défaite italienne.
Dans la description de la Marche sur Rome d'octobre 1922, l'auteur n'épargne pas le manque de courage de Benito: celui se joint au cortège qu'une fois assuré que le gouvernement n'enverra pas l'armée pour les arrêter...
L'assassinat puant du député Matteoti est plusieurs fois cité.
Le 10 juin 1924, le député socialiste Giacomo Matteotti, qui, au fil de ses discours au Parlement, pourfendait le gouvernement de Mussolini, fut jeté à bord d'une voiture par des inconnus qui le poignardèrent. On l'apprendra plus tard, les assassins appartenaient à une sorte de police parallèle et secrète du fascisme, la Tcheka, menée par un chef de bande du nom d'Amerigo Dumini. La Tcheka avait son siège au palais du Viminal, résidence du ministre de l'Intérieur dont le titulaire était Benito Mussolini...

L'antisémitisme et l'extermination dans les camps de concentration que le fascisme mussolinien soutient est également évoqué à de nombreuses reprises, clé de voute d'altercations fortes entre Mimo qui dit ne pas faire de politique, et Violla qui dénonce ces dérives avec véhémence. Mimo se retrouve confronté à la réalité quand Sarah, une collègue de la période de vie où Mimo a été recueilli par une équipe de cirque, est arrêtée et emprisonnée dans le Camp d'internement de Ferramonti di Tarsia, le plus grand camp d'internement (campo di concentramento) pour les internés juifs dans une région infestée de paludisme.
La fin peu glorieuse de Mussolini n'est pas non plus épargnée, celui-ci ayant été arrêté le 28 avril 1945 par la résistance alors qu'il tentait de quitter l'Italie clandestinement.
Abattu, son corps finira -avec celui de 17 autres fascistes dont Clara Pietacci son amante- pendu par les pieds par les pieds à la balustrade d'un distributeur d'essence de la Standard Oil.
La passion de l'art est omniprésente. Sont abondamment cités Michel-Ange, Fra Angelico ou encore le Caravage.
Mimo rencontre également des artistes lors d'un séjour à Paris, et en particulier le sculpteur Brancusi.
Etonnamment, aucune image de sculpture de Vitaliani n'apparaît lors de recherches sur le Web, et toujours, la Pietà de Michelangelo Buonarroti prédomine.
J'ai appris qu'un illuminé du nom de Laszlo Toth a vandalisé à coups de marteau la Pietà de Michel-Ange en mai 1972. Durant son interrogatoire, il a affirmé que les mains du sculpteur avaient été guidées par lui, qu'il est Jésus de Nazareth, et souhaite faire disparaître tous les simulacres du Christ.
Seul petit bémol: l'écriture certes fluide et dynamique pèche un peu par un caractère trop lisse et polissé (influence du marbre ?). Mais est-ce un défaut ? Cela n'a pas nui au bonheur de la lecture de ce roman :)